1977, une année dans le siècle

Publié le 11 mai 2017 - Bruno Colombari

Les Bleus de Platini deviennent champions du monde des matches amicaux et défient le Brésil au Maracana. Pendant ce temps, l’armée vietnamienne entre au Cambodge, les Sex Pistols déboulent et Star Wars colonise l’imaginaire.

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Le contexte historique

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En Chine, l’affrontement entre Deng Xiaoping et Hua Guofeng est marquée par la vctoire du premier sur le second. La guerre éclate à l’automne entre le Vietnam et les Khmers Rouges, l’armée vietnamienne entre dans le Cambodge le 25 décembre.
En Tchécoslovaquie, Vaclav Havel et plus de 200 dissidents signent la Charte 77, accusant le régime communiste de violations des droits de l’homme. L’URSS déploie des missiles SS-20 en Europe de l’Est d’une portée de 500 à 5000 kilomètres. Le 23 juin à la prison des Baumettes à Marseille, Hamida Djandoubi est le dernier condamné à mort en France. Le 25 mars, lors des élections municipales, Jacques Chirac est élu maire de Paris. L’Union de la Gauche est rompue en septembre, ce qui entraînera la défaite aux législatives de mars 1978.
A Bangui le 4 décembre, Jean Bedel Bokassa est sacré empereur de Centrafrique lors d’une cérémonie grotesque et ruineuse. Le 19 octobre, La Guerre des Etoiles de George Lucas sort sur les écrans français. Il fera 6,4 millions d’entrées.
En musique, Jacques Brel sort son dernier album, Les Marquises, moins d’un an avant sa mort, alors que les Sex Pistols lancent le punk avec Never Mind the Bollocks et que The Eagles inaugurent leur Hotel California (such a lovely place) qui deviendra un slow de légende.

Le contexte sportif

Après sept années de razzia germano-hollandaise (les Pays-Bas et la RFA en sélection, l’Ajax et le Bayern en clubs) en Europe, l’horizon s’ouvre enfin en 1977. Liverpool et son lutin Kevin Keegan enlèvent la C1 après avoir sortis Saint-Etienne, dont le long règne national (sept titres de champion de France depuis 1967) s’achève. Le FC Nantes de Jean Vincent et Henri Michel et ses jeunes prometteurs (Pécout, Amisse, Baronchelli, Bossis, Sahnoun, Rampillon) prennent le relais.

Le sélectionneur en poste

Après une première année prometteuse, la mission de Michel Hidalgo pour 1977 est simple : qualifier l’équipe de France pour le Mundial argentin. L’opération renouvellement (12 débutants lancés en 1976) va se poursuivre à un rythme moins élevé, d’autant que le programme de matches amicaux est l’un des plus ambitieux de l’après-guerre. Comment vont se comporter ses gamins, encadrés de quelques briscards comme Marius Trésor, Henri Michel ou Jean-Marc Guillou ?

Le récit de l’année

Le premier match de 1977, le 2 février à Bordeaux, n’apparaît pas dans les statistiques, la fédération roumaine ayant refusé d’en faire un match officiel. Pas de chance pour André Burkhardt qui ne sera pas rappelé ensuite, mais les Bleus l’emportent (2-0) avec des buts de Michel Platini et d’Olivier Rouyer. Trois semaines plus tard, au Parc, c’est une autre paire de manches qui s’annonce, avec rien de moins que les champions du monde en titre, la RFA de Franz Beckenbauer invaincue depuis deux ans.

Michel Hidalgo aligne André Rey dans les cages, Patrick Battiston à droite et Christian Lopez hérite du brassard pour sa cinquième sélection. Et le prometteur milieu nantais Omar Sahnoun entre en jeu dans le dernier quart d’heure. Les Bleus se font logiquement chahuter, Rummenigge secoue la défense dans tous les sens mais ça tient. Et ça fait même mieux, puisqu’Olivier Rouyer trompe Maier d’une volée à la trajectoire surprenante un peu avant l’heure de jeu (1-0).

 


 

Michel Hidalgo tient sa première victoire de prestige, même si ce n’est qu’un match amical. D’ailleurs, il vaudrait mieux ne pas perdre à Dublin en mars contre la République d’Irlande (qu’on appelait alors l’Eire), car il n’y a que quatre matches à jouer pour aller en Argentine et il est conseillé de faire le plein. Mais le manque d’expérience, le terrain cabossé de Lansdowne Road, le vent violent et l’intelligence de jeu de Liam Brady se paient cash pour le seul faux pas de l’année (0-1).


 

Contre la Suisse en avril, Michel Hidalgo aligne un milieu de terrain expérimental et très séduisant composé d’Omar Sahnoun, Alain Giresse et Michel Platini. C’est une préfiguration à trois du futur carré magique (Sahnoun étant même plus technique que Tigana) et le résultat est immédiat : victoire 4-0 avec un coup franc de Platini et des buts de Six, Rocheteau et Rouyer dans le dernier quart d’heure. Rétrospectivement, on ne peut s’empêcher d’imaginer ce qu’aurait pu faire un tel trio un an plus tard en Argentine.

 


 

L’Argentine, justement, c’est la destination suivante de l’équipe de France, en tournée sud-américaine de fin de saison extrêment tardive (du 26 juin au 3 juillet) [1]. Contre l’Albiceleste, les joueurs de Michel Hidalgo font mieux que se défendre dans le stade de Boca Juniors et mériteraient même de l’emporter avec un tir sur le poteau de Loïc Amisse et un face-à-face manqué avec le gardien par Jacques Zimako (0-0).

 


 

Puis vient le grand rendez-vous contre le Brésil au Maracana [2]. Si Rivelino et Paulo Cesar sont toujours là, ce n’est plus le grand Brésil de Pelé et Gerson, évidemment, mais il y a de quoi avoir peur pour la jeune équipe de France. Les Auriverde font ce qu’ils veulent en première période, ouvrent le score par Edinho et continuent sur leur lancée au retour des vestiaires avec Roberto. Touchés dans leur orgueil, les Bleus réagissent enfin et réduisent le score dans la minute qui suit, avec une ouverture parfaite de Platini que Six transforme en exploit personnel (contrôle de la poitrine, sombrero et volée du gauche sous la barre).

 


 

Comme ils n’ont rien à perdre, après tout, les Français s’amusent et bousculent des Brésiliens qui n’arrivent plus à suivre. Les occasions se multiplient devant la cage de Leao et pour finir, Marius Trésor smashe de la tête un corner de Six (2-2) et entre dans la légende.

La tournée s’achève par une défaite non-officielle contre le club de l’Atletico Mineiro de Belo Horizonte (1-3), avec un nouveau but de Trésor. Et la saison suivante commence de la même manière le 24 août avec un amical contre le Hambourg SV au profit de l’UNFP. Mais le résultat est inversé, les Bleus s’imposant 4-2 avec un triplé de Michel Platini qui ne comptera pas dans les statistiques.

En octobre, le niveau est plus relevé contre une URSS qui ne réussit pas à l’équipe de France : 0-0 et un poteau partout (Kolotov côté soviétique, Platini sur coup franc côté français, ça ne marche pas à tous les coups). L’idée était de bien préparer le match décisif contre la Bulgarie en novembre, où la victoire sera obligatoire.

Pour l’occasion, Michel Hidalgo rappelle le meneur de jeu niçois Jean-Marc Guillou afin d’apporter plus de liant au milieu de terrain où il sera associé à Dominique Bathenay et à Michel Platini, dans un 4-3-3 plutôt offensif [3]. Les Bulgares font mieux que se défendre, et il faut attendre la 38e minute pour voir enfin l’ouverture du score par Rocheteau après un ballon remis de la tête par Trésor et cafouillé dans la surface. Platini a l’occasion de plier le match juste après, mais la barre repousse sa frappe. Ce n’est que partie remise. A la 63e, un contre est amorcé côté gauche par Bossis et Six, lequel temporise et trouve Platini démarqué aux 20 mètres. La frappe flottante du numéro 10 finit au fond, le Parc explose. Malgré un petit relâchement en fin de match (3-1, dernier but de Dalger), les Bleus se qualifient enfin pour une coupe du monde.


 

La révélation de l’année

Le gardien du FC Metz, André Rey, est le premier lancé par Michel Hidalgo en équipe de France, Baratelli et Bertrand-Demanes ayant été utilisés en 1976. Et c’est une bonne idée. A 29 ans, Rey n’est plus un débutant, mais c’est un gardien sûr. Il joue six fois sur sept en 1977, sans compter les deux amicaux non-officiels contre la Roumanie en février et Hambourg en août. Et s’il encaisse deux buts au Maracana, il tient parfaitement le choc contre les Allemands, les Suisses et les Soviétiques. Il aurait dû être du voyage en Argentine, mais il déclarera forfait suite à une blessure du poignet mal remise et sa carrière s’achèvera en 1979, avec dix sélections seulement.

Les joueurs de l’année

Vingt-neuf joueurs en sept matches : c’est un peu moins qu’en 1976 (32 en 6 rencontres), mais c’est encore un bon rythme. Les nouveaux ne sont plus que neuf, et l’on ne peut pas tomber sur un filon à chaque fois : seuls Patrick Battiston (56 sélections) et à un degré moindre Thierry Tusseau (22) feront carrière et gagneront l’Euro sept ans plus tard avant de jouer ensemble le Mundial mexicain.

Les Nantais Omar Sahnoun [4], Loïc Amisse et Bruno Baronchelli ne feront que passer, tout comme les Messins Bernard Zénier et André Rey, le Monégasque Jean Petit ou le Bastiais Jacques Zimako. Les seuls à terminer leur carrière internationale cette année-là sont les Staphanois Patrick Revelli et Christian Synaeghel. Patrice Rio et Michel Platini ne ratent pas la moindre minute de la saison.

Les buteurs de l’année

Peu de buts marqués cette année-là. Platini en inscrit deux, tout comme Dominique Rocheteau, Olivier Rouyer et Didier Six. Christian Dalger et Marius Trésor complètent le tableau.

Carnet bleu

Naissances de Ousmane Dabo (le 8 février), Willy Sagnol (le 18 mars), Daniel Moreira (le 8 août), Mikaël Silvestre (le 9 août), William Gallas et Thierry Henry (le 17 août) et David Trezeguet (le 15 octobre).
Décès de Maurice Dupuis (le 23 septembre) et Roger Rolhion (le 30 novembre).

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Hommage à Pierre Cazal