16 novembre 1977 : France-Bulgarie

Publié le 16 novembre 2010 - Bruno Colombari - 2

Une qualification pour la coupe du monde après douze ans d’absence, le retour de Rocheteau et des Bulgares qui prennent un but à la dernière seconde du match. 77, année héroïque.

5 minutes de lecture

Le contexte historique
Cette année 1977, deuxième de l’ère Hidalgo, aura alterné l’excellent et le moins bon avant l’ultime match qualificatif pour l’Argentine. Une victoire de prestige contre l’Allemagne fédérale (championne du monde en titre et invaincue depuis 1974), une défaite pas rassurante à Dublin contre l’Irlande (0-1), un carton à Genève contre la Suisse (4-0), une très belle tournée sud-américaine avec un nul à Buenos-Aires contre l’Argentine (0-0) suivi d’un autre nul au Maracana (2-2) où le Brésil est invaincu depuis vingt ans. Quant arrive le 16 novembre, les Bleus restent sur une victoire en amical contre Hambourg (4-2, triplé de Platini) et un 0-0 contre l’URSS au Parc. Un nul suffit aux Bulgares pour se qualifier, alors qu’à l’aller, en septembre 1976, l’équipe de France l’aurait emporté sans un arbitrage très défavorable (2-2).

Le match

Comme l’équipe de France a besoin d’une victoire, Michel Hidalgo aligne une composition très offensive, en 4-2-4 puisque Michel Platini se positionne juste derrière Bernard Lacombe, alors que Rocheteau et Six occupent les ailes. Bathenay et Guillou sont à la récupération, devant une défense composée de Janvion à droite, Bossis à gauche, Rio et Trésor occupant l’axe devant le gardien messin André Rey.

Si dès la première minute, Six (débordement, puis centre de la gauche) et Lacombe (tête dans la surface) répètent la séquence qui deviendra célèbre contre l’Italie sept mois plus tard, les Français ont bien du mal à se créer des occasions franches. Hormis un coup franc dans l’axe repoussé par le mur, Michel Platini ne touche pas un ballon dans les dix premières minutes, et les Bulgares (qui jouent en 5-3-2) semblent avoir les moyens d’obtenir le nul qu’ils recherchent. Il faudra attendre le deuxième quart d’heure pour voir les Bleus en position dangereuse, avec une tête de Bathenay sur un centre de Platini (15e), un centre de Bathenay que Rocheteau ne peut couper (19e), une superbe louche de Platini pour Lacombe contré au point de pénalty (23e) et la même, cette fois pour Guillou dont la tête manque de peu trouver Rocheteau au second poteau. Sur l’aile droite, l’association stéphanoise Janvion-Rocheteau fonctionne parfaitement, l’arrière latéral proposant systématiquement des solutions comme le font les joueurs d’aujourd’hui.

C’est à ce moment là que les Bulgares sortent enfin, avec une action de toute beauté partie d’Arabov sur l’aile droite, qui décale Kostov, lequel centre au premier poteau pour Alexandrov qui devance la sortie de Rey, talonne pour Bonev dont le tir est dévié de la fesse par Rio (29e). Piqués au vif, les Bleus poussent encore avec une frappe de loin de Platini (34e) et un centre de Rocheteau repris en plongeant par Platini et dégagé en corner (38e). C’est sur celui-ci, tiré de la droite par Six et rabattu de la tête par Trésor, que Rocheteau ouvre le score d’un pointu aux six mètres pas très esthétique mais efficace. Assommés, les Bulgares manquent de peu de sortir du match quand la frappe du droit de Platini, de 25 mètres à droite, est repoussée par la barre alors que Goranov était battu.

La deuxième période commence pied au plancher pour les Bleus qui veulent se metre à l’abri. Ils obtiennent deux coups francs bien placés à la 46e (tir de Six à côté) et surtout à la 47e, quand Platini est balancé dans la surface par Ivkov alors qu’il tentait un grand pont. Pénalty ? Non, coup franc indirect, une sanction qui n’est plus utilisée aujourd’hui que pour une faute de main du gardien dans la surface. Six le tire dans le mur.

Rien de notable ne se passe dans le quart d’heure qui suit, les Français perdant un peu le fil de la rencontre et les Bulgares ne mettant pas beaucoup de conviction dans leurs attaques, malgré l’entrée à la mi-temps de Zvetkov. C’est alors que Platini sort à nouveau de sa boîte et donne aux Bleus une avance plus confortable (voir la séquence souvenir). Sur le banc de touche (qui à l’époque est un simple banc sans le moindre auvent pour s’abriter des intempéries), le K-Way bleu de Michel Hidalgo reste calme.

Dalger remplace Rocheteau alors que les lignes s’étirent et que le milieu de terrain bulgare ne tient plus un ballon. Il ne reste plus qu’à finir le travail avec un troisième but, que Six a au bout de la chaussure quand il part dans le dos de la défense bulgare, se présente devant Goranov, l’efface, se décale, évite le retour de Vassiliev et tente de trouver Platini d’un centre lobé. Tout Six est dans cette séquence, brillant technicien mais piètre finisseur (13 buts en 52 sélections). Il vendangera une autre occasion cinq minutes plus tard quand, servi par une nouvelle louche de Platini dans la surface, il piquera le ballon du gauche au dessus.

Tant de dilettantisme devait bien finir par se payer, et c’est ce qui arrive quand un débordement de Kostov étire la défense française et trouve Zvzetkov seul aux six mètres plein axe (85e). 2-1 et cinq dernières minutes passées à serrer les fesses. Mais nous sommes en 1977, pas en 1993, et tout finit pour le mieux avec un dernier contre mené par Lacombe le long de la ligne de touche, suivi d’un amour de centre en retrait pour Dalger qui crochète dans la surface et place le ballon au premier poteau. C’est fini, Platini essaie de chiper le ballon des mains de l’arbitre, un certain Charles Corver, celui de Séville en 1982. Hidalgo est porté en triomphe vingt-et-un ans avant Jacquet, tout le monde s’embrasse, le foot français est de retour.

La séquence souvenir

On joue la soixante-troisième minute, et après une baisse d’intensité dans le premier quart d’heure, Platini a réveillé tout le stade d’un tir du gauche à 18 mètres plein axe, capté difficilement par Goranov. Hristo Bonev récupère un ballon dans son camp et tente de lancer en profondeur Stankov. Trésor s’interpose d’un tacle glissé. Le ballon arrive sur la gauche à Bossis qui transmet devant lui à Six. Celui-ci lui remet le ballon, Bossis avance, cherche une solution, se tourne à nouveau vers Six qui a pris le couloir. Ce dernier provoque Vassiliev et passe dans l’axe à Platini démarqué. Un contrôle et une frappe tendue des 25 mètres suffisent au numéro 10 pour inscrire son sixième but (en 12 sélections). Un mois plus tard, il sera sur le podium du Ballon d’or France-Football pour la première fois, devancé par le Danois Allan Simonsen et l’Anglais Kevin Keegan.

L’adversaire à surveiller

Le capitaine Hristo Bonev ne porte pas seulement le brassard, il est le dépositaire du jeu bulgare. A trente ans, il compte 90 sélections et a participé aux deux précédentes coupes du monde. A l’aller, il avait été doublement décisif, en marquant sur coup-franc le but qui relançait une sélection à la dérive juste avant la pause, et en ne cadrant pas un pénalty qui aurait sans doute éliminé la France à deux minutes de la fin. Au Parc, il fait ce qu’il peut dans une configuration très défensive, où sa couverture de balle pose des problèmes aux milieux français. Mais il ne parvient pas à trouver des attaquants (Kostov et Stankov) bien effacés.

Le Bleu du match

La surprise du chef, c’est au milieu de terrain qu’on la trouve, avec la titularisation du Niçois Jean-Marc Guillou. A 32 ans, il joue à peine son quinzième match chez les Bleus, le troisième depuis l’arrivée de Michel Hidalgo en mars 1976. L’avènement de Michel Platini en numéro 10 et la cote élevée des milieux stéphanois (Bathenay et Synaeghel) l’ont relégué dans l’ombre. Mais le sélectionneur a besoin d’un technicien à la récupération, capable d’orienter le jeu assez bas sur le terrain, d’autant que Platini commence le match en position de quasi-attaquant. Avec Bathenay, Guillou forme un duo complémentaire et efficace, ratisse bon nombre de ballons et les ressort proprement. Sa bonne performance sera récompensée, avec une place dans la liste des 22 pour l’Argentine et une dernière sélection contre l’Italie à Mar del Plata en juin 1978.

La petite phrase

Quelques semaines avant France-Bulgarie, et alors en petite forme, le Stéphanois Dominique Rocheteau avait déclaré : « Quand je tente un dribble, je ne sais pas ce que je vais faire, jusqu’au moment où je trouve la solution. Ou pas de solution. Je n’ai jamais appris à dribbler. Je joue d’instinct. » [1]

La fin alternative

Il reste quarante secondes à jouer et la France mène 2 à 1. Sur l’aile gauche, Didier Six déborde, et au lieu de conserver le ballon, tente un centre au troisième poteau. Georgi Bonev récupère, sert son homonyme Hristo qui évite le retour de Bathenay et lance Kostov dans la profondeur. Celui-ci prend Guillou de vitesse, esquive le tacle de Bossis et frappe en force depuis l’angle de la surface française. Le ballon s’écrase sous la barre d’André Rey et finit au fond des filets. Les Bleus sont éliminés une nouvelle fois, Michel Hidalgo sera remplacé quelques jours plus tard par l’entraîneur nantais Jean Vincent. Dans la banlieue de Sofia, dans la salle enfumée des jeunesses communistes, le jeune Emil, dix ans, crie à qui veut l’entendre : « quand je serai grand, moi aussi je serai Kostov ! ».

[1cité par Jacques Thibert dans L’année du football 1978, éditions Calmann-Lévy

Vos commentaires

  • Le 29 mars 2023 à 02:39, par Jean-Pierre Francis En réponse à : 16 novembre 1977 : France-Bulgarie

    Bonsoir,
    C’est dur de dire de Didier Six qu’il était un piètre finisseur... C’était surtout un véritable ailier de débordement donc souvent situé excentré face aux buts et les ailiers à cette époque n’étaient pas sur leur pied opposé pour tirer au but comme aujourd’hui où les gauchers jouent à droite...
    Pour comparer à une pointure internationale de la même époque que lui, Robby Rensenbrink a marqué par exemple 14 buts en 46 sélections pour la Hollande, mais il a marqué au moins 4 de ses 14 buts sur des pénalties à la Coupe du Monde 1978. (Didier Six n’en tirait pas en sélection). A titre d’exemple, l’ailier droit Johnny Rep lui à scoré 12 fois en 42 sélections... C’est un peu mieux que Six, mais ça reste dans une moyenne assez similaire (Rep a tiré quelques pénalties lui aussi)
    Un autre grand ailier gauche de l’époque Ivica Surjak a lui marqué 10 buts en 54 sélections alors que Dragan Džajić a lui marqué 25 buts en 85 sélection (moyenne 0,29 contre 0,25 à Didier Six).

  • Le 29 mars 2023 à 10:15, par Bruno Colombari En réponse à : 16 novembre 1977 : France-Bulgarie

    Bonjour, merci pour votre message et pour ces comparaisons en effet pertinentes.

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