Le contexte de son arrivée
Et si l’obsession d’Aimé Jacquet pour la solidité défensive, qui va le mener à bâtir la ligne arrière la plus hermétique de l’histoire, s’expliquait par son vécu en tant qu’adjoint de Gérard Houllier à l’automne 1993 ? Les trois buts encaissés dans les toutes dernières minutes contre Israël en octobre (2-3) et la Bulgarie en novembre (1-2) ont littéralement assommé l’ex-entraîneur des Girondins de Bordeaux, qui semblait plus marqué que le sélectionneur sur les images du coup de sifflet final de France-Bulgarie.
Nommé en décembre 1993 dans la précipitation qui a suivi le départ de Gérard Houllier, pour une période d’intérim jusqu’à l’été suivant, Aimé Jacquet finira par convaincre et s’installera dans la durée. L’homme chargé d’accompagner les Bleus jusqu’à la Coupe du monde 1998, ce sera finalement lui.
Son apport
Jamais l’équipe de France n’avait dégagé une telle impression de solidité avant lui, et elle ne le fera plus après lui, sauf sans doute ponctuellement entre 2003 et 2006. C’est lui qui est l’architecte de la défense invincible composée de Barthez, Thuram, Lizarazu, Blanc et Desailly, même si les trois derniers avaient débuté avant son arrivée. Bâtie dans un 4-3-2-1 très défensif, la sélection restera invaincue pendant trente matchs [1], dont dix nuls et pas moins de sept 0-0, dont un perdant contre la République tchèque en juin 1996, en demi-finale de l’Euro.
Car le revers de la médaille, il est là : avec trois joueurs offensifs — Djorkaeff, Zidane et une pointe (Loko, Dugarry ou Guivarc’h) — cette équipe peine à faire le jeu. Elle n’est pas particulièrement belle à voir jouer, et hormis une victoire conquérante et décisive à Bucarest à l’automne 1995, on a bien du mal à retenir un match au niveau de ceux des années 82-86 ou de l’Euro 2000.
La décision (risquée mais courageuse) d’écarter des joueurs offensifs comme Eric Cantona, David Ginola ou Jean-Pierre Papin, a sans doute permis de maintenir la cohésion du groupe, mais ce fut au prix d’une moindre force de frappe devant.
Aimé Jacquet tentera bien une cure de jouvence à partir de 1997, avec les arrivées de Thierry Henry, David Trezeguet et Nicolas Anelka, mais elle servira plutôt à préparer l’avenir qu’à conquérir le présent : les deux premiers seront remplaçants à partir des quarts de finale et ne disputeront pas le France-Brésil du 12 juillet. Le troisième n’a pas été retenu après un essai en avril contre la Suède.
Le tournant
Ce 1er juin 1996, cet Allemagne-France n’est qu’un match amical qui se joue à Stuttgart, coincé entre deux rencontres préparatoires sans éclat contre la Finlande et l’Arménie. Mais gagner en Allemagne n’est jamais anodin [2], surtout face au futur champion d’Europe. Laurent Blanc marque le seul but du match et les Bleus changent de dimension. Après avoir arraché une victoire à Naples contre l’Italie en février 1994 (la première depuis 1912), Aimé Jacquet commence à se faire une réputation. C’est aussi le 22e match consécutif sans défaite pour les Bleus. Jacquet ne rejouera plus contre l’Allemagne, mais désormais, ses joueurs n’ont plus peur de personne. Ils chasseront d’ailleurs les fantômes à Newcastle contre la Bulgarie de Stoïchkov le 18 juin (!).
Son bilan
D’un point de vue statistique, son bilan est impressionnant. Aimé Jacquet est le seul sélectionneur français invaicu en compétition, même s’il faut rappeler qu’un des neuf nuls est en fait une élimination contre la République tchèque en demi-finale de l’Euro 1996. En deux phases finales, Aimé Jacquet a gagné huit fois, fait quatre nuls, remporté deux matchs aux tirs au but et un autre au but en or. Et seulement quatre buts encaissés !
En octobre 1996, après la défaite au Danemark qui a mis un terme à la série record d’invincibilité (30 matchs), il expose sa stratégie de préparation à la Coupe du Monde dans Stade 2.