En marge des grandes compétitions officielles organisées par la FIFA et les confédérations continentales se trament des épreuves parallèles, un peu plus virtuelles mais qui drainent bon nombre de passionnés. L’idée serait venue de José Nasazzi, le premier homme à soulever la Coupe Jules Rimet en 1930, à l’issue de la toute première Coupe du monde.
Le capitaine uruguayen proposa que son titre soit remis en jeu dès la rencontre suivante de son équipe, à la manière des championnats du monde de boxe. La FIFA s’y opposa mais l’idée fit son chemin : le bâton de Nasazzi fit ainsi créé, un trophée complètement virtuel qui passe de mains en mains, chaque tenant devant le remettre en jeu à la rencontre suivante.
D’autres challenges du même type ont depuis vu le jour, comme le championnat UFWC (Unofficial Football World Championships), qui prend racine dès le tout premier Ecosse-Angleterre de l’histoire en 1872, mais aussi le bâton de Bourbotte pour le championnat de France. On peut dès lors imaginer un bâton pour toutes les épreuves de football, et notamment le Championnat d’Europe. Nous avons donc entrepris, avec Matthieu Delahais, de dresser la chaîne du bâton d’Igor Netto, du nom du capitaine de l’équipe d’URSS à qui l’on remit la Coupe Henry-Delaunay en juillet 1960. Une aventure passionnante que l’on vous décrit dans un article des Cahiers du Football.
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Un blog dédié au bâton de Netto recense les quelques 500 matchs ayant impliqué les détenteurs successifs du trophée virtuel.
L’une de nos premières surprises fut de constater la présence quasiment assidue du bâton dans les grands moments de l’histoire de l’équipe de France. Notre sélection nationale a une première opportunité de s’emparer du bâton de Netto le 3 juin 1967 quand elle accueille l’URSS au Parc des Princes. Mais la sélection soviétique est trop forte et s’impose 4-2, conservant ainsi son sceptre pour quelques matches encore.
Piqué aux Suédois en 1969
Une deuxième tentative est proposée aux Tricolores le 15 octobre 1969 pour une rencontre qualificative du mondial mexicain face à la Suède à Solna. Les Français s’inclinent 2-0 mais le calendrier leur permet de retrouver cette même sélection suédoise quinze jours plus tard, le 1er novembre au Parc des Princes. Cette fois c’est la bonne. Si la victoire 3-0 ne lui permet pas de se qualifier pour le Mexique, la France s’empare pour la première fois du bâton de Netto. Elle le conserve le temps de trois rencontres, avant de s’incliner face à la Suisse le 3 mai 1970.
La saison suivante, dans le cadre des éliminatoires du championnat d’Europe 1972, l’équipe de France croise deux fois la Hongrie détentrice du bâton. Le 24 avril 1971, elle accroche un bon nul (1-1) à Budapest, qui ne lui permet pas de s’emparer du bâton. Le 9 octobre, elle reçoit les Magyars au Parc des Princes mais s’incline 0-2.
Le 23 mars 1976, c’est la Tchécoslovaquie qui débarque au Parc des Princes avec un bâton qu’elle détient depuis six rencontres. Une rencontre amicale assez particulière pour le football français : c’est le premier match du sélectionneur Michel Hidalgo et d’un jeune joueur nommé Michel Platini. La rencontre se termine sur un score nul (2-2) ce qui empêche la France de s’emparer du bâton. Mais son histoire est en route.
Repris aux Allemands en 1977
Un an plus tard ou presque, un autre match fondateur met en jeu le bâton de Netto. Le 23 février 1977, les hommes de Michel Hidalgo reçoivent au Parc des Princes la RFA, championne du monde en titre et tenante du bâton. Un but d’Olivier Rouyer permet à l’équipe de France de terrasser le géant, et de s’emparer en même temps du bâton. Qu’elle perdra un mois plus tard à Dublin contre l’Irlande (0-1).
On constatera que le bâton de Netto aime accompagner l’équipe de France dans ses plus grands moments. On le retrouve le 16 novembre 1977 au Parc des Princes entre les mains de la Bulgarie, venue au Parc pour un match décisif dans la qualification pour le Mundial argentin. La France s’impose 3-1 et retrouve la Coupe du monde après douze ans de frustration. C’est elle qui emmène le bâton en Argentine, mais elle le cède dès son premier match à Mar Del Plata, le 2 juin, à l’Italie.
Le 19 novembre 1980, la France se rend à Hanovre pour une rencontre amicale face à la RFA, championne d’Europe en titre, qui tournera à la déroute (4-1). Les Allemands restent alors, depuis fin 1978, sur une impressionnante série de rencontres qui leur permet de conserver le bâton. La France retrouvera l’invincible RFA avec le bâton en jeu. Devinez où ? A Séville, un 8 juillet. Inutile de rappeler qu’elle n’a pas décroché le bâton. Quand aux Allemands, lorsqu’ils s’inclinent en finale contre l’Italie, après 35 matches sans défaite face aux sélections d’Europe. Le record.
Bastonnade belge à Nantes en 1984
Quand il s’agit de l’équipe de France, le bâton de Netto ne choisit donc pas ses matches par hasard. Après Séville, les Bleus retrouvent l’opportunité de s’en emparer un après-midi ensoleillé du côté de Nantes lorsqu’ils reçoivent la Belgique. Un 5-0 magique, trois buts de Platini et un bâton que les Français défendent jusqu’au bout de cet Euro 84, à Saint-Etienne pour le hat-trick de Platini, à Marseille pour la mythique demi-finale contre le Portugal, puis au Parc pour la crispante finale face aux Espagnols. Les Bleus conserveront ensuite le bâton jusqu’au printemps 1985 et une défaite en Bulgarie (0-2).
L’équipe de France remettra la main sur le bâton lors du Mondial mexicain, en 1986, à l’occasion du match de classement contre la Belgique (4-2), qui l’avait obtenue face à l’Espagne en quart de finale, qui l’avait elle-même arrachée en huitièmes au Danemark qui l’avait subtilisé à la RFA au premier tour. La France perdra son bâton dès son match de rentrée post-Mexique, à Lausanne, face à la Suisse (0-2).
Chipé aux Italiens en 1998
Il faudra attendre douze ans avant que les chemin du bâton et de l’équipe de France se croisent à nouveau. Les douze même années qui ont séparé la France d’une participation à une phase finale de Coupe du monde. Car c’est en effet en 1998 que les Bleus de Jacquet mettent la main sur le trophée. C’est la Norvège qui tient le bâton en début de tournoi, avant de se le faire subtiliser par l’Italie en huitième de finale. Et en quart de finale, c’est la France qui récupère le trophée à l’issue des tirs au but. Car contrairement au Nasazzi, les prolongations et tirs au but sont bien pris en compte par le bâton de Netto. Bien entendu, les Français conserveront ce bâton après leur demi-finale victorieuse contre la Croatie (2-1). La finale contre le Brésil (3-0) n’est pas comptabilisée, seules les rencontres entre sélections européennes étant prises en compte.
En 1998, la France est donc championne du monde et tenante du bâton de Netto. Elle le conservera jusqu’en juin 1999 et sa surprenante défaite (2-3) face à la Russie au Stade de France. Les Russes mettent fin à un série bleue de neuf rencontres sans défaite des Bleus, avec en point d’orgue cette magnifique victoire (2-0) à Wembley le 10 février 1999.
Mais il est écrit que le bâton accompagnera les Bleus dans ses plus grands moment. Et même s’il faut emprunter les chemins les plus sinueux. Pour l’Euro 2000, le trophée est aux mains des Allemands, qui le perdent au deuxième jour face aux Anglais, lesquels le cèdent au troisième match à la Roumanie, qui s’incline face à l’Italie en quart de finale. L’Italie que la France retrouve en finale à Rotterdam pour le final ahurissant que l’on sait. Car le but en or aussi est pris en compte dans le Netto, contrairement au Nasazzi.
La France, alors championne d’Europe et du monde, conserve la bâton pendant cinq rencontres jusqu’à sa défaite amicale en Espagne le 28 mars 2001 (1-2). Elle aura l’occasion de le récupérer le 9 octobre 2004 quand elle reçoit l’Irlande en match de qualification pour la Coupe du Monde. Mais les Irlandais accrocheront le match nul (0-0). Une nouvelle occasion se présentera ensuite lors d’un nouveau grand moment, le 9 juillet 2006 à Berlin. Mais la France de Zidane ne pourra enrayer la formidable série italienne de 13 rencontres démarrée en août 2005.
Taxé aux Suisses en 2014
On constate donc avec étonnement que le bâton ne s’approche jamais de l’équipe de France lorsque celle-ci passe de mauvais moments. Il faut attendre en effet 2014 pour voir la France récupérer le bâton de Netto, lors d’un match bien entendu resté dans les mémoires, ce 5-2 collé à la Suisse au premier tour de la Coupe du monde au Brésil. La France s’empare du bâton, mais le perdra un peu plus tard, en quart de finale, au profit des futurs champions du monde allemands.
Seul oubli du bâton dans les grands moments de l’équipe de France, l’Euro 2016. La France doit attendre septembre 2017 pour avoir l’opportunité de reprendre la bâton. Elle n’y parviendra pas et pourtant, elle recevait le Luxembourg au Stade de France. Oui, le Luxembourg qui la tiendra en échec (0-0) après avoir chipé le bâton à la Biélorussie (1-0) quatre jours plus tôt. Et qui le perdra un mois plus tard après un 0-8 concédé en Suède, comme un brutal retour à la réalité.
Nouveau doublé en finale en 2018
Nous voici enfin en 2018 où le bâton à nouveau accompagne les Bleus dans leur dernier triomphe en date. C’est l’Angleterre qui détient le bâton lorsque débute la Coupe du monde en Russie. La sélection aux Trois Lions est battue par la Belgique au premier tour. La Belgique poursuit sa route jusqu’en demi-finale où elle sera surprise par une équipe de France en pleine réussite et un Samuel Umtiti euphorique. Et c’est donc en tenants du bâton que les joueurs de Didier Deschamps disputent la finale de la Coupe du monde, qu’ils remportent en battant la Croatie (4-2).
Les Champions du monde conserveront le bâton pendant six matches et l’invitent à disputer la toute nouvelle Ligue des Nations. Où les Pays-Bas, le 16 novembre 2018, en profiteront pour le leur chiper (0-2). La France totalise 36 rencontres en tant que détenteur du bâton de Netto, ce qui la classe troisième derrière les Pays-Bas (49) et l’Allemagne (64 en comptant la RFA). Les Pays-Bas ont repris le bâton à l’Allemagne en battant brillamment cette dernière à Hambourg le 6 septembre 2019.
Repris à l’Espagne en 2021
Pendant deux ans, jusqu’à l’automne 2021, le bâton est successivement (et brièvement) repris par l’Allemagne, puis par les Pays-Bas, lesquels le cèdent à l’Italie, mais cette dernière le perd contre l’Espagne lors de la demi-finale de la première Ligue des Nations, en octobre 2021. Mais la Roja n’en profite guère, car les Bleus leur chipe aussi sec quatre jours plus tard en finale. Ils vont le garder jusqu’en juin 2022, le temps de perdre à domicile contre le Danemark, qui le cède aussitôt à la Croatie. Cette dernière le garde un an, jusqu’à la finale de la Ligue des Nations 2023 où elle le perd... contre l’Espagne, en finale. C’est depuis la Roja qui en est titulaire, sa défaite en amical contre la Colombie en mars 2024 n’étant pas décomptée (seules les confrontations entre sélections européennes entrent en jeu).