Didier Deschamps jusqu’en 2026

Publié le 8 janvier 2023 - Bruno Colombari

S’il va au bout de son nouveau contrat, le sélectionneur des Bleus sera resté en poste quatorze ans. Comment se situe-t-il par rapport aux principaux sélectionneurs des équipes championnes du monde ?

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Didier Deschamps sera donc le sélectionneur des Bleus jusqu’en juin 2026, comme l’a annoncé la FFF samedi 7 janvier dans un communiqué.

Tout d’abord, il convient de rappeler qu’avec 139 matchs dirigés fin décembre 2022, Didier Deschamps est très loin du record absolu détenu par le Serbe Bora Milutinovic (286 matchs, avec 8 sélections différentes). Ce dernier est talonné par un Français, d’ailleurs, Claude Le Roy, qui a terminé sa carrière de sélectionneur globe-trotter en avril 2021 au Togo, après 271 matchs dirigés pour sept sélections africaines et une asiatique. Henri Michel (178 matchs dont 36 avec la France) et Hervé Renard (175, série en cours avec l’Arabie Saoudite) ont aussi fait mieux. En revanche, Deschamps a dépassé lors de la demi-finale de Coupe du monde contre le Maroc Roger Lemerre (137, dont 53 avec la France).

Regardons maintenant le détail de son bilan actuel, avant de le comparer aux autres.

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Seul Santini a fait mieux, mais sur une période de deux ans

Didier Deschamps a remporté 89 matchs sur 139 dirigés [1], pour 22 défaites et 28 nuls. Soit un ratio de victoires de 64%, environ deux sur trois donc. Et 16% de défaites environ. C’est quasiment identique au ratio de victoires d’Aimé Jacquet et Roger Lemerre (34 sur 53 matchs, 64%) et très supérieur à celui de Michel Hidalgo (41/75, soit un peu moins de 55%) ou de Raymond Domenech (41/79, soit 52%). Seul Jacques Santini a fait mieux que Deschamps, mais sur une période beaucoup plus brève (deux ans) et sans Coupe du monde : 22/28, soit 76% de victoires.

Si on affine en ne retenant que les matchs de compétition, Didier Deschamps en a gagné 56 sur 86 (65%) pour 11 défaites. Aimé Jacquet en a remporté 13 sur 22 (59%) mais n’en a perdu aucun, et Roger Lemerre 15 sur 24 (62,5%) pour 5 défaites. Ces deux sélectionneurs n’ont connu qu’une seule phase qualificative lors de leur mandat de quatre ans, l’équipe de France étant qualifiée d’office pour les Coupes du monde 1998 (pays organisateur) et 2002 (tenant du titre). Michel Hidalgo en a remporté 20 sur 33 (61%) pour 9 défaites, alors que Raymond Domenech n’en a gagné que 24 sur 47 (51%), pour 7 défaites.

Allons encore plus loin dans le détail et regardons les matchs de phase finale de Coupe du monde et d’Euro.

En phases finales, Deschamps est au coude-à-coude avec Jacquet

Didier Deschamps est aussi efficace qu’Aimé Jacquet avec 66% de victoires, mais ce dernier a un léger avantage, puisque deux des quatre nuls en compétition cachent des victoires aux tirs au but (Pays-Bas 1996 et Italie 1998), et un troisième cache une défaite (République tchèque 1996). Pour Didier Deschamps, deux matchs nuls cachent des défaites (Suisse 2021 et Argentine 2022). De plus, le premier a gagné un match en prolongation (Paraguay 1998) alors que le deuxième en a perdu un (Portugal 2016).

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Les deux ont fait mieux en tout cas que Michel Hidalgo (60% de matchs gagnés), Roger Lemerre (55%) et Raymond Domenech (31%). Et si Aimé Jacquet est le seul des cinq à n’avoir jamais perdu dans le jeu en phase finale, Didier Deschamps ne compte que trois défaites en trente matchs, autant que Roger Lemerre (mais en neuf matchs) et moins que Michel Hidalgo (4/15) et Raymond Domenech (4/13).

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Que valent les performances de Deschamps par rapport à ses collègues et prédécesseurs qui ont dirigé l’une des sept sélections championnes du monde ? Et surtout, pour ceux qui ont duré plus de dix ans, lesquels ont gagné des titres au-delà de cette échéance ?

Tabarez, 17 ans et 225 matchs avec l’Uruguay

Le recordman du genre est l’Uruguayen Oscar Tabarez. Il a été le sélectionneur de la Céleste de 1988 à 1990 puis de 2006 à 2021, soit 17 ans et 225 matchs ! Un total impressionnant qui n’est pas confirmé par les résultats, puisqu’il n’a remporté que 107 rencontres, soit un peu moins de 48% du total. Durant cette période, l’Uruguay a remporté une Copa América en 2011 (contre le Paraguay) et a disputé une autre finale en 1989 (perdue face au Brésil). En Coupe du monde, avec lui l’Uruguay participe à quatre éditions, termine quatrième en 2010, est battu en quart de finale en 2018 et tombe en huitième de finale en 1990 et en 2014.

Son seul titre est acquis à la septième année de ses deux mandats cumulés, en 2011. Après sa dixième année, il n’a pas fait mieux qu’un quart de finale mondial en 2018.

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Löw, 15 ans et 198 matchs avec l’Allemagne

L’Allemand Joachim Löw a frôlé les 200 matchs dirigés : il s’est arrêté à 198 en juin 2021, après avoir pris en mains la Mannschaft à l’été 2006. Il compte 125 victoires (63%) et a remporté la Coupe du monde 2014. Il s’est incliné en 2010 en demie-finale face à l’Espagne. A l’Euro, il a perdu la finale 2008 déjà contre l’Espagne, et a été battu en demi-finale en 2012 (contre l’Italie) et 2016 (par la France).

Son seul titre (la Coupe du monde 2014) a été acquis au terme de sa huitième année de mandat. Au delà de sa dixième année, il n’a connu que des échecs avec une élimination au premier tour de la Coupe du monde 2018 et en huitième de finale de l’Euro 2020.

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Zagallo, 8 ans et 139 matchs avec le Brésil

Le Brésilien Mario Zagallo a dirigé les Auriverde à 139 reprises (comme Deschamps avec les Bleus donc) en trois périodes : un match en 1967, un en 1968, 63 entre 1970 et 1974 et 74 entre 1994 et 1998. Il en a remporté 100 tout rond, soit 72% du total, un chiffre impressionnant. Avec le Brésil, il a remporté la Coupe du monde 1970 (après l’avoir gagnée deux fois en tant que joueur, en 1958 et 1962) et a joué une finale perdue (contre la France en 1998). Il a gagné une Copa América en 1997 (contre la Bolivie).

Lui a été titré dès la première année de son premier mandat (si l’on met de côté les deux matchs de 1967 et 1968), puis à nouveau lors de sa septième année (Copa América). Il a quitté la sélection au terme de sa huitième année.

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Winterbottom, 16 ans et 139 matchs avec l’Angleterre

De l’autre côté de la Manche, Walter Winterbottom a dirigé 139 fois les Three Lions entre 1946 et 1962. 1vec 78 victoires (56% du total), il présente un bilan honnête, mais qui cache de sérieuses déconvenues contre des Nations continentales (3-6 et 1-7 contre la Hongrie) et un gros échec à la Coupe du monde 1950 (défaite contre les Etats-Unis). Il n’a obtenu aucun titre européen ou mondial.

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Stabile, 21 ans et 127 matchs avec l’Argentine

Après avoir joué une finale de Coupe du monde en 1930, Guillermo Stabile dirige l’Albiceleste de 1939 à 1960, soit pendant 127 matchs, dont 85 sont gagnés (67%). Si avec lui l’Argentine boude la Coupe du monde (forfait en 1950 et 1954, humiliée par la Tchécoslovaquie au premier tour en 1958), elle remporte pas moins de sept Copa América, dont trois d’affilée en 1945, 1946 et 1947. Elle est également finaliste en 1942 et 1959. C’est l’époque de la Máquina, la ligne de cinq attaquants de River Plate. Son bilan extraordinaire en phase finale doit toutefois être relativisé : la Copa América est d’un niveau très inégal, sa fréquence est aléatoire et le nombre de participants également (souvent six dans cette période).

Ses titres, tous en Copa América, ont été acquis entre sa sixième et sa vingtième année, dont trois après sa dixième. Mais c’est à sa dix-neuvième année (Suède, 1958) qu’il échoue lourdement pour sa seule participation à une Coupe du monde en tant que sélectionneur.

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Bearzot, 11 ans et 104 matchs avec l’Italie

En Italie, c’est Enzo Bearzot qui a dirigé le plus souvent la Squadra Azzurra, 104 fois entre 1975 et 1986 (même si lors de ses 16 premiers matchs, il était en tandem avec Fulvio Bernardini). Ses 51 matchs gagnés (49%) masquent une victoire en Coupe du monde en 1982 et deux quatrièmes places, au Mondial 1978 et à l’Euro 1980, disputé à domicile. Il quitte la sélection sur un échec au Mexique en 1986 (élimination par la France en huitième de finale) après avoir manqué la qualification pour l’Euro 1984.

Son titre de champion du monde a été acquis au terme de sa septième année de sélectionneur. Au delà de sa dixième, il n’y a que l’échec de 1986 au Mexique.

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Del Bosque, 8 ans et 90 matchs avec l’Espagne

Enfin, en Espagne, aucun sélectionneur n’a dirigé la Roja cent fois. Le record est détenu par Vicente Del Bosque, qui n’a pas fait le voyage pour rien : en seulement huit ans (2008-2016), il a dirigé 90 matchs et en a gagné 71 (80% !) pour seulement 11 défaites. Mieux : dans cet intervalle, il a remporté l’Euro (2012) et une Coupe du monde (2010). Son Espagne, structurée autour de joueurs du FC Barcelone, était injouable dès qu’arrivaient les matchs à élimination directe : quatre fois 1-0 en 2010 et 2-0, 0-0 et 4-0 en 2012. Soit sept matchs, six victoires et un nul remporté aux tirs au but, et aucun but encaissé.

Ses deux titres ont été obtenus lors de ses quatre premières années de mandat. Mais après, il n’a connu que des déconvenues, avec une terrible élimination au premier tour de la Coupe du monde 2014 (avec deux défaites 1-5 et 0-2 face aux Pays-Bas et au Chili) et une défaite contre l’Italie en huitième de finale à l’Euro 2016.

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[1en comptant celui face au Danemark le 3 juin 2022, où il a été suppléé sur le banc par Guy Stéphan.

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