A quelle heure on joue ?

Publié le 10 avril 2024 - Bruno Colombari

En plein soleil ou sous les étoiles, l’heure du match influe-t-elle sur le résultat ? Voici un test comparatif diurne/nocturne sur les 116 rencontres des Bleus en phase finale européenne et mondiale, triées minute par minute.

Mise à jour d’un article initialement paru en juin 2016.
6 minutes de lecture

Jouer l’après-midi ou sous la lumière des projecteurs, par des températures proches de zéro ou caniculaires : si les phases finales d’Euro et de Mondial se déroulent habituellement entre la fin mai et le mois de juillet (mais le Qatar en 2022 fait exception avec un tournoi en novembre et décembre, qui pourrait se reproduire en 2034 en Arabie Saoudite), les conditions de jeu sont loin d’être homogènes.

Outre l’horaire du coup d’envoi proprement dit, qui va de 12h à 22h, il faut bien entendu tenir compte de la latitude et du continent où l’on joue. Même au mois de juin, le climat et la durée du jour à Johannesbourg, Mexico, Buenos Aires ou Montevideo n’ont rien à voir avec ceux de Séville, Newcastle, Kiev ou Stockholm. Dans l’hiver austral, la nuit tombe très vite, alors qu’à l’été boréal, les journées s’allongent indéfiniment.

Au Qatar, pour la Coupe du monde 2022, les Bleus ont joué à 18h, 19h (sachant qu’en décembre la nuit tombe à cette latitude à 16h) et à l’horaire inédit en phase finale de 22h. Il s’agit évidemment d’heures locales, pas européennes.

En Russie en 2018, ils ont joué à cinq horaires différents : à 13h contre l’Australie à Kazan, à 17h contre le Danemark à Moscou, face à l’Argentine à Kazan et l’Uruguay à Nijni Novgorod, à 18h à Moscou contre la Croatie, à 20h face au Pérou à Iékaterinbourg et à 21h contre la Belgique à Saint-Petersbourg. Il s’agit bien sûr des heures locales. Seuls le deuxième et le sixièmes se sont joué en nocturne (même si le soleil se couche à 21h53 à Iékaterinbourg au solstice d’été, et si l’orage violent au-dessus de Moscou a donné un air crépusculaire à la cérémonie de remise du trophée le 15 juillet).

En Allemagne, pour l’Euro 2024, ils joueront deux fois à 21h (Autriche le 17 juin et Pays-Bas le 21) et une fois à 18h (Pologne le 25 juin) au premier tour. Pour la suite, ils joueront tous les matchs à élimination directe à 21h, sauf dans le cas où ils finissent deuxième de leur groupe, auquel cas le huitième de finale aura lieu à 18h.

Une définition aléatoire

Entre 1930 et 2022, l’équipe de France a disputé 116 matches en phase finale d’Euro et de Mondial. Définir ceux joués en diurne et ceux joués en nocturne (et mesurer l’incidence de l’horaire sur le résultat) est plus compliqué qu’on ne l’imagine. Si un match en nocturne semble assez évident (dont la plus grande partie est jouée de nuit avec un éclairage artificiel), la qualification de match diurne est plus compliquée. En été, certaines rencontres commencent sous le soleil et se terminent à la nuit tombée. Idem pour celles jouées en hiver dans l’hémisphère sud l’après-midi.

Par exemple, l’équipe de France a joué la plupart de ses matches (cinq sur six) à 19h lors de la Coupe du monde suédoise en 1958, sans éclairage artificiel. Alors que la rencontre face à l’Afrique du Sud en juin 2010, disputée à 16h, s’est terminée à la nuit tombée. Et rappelons qu’aujourd’hui, même les matches joués en plein jour sont éclairés par les projecteurs (pour déboucher les zones d’ombre).

Avant de passer à la répartition des 116 matches en fonction de l’horaire du coup d’envoi, regardons quels résultats les Bleus ont obtenu en jouant l’après-midi ou le soir. Les horaires des matches sont évidemment exprimés en heure locale (midi au Mexique, 21h45 en Ukraine, par exemple).

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Les 57 matches joués par les Bleus en diurne concernent majoritairement la Coupe du monde (43) alors que les 59 joués en nocturne se répartissent plus équitablement (29 pour l’Euro, 30 pour le Mondial). Deux tiers des matches des Bleus à l’Euro se sont joués de nuit (29 sur 43) contre seulement 41% à la Coupe du monde (30 sur 73). Cette différence s’explique facilement : les tournois mondiaux, existant depuis 1930, se sont déroulés exclusivement de jour jusqu’en 1966, de même que les compétitions au Mexique (1970 et 1986) ou aux Etats-Unis (1994) [1] L’Euro a débuté dès 1960 avec des matches en nocturne, sur le principe de la coupe d’Europe des clubs. Et bien sûr il n’y a pas de décalage horaire, ou alors il est marginal (Angleterre 1996, Portugal 2004, Ukraine et Pologne 2012).

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Les Bleus sont plutôt d’après-midi, surtout à l’Euro

En diurne, l’équipe de France a remporté plus de la moitié de ses matches (33 sur 57) et en a perdu un quart. Parmi les défaites notables, celles contre l’Italie en 1938 (quart de finale à domicile), l’Allemagne en 1986 (demi-finale mondiale) et en 2014 (quart de finale). Toutes en Coupe du monde. Car à l’Euro, les Bleus sont invaincus l’après-midi (6 victoires et 7 nuls). Modérons toutefois cette statistique très encourageante par le fait qu’en juin 1996, le nul contre la République tchèque en demi-finale de l’Euro cache une élimination aux tirs au but, de même que les nuls de juin 1986 contre le Brésil et de juillet 1998 face à l’Italie sont en réalité des victoires, toujours aux tirs au but.

En nocturne, les stats sont moins flatteuses. Les victoires ne représentent que 46% du total, d’autant que se cache dans les nuls l’élimination cruelle de Séville en 1982 contre l’Allemagne ou celle de 2021 face à la Suisse (aux tirs au but). Et là l’Euro ne vient pas à la rescousse, avec 10 défaites sur 29 (et seulement 5 nuls), alors que le bilan en Coupe du monde est à l’équilibre, mais avec seulement 13 victoires en 25 rencontres.

Ça se gâte à la nuit tombée...

On pourrait penser que c’est parce que les matches à élimination directe se jouent plus souvent de nuit et que leur niveau est plus élevé qu’en phase de poule. Erreur. A l’Euro, la France a perdu de nuit contre le Danemark en 1992, l’Italie et les Pays-Bas en 2008, les Pays-Bas encore en 2000 ou la Suède en 2012, toujours au premier tour. En Coupe du monde, les Bleus ont chuté face à l’Uruguay et l’Angleterre en 1966, la Pologne en 1982, le Sénégal en 2002 ou le Mexique en 2010. Les défaites en match à élimination directe concernent plutôt l’Euro, en finale (Portugal 2016), en demi-finale (Yougoslavie 1960) ou en quarts (Grèce 2004 et Espagne 2012).

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... mais tout s’arrange (ou presque) à 21 heures

Sur le graphique ci-dessus, on constate que les matchs à 15h sont particulièrement rares en phase finale, même si le huitième contre l’Irlande à l’Euro 2016 ou celui contre la Hongrie en 2021 se sont joués à cette heure. Le seul précédent date de juillet 1930, et c’était le tout premier, contre le Mexique à Montevideo (4-1). Les horaires porte-poisse sont 12h50, 13h45, 15h30, 19h15, 20h15, 21h30 et 21h45 (aucune victoire, un seul match nul, huit défaites). Et le meilleur horaire est, on vous le donne en mille, 21h. Les Bleus n’ont perdu qu’une fois dans le temps de jeu à cette heure-là, et ils ont même gagné 14 fois sur 20. D’accord, la demi-finale de Séville en 1982 est dans les trois nuls. Et la seule défaite est particulièrement cuisante, puisque c’est celle contre le Portugal à domicile, en finale de l’Euro 2016. Ce match avait d’ailleurs été précédé par une invasion de phalènes, des papillons de nuit attirés par la lumière des projecteurs, le Stade de France ayant été éclairé toute la nuit précédant le match pour raisons de sécurité.

Passons pour terminer au détail heure par heure. En milieu de journée, on retrouve les sept matches joués au Mexique en 1986, ainsi que le huitième et le quart disputé au Brésil en 2014, le premier match en Argentine en 1978 et en Russie en 2018 ainsi que le dernier en Uruguay en 1930. Bilan mitigé à cette heure-ci.

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En milieu d’après-midi, se concentrent les matches du premier tour de 1930 et 1934, le dernier en Argentine en 1978, le premier au Mexique en 1986, les trois joués en France en 1998 et le huitième contre l’Irlande en 2016. A noter la demi-finale de Manchester contre la République tchèque en 1996. Là aussi, le bilan est moyen avec quatre défaites et trois nuls (une qualification et une élimination aux tirs au but).

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La journée avance et les résultats s’améliorent. Beaucoup de matches du Mundial 1982 en Espagne (premier et second tour), de la Russie 2018 ainsi que la victoire contre la Belgique à l’Euro 1984. A noter l’élimination de 1938 contre l’Italie à domicile.

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Il fait déjà moins chaud et en Suède en 1958 il fait encore bien jour. La dernière défaite dans ce créneau horaire remonte d’ailleurs à cette époque, face au Brésil de Pelé. Mais beaucoup de matches nuls dans les années récentes au premier tour. Et bien sûr la victoire en finale contre la Croatie en 2018, débutée dans la grisaille et achevée sous des trombes d’eau, alors que la remise des médailles et de la coupe se faisait sur la pelouse (bien fait pour la FIFA). La finale de 2022 s’est aussi jouée dans ce créneau, à 18h, mais il faisait nuit noire dès le coup d’envoi.

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On entre là dans le créneau des matches en nocture, et ça ne se passe pas bien pour les Bleus qui perdent quatre fois pour deux nuls et trois victoires, dont une à l’arraché contre l’Angleterre en 2004.

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La température est bien plus agréable maintenant, mais les Bleus sont dans le rouge un peu trop souvent. Heureusement que 1984 remonte la moyenne avec quatre victoires. A noter que trois finales se sont jouées à 20h, les deux victorieuses en 1984 contre l’Espagne et en 2000 face à l’Italie, et celle de Berlin en 2006.

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Et voici le tableau de 21h, avec ses résultats presque parfaits, à trois exceptions près (Séville en 1982, la finale de l’Euro 2016 et le huitième contre la Suisse en 2021). Les deux nuls contre la Corée du Sud en 2006 et la Suisse en 2016 ont été sans conséquence. En revanche, mieux vaut éviter commencer après 21h. Ou alors, il faut jouer très tard, à 22h. Les Bleus ont remporté leurs trois matchs joués à ce moment de la soirée en 2022.

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[1Même si l’équipe de France a été absente en 1970 et 1994.

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