Mise à jour d’un article initialement paru en avril 2022.
La Ligue des Nations 2023 aura été fatale à l’une des plus belles séries de l’histoire des Bleus. Avant les matchs de juin 2022, elle restait sur 3 défaites pour ses 50 derniers matchs (depuis le 16 juin 2018) et sur 12 échecs pour ses 100 dernières sorties (depuis le 4 juin 2014).
Tout s’est arrêté avec le très médiocre parcours qualificatif (ou plutôt éliminatoire, en l’occurrence) en Ligue des Nations, dont l’équipes de France est toujours tenante du titre. Trois défaites (Danemark 1-2 et 0-2, Croatie 0-1), deux nuls (Croatie et Autriche, 1-1) pour une seule victoire (Autriche, 2-0), voilà qui ne donne pas de bons signaux à quelques mois de la Coupe du monde.
Depuis qu’elle porte deux étoiles sur son maillot, quel est son bilan ? Avec 31 victoires, 12 nuls et 6 défaites depuis le 6 septembre 2018, il reste quand même bon, même si 5 de ces matchs perdus avaient un enjeu, la seule défaite en amical étant concédée à la Finlande en 2020.
A quel niveau situer cette performance ? Pour le savoir, j’ai regardé ce qu’ont fait les sept autres champions du monde dans cet intervalle de quatre ans qui a suivi leur titre, en arrêtant les stats juste avant la Coupe du monde (même s’ils ont gagné celle-ci). L’Italie en 1938 est un cas à part, puisqu’elle a conservé son deuxième titre pendant 12 ans, jusqu’en 1950, les tournois mondiaux de 1942 et 1946 n’ayant jamais eu lieu.
Entre 10 et 65 matchs joués en quatre ans
Premier constat, ce nombre de matchs est très variable. L’Uruguay n’a joué que dix matchs entre 1930 et 1934, et d’ailleurs il n’a pas remis son titre en jeu, puisqu’il a boycotté les deux premières Coupes du monde jouées en Europe. A l’opposé, le Brésil a disputé 65 matchs entre août 1994 et juin 1998.
Sur la période récente, la moyenne se situe un peu au-dessus de 50, un total que les Bleus n’ont pas atteint en 2022 (49) en raison de l’année 2020 tronquée (8 matchs joués) et d’un Euro écourté en juin 2021 (4 rencontres sur 7 possibles). Dans les années 1970-1980, le total était plutôt autour de 30 matchs.
La comparaison peut se faire sur plusieurs valeurs. Dans l’absolu, personne n’a fait mieux que le Brésil entre 1994 et 1998, puisque les Auriverde de Cafu, Ronaldo et Bebeto ont gagné 50 fois. L’Espagne entre 2010 et 2014 suit avec 41 victoires, devant la France de 1998-2002 (34). Avec 31 victoires, les Bleus 2022 font un peu moins bien que le Brésil 1962, qui avait gagné 32 fois (sur 41).
De 2 à 14 défaites
On peut aussi regarder quels champions du monde ont perdu le moins souvent sur une période de quatre ans suivant leur titre. L’Italie 1934-1938 et le Brésil 1970-1974 ne comptent que deux défaites. L’équipe de France de Deschamps est dans la moyenne récente (6 défaites), autant que celle de Lemerre entre 1998 et 2002 (en 50 rencontres).
Si on tient compte des différences de matchs disputés, au pourcentage donc, l’Italie 1934-38 et le Brésil 1958-62 sont les meilleurs aux victoires (78%), alors qu’aux défaites, le Brésil 1994-98 est aussi robuste que celui de 1970-74 (6%). Avec 12% d’échecs, les Bleus champions du monde 1998 et 2018 sont loins du compte.
Le Brésil 1994 et l’Italie 1934 meilleurs à la moyenne
Enfin, si on attribue trois points par victoire et un point par match nul, à la moyenne par match c’est le Brésil 1994-98 et l’Italie 1934-38 qui arrivent en tête (2,48) devant le Brésil 1958-62 et l’Espagne 2010-14 (2,41). L’équipe de France actuelle est moins performante que celle de 2002, qui comptant 2,24 points. Mais elle avait disputé 29 matchs amicaux, contre seulement 9 à l’équipe actuelle.
Tous les champions du monde en titre n’ont pas connu de beaux lendemains. L’Argentine 1986-90 présente ainsi un très piteux bilan de 6 victoires et 12 défaites (ainsi que 12 nuls), soit 1 point par match en moyenne, et une série incroyable de 7 matchs sans marquer le moindre but entre juillet 1989 et mars 1990. Ce n’était pas brillant non plus pour la RFA de 1954-58 avec ses 14 défaites (dont 3 consécutives juste après son titre) pour 11 victoires et un nul, soit 1,31 point par match. L’Italie 1982-86 a fait à peine moins pire avec 12 victoires pour 9 défaites (dont 4 consécutives en compétition en 1983) et 8 nuls, soit 1,52 point.
Des performances sans conséquence sur l’édition suivante
Pour autant, il n’y a pas de corrélation entre les performances du champion du monde sortant pendant quatre ans et celles qu’il fera lors du tournoi suivant. Pour une raison simple : jusqu’en 2002, le tenant du titre est qualifié d’office, ce qui lui offre une longue période de matchs amicaux, donc sans enjeu. Hormis bien sûr les rencontres de Copa América pour le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay, et de Championnat d’Europe (à partir de 1960) pour les Européens.
Sur quatre ans, les tenants du titre les plus performants ont donc été l’Italie de 1934, le Brésil de 1958 et de 1994 et l’Espagne de 2010. Les deux premiers sont les seuls champions du monde de l’histoire à avoir conservé leur titre. Mais le Brésil 1994 a échoué en finale de l’édition suivante, celle de 1998, et l’Espagne de 2010 a été sortie brutalement dès le premier tour en 2014. A l’inverse, l’Argentine de 1986, très décevante pendant quatre ans, a tout de même atteint la finale en 1990, alors que la RFA de 1954 et ses 14 défaites s’est invitée dans le dernier carré en Suède.
Tableau des performances des champions du monde
[ Les périodes vont du premier match après la finale de Coupe du monde remportée jusqu’au dernier match avant l’édition suivante. La colonne points (pts) totalise le nombre de points à raison de 3 par victoire et un par match nul. La colonne points par match (pts/m) établit la moyenne. En vert les valeurs les meilleures, en rouge les pires.
tenant (période) | J | G | N | P | G% | N% | P% | pts | pts/m |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Uruguay 1930-1934 | 10 | 5 | 1 | 4 | 50 % | 10 % | 40 % | 16 | 1,6 |
Italie 1934-1938 | 23 | 18 | 3 | 2 | 78 % | 13 % | 9 % | 57 | 2,48 |
Italie 1938-1950 | 33 | 21 | 5 | 7 | 64 % | 15 % | 21 % | 68 | 2,06 |
Uruguay 1950-1954 | 15 | 8 | 3 | 4 | 53 % | 20 % | 27 % | 27 | 1,8 |
Allemagne 1954-1958 | 26 | 11 | 1 | 14 | 42 % | 4 % | 54 % | 34 | 1,31 |
Brésil 1958-1962 | 41 | 32 | 3 | 6 | 78 % | 7 % | 15 % | 99 | 2,41 |
Brésil 1962-1966 | 45 | 27 | 8 | 10 | 60 % | 18 % | 22 % | 89 | 1,98 |
Angleterre 1966-1970 | 35 | 22 | 9 | 4 | 63 % | 26 % | 11 % | 75 | 2,14 |
Brésil 1970-1974 | 32 | 21 | 9 | 2 | 66 % | 28 % | 6 % | 72 | 2,25 |
Allemagne 1974-1978 | 32 | 19 | 9 | 4 | 59 % | 28 % | 13 % | 66 | 2,06 |
Argentine 1978-1982 | 32 | 16 | 10 | 6 | 50 % | 31 % | 19 % | 58 | 1,81 |
Italie 1982-1986 | 29 | 12 | 8 | 9 | 41 % | 28 % | 31 % | 44 | 1,52 |
Argentine 1986-1990 | 30 | 6 | 12 | 12 | 20 % | 40 % | 40 % | 30 | 1 |
Allemagne 1990-1994 | 41 | 26 | 8 | 7 | 63 % | 20 % | 17 % | 86 | 2,1 |
Brésil 1994-1998 | 65 | 50 | 11 | 4 | 77 % | 17 % | 6 % | 161 | 2,48 |
France 1998-2002 | 50 | 34 | 10 | 6 | 68 % | 20 % | 12 % | 112 | 2,24 |
Brésil 2002-2006 | 55 | 30 | 16 | 9 | 55 % | 29 % | 16 % | 106 | 1,93 |
Italie 2006-2010 | 48 | 27 | 12 | 9 | 56 % | 25 % | 19 % | 93 | 1,94 |
Espagne 2010-2014 | 54 | 41 | 7 | 6 | 76 % | 13 % | 11 % | 130 | 2,41 |
Allemagne 2014-2018 | 50 | 30 | 10 | 10 | 60 % | 20 % | 20 % | 100 | 2 |
France 2018-2022 | 49 | 31 | 12 | 6 | 63 % | 24 % | 12 % | 105 | 2,14 |