Omar Sahnoun, un Zizou avant l’heure

Publié le 18 août 2013 - Bruno Colombari

Il est né un 18 août, la même année que Platini et avait la même technique que Zidane : Omar Sahnoun était sans doute l’un des joueurs français les plus doués des années 70. Il est mort le 21 avril 1980, à 24 ans.

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En janvier 2007, quelques jours avant son élection à la présidence de l’UEFA, Michel Platini accorde un entretien à l’Express. A une question de Philippe Broussard à propos de sa remarque sur les limites techniques de Deschamps, Platoche répond : « Un autre jour, j’ai dit : « Ce que Zidane fait avec un ballon, Maradona le faisait avec une orange. » Dans mon esprit, c’était vrai et cela n’avait rien de négatif. En fait, je m’adressais à ceux qui ont découvert le football en 1998, en s’émerveillant devant les gestes de Zinédine. Or certains de ces gestes n’avaient rien de nouveau pour les connaisseurs. J’ai vu Omar Sahnoun les faire au service militaire ! »

Maradona, Zidane et Sahnoun cités tous les trois par Michel Platini : s’il était encore de ce monde, nul doute que le fils de harki formé à Beauvais serait fier de lui. Mais il est mort il y a bien longtemps, alors que Maradona commençait à faire parler de lui, que Platini n’avait à son palmarès qu’une coupe de France, et que Zidane était encore à l’école primaire.

Sous les ordres de Suaudeau

Six sélections, aucun but : au classement des joueurs, Omar Sahnoun n’émarge qu’à une très modeste 354e place, entre deux noms de son époque, son coéquipier à Nantes Bruno Baronchelli et le monégasque Christian Dalger. Pourtant, même trente-cinq ans après, sa trace reste vive chez ceux qui l’ont vu jouer. Formé à Beauvais [1], où ses parents se sont installés en 1962 après avoir quitté l’Algérie (son père était harki), Omar a toujours été polyvalent, jouant indifféremment aux postes de stoppeur, libéro, milieu défensif, relayeur ou meneur de jeu. Il est recruté à 17 ans par le FC Nantes et il fait ses débuts en professionnel en 3e division, dans une équipe dirigée par un certain Jean-Claude Suaudeau.

Il débute en première division avec Nantes en 1974-75, mais c’est deux ans plus tard, en 1976-1977, qu’il explose enfin, à 21 ans. Cette année-là, il joue 31 matches en championnat, marque 15 buts (la moitié du total de sa carrière) et termine la saison champion de France en exploitant au mieux sa polyvalence, tantôt défenseur central, tantôt récupérateur, parfois même avant-centre. Du coup, Michel Hidalgo l’appelle chez les Bleus, une première fois contre la Roumanie le 2 février 1977 à Bordeaux, mais ce match n’a pas été reconnu par la fédération roumaine est n’est donc pas officiel. Un test convaincant (victoire 2-0) où Sahnoun démontre qu’il sait tout faire (milieu en première période, stoppeur aux côtés de Lopez en seconde). Il est logiquement rappelé contre la RFA le 23 février au Parc.

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Un avant-goût du carré magique

Contre les champions du monde en titre, Sahnoun entre en jeu (à la place de Christian Synaeghel) vingt minutes après le but d’Olivier Rouyer qui donne aux Bleus un succès historique (1-0). On le retrouve deux mois plus tard à Genève contre la Suisse où il est associé au milieu à Alain Giresse et Michel Platini dans un trio très technique qui préfigure le carré magique de 1982. Et ça fait des étincelles : 4-0 à l’extérieur, Omar étant passeur décisif sur le deuxième but du match signé Didier Six.


 

Et voilà le Nantais embarqué dans la tournée en Argentine et au Brésil en juin 1977. Sa technique et sa polyvalence font merveille aux côtés de Dominique Bathenay et Michel Platini, avec qui il fait forte impression au Maracana lors d’un superbe 2-2 arraché aux Brésiliens [2]. La presse commence à s’intéresser de près au joueur qui en profite pour mettre en avant ses origines, assumant fièrement d’être fils de harki à une période où ces derniers, lassés d’être les oubliés de la République, tentent de se faire entendre après la visite de Giscard à Alger en 1975 [3].

Première alerte

Au mois d’août, le sélectionneur confie à l’Equipe que Sahnoun fait partie de son équipe de base, en concurrence avec Christian Synaeghel. C’est alors que lors de la préparation du match contre Hambourg, le 23 août, il s’écroule sur le terrain d’entraînement, victime d’un malaise cardiaque. Sa carrière est alors à l’arrêt pendant cinq mois, au plus mauvais moment : pendant ce temps, les Bleus éliminent la Bulgarie et gagnent leur place pour l’Argentine.

Omar Sahnoun reviendra en début d’année 1978, déclaré apte au football par les médecins. Michel Hidalgo, qui ne l’a pas oublié, le convoque pour un amical contre le Portugal en mars, le met dans sa liste des 40 imposée par la FIFA en avril, et le fait jouer une mi-temps contre l’Iran le 11 mai 1978. Ce sera la sixième et dernière fois qu’on verra Sahnoun en équipe de France. Il n’est pas retenu contre la Tunisie une semaine plus tard et ne figure pas dans la liste des 22 qui iront en Argentine. Sa chance est passée.

Les regrets sont éternels

L’année suivante, il brille à nouveau avec le FC Nantes en remportant la coupe de France contre Auxerre, et part à Bordeaux où Claude Bez prépare une grande équipe. Sa saison est un échec, puis elle s’arrête brutalement le 21 avril 1980, pendant un entraînement banal où Sahnoun s’effondre une deuxième fois, sans pouvoir être ranimé.

21 avril 1980 : le JT de 20h d’Antenne 2, présenté par PPDA, ouvre sur l’annonce du décès de Sahnoun.


 

Qui sait ce qu’il serait devenu s’il était resté au FC Nantes, où Jean-Claude Suaudeau allait bientôt succéder à Jean Vincent ? Il aurait peut-être participé à la coupe du monde 1982, et peut-être fait partie du carré magique à la place de Jean Tigana ou de Bernard Genghini. Et c’est peut-être à lui, et pas à Platini, que Zidane aurait été comparé à ses débuts chez les Bleus. Les regrets sont éternels. Omar Sahnoun aussi.

[1lire l’article qui lui est consacré sur le site de l’AS Beauvais

[2Lire l’article 30 juin 1977 : Brésil-France

[3lire l’article d’Yvan Gastaut sur le site wearefootball.org

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