Le rôle de gardien de but est tellement particulier qu’il ne peut être que l’affaire de spécialistes. Le gardien reste gardien durant toute sa carrière, alors qu’un attaquant peut devenir défenseur ou inversement. En outre, on demande rarement à un joueur de champ d’aller garder les buts. Sauf en cas de circonstances exceptionnelles.
Fernand Canelle, Belgique-France, 7 mai 1905
Ce fut le cas en deux occasions avec l’équipe de France. En 1905, pour le troisième match de son histoire, l’équipe de France connait une curieuse péripétie à Uccle. Alors que la Belgique mène 4-0, le gardien français Georges Crozier fait savoir qu’il doit quitter ses coéquipiers, ayant un train à prendre pour rejoindre la caserne où il effectue son service militaire. C’est le défenseur Fernand Canelle qui se dévoue pour prendre sa place. Il encaissera trois buts et la France concèdera la première défaite officielle de son histoire et quelle défaite : 7-0.
Augustin Chantrel, France-Mexique, 13 juillet 1930
Vingt-cinq ans plus tard, c’est un autre joueur de champ que les circonstances poussent à garder la cage à l’occasion du premier match de l’histoire de la Coupe du monde à Montevideo contre le Mexique. Alors que la France mène déjà 1-0, son gardien Alex Thépot doit sortir après vingt-six minutes de jeu victime d’un choc avec un attaquant mexicain. Il sera remplacé par le demi Augutin Chantrel, qui gardera sa cage intacte jusqu’à la 70e minute lorsque le Mexicain Juan Carreño réduit l’écart alors que la France mène 3-0. Les Français, à dix et avec un gardien de fortune, l’emportent finalement 4-1.
Raoul Diagne 1931-1936
Plus jamais l’équipe de France ne jouera de match officiel avec un gardien occasionnel. Toutefois, durant les années 1930, elle pouvait parer à l’éventualité d’un gardien blessé grâce à l’étonnant Raoul Diagne. Natif de Guyane mais d’origine sénégalaise, et accessoirement fils de ministre, le défenseur du Racing Club de Paris fit une grande carrière internationale (18 sélections). Il était tout aussi brillant en club. Un jour de 1931, il dut remplacer en cours de match son coéquipier gardien André Tassin qui s’était blessé. A la surprise générale, Diagne se révéla un excellent portier, au point qu’il resta titulaire du poste jusqu’au rétablissement de son coéquipier. Durant quatre mois, il devient l’un des meilleurs gardiens de la capitale et joua même à ce poste à l’occasion d’une rencontre de la sélection de Paris contre Budapest. Plus tard, lors de la saison 1935-1936, Raoul Diagne occupera à nouveau le poste pour pallier l’indisponibilité du titulaire Rudi Hiden.
Jean Baratte, Lille-Bordeaux, 10 avril 1952
Dans les années 1950, c’est l’attaquant lillois Jean Baratte qui est réputé pour être également un bon gardien de but. Alors que le LOSC se rend à Colombes pour rencontrer Bordeaux en demi-finale de la Coupe de France 1952, l’entraîneur André Cheuva doit faire sans son habituel gardien Charles Val, toujours pas remis de sa blessure lors d’une rencontre à Reims une semaine plus tôt. Alors que le remplaçant de celui-ci, Georges D’Arcangelo, est tout simplement introuvable, le troisième gardien, André Weughe, pense que son heure est venue. Mais l’entraîneur du LOSC a déjà son idée en tête : il demande à Jean Baratte de garder les buts ! Le buteur international n’en est pas à son coup d’essai. En 1943, il avait déjà œuvré comme gardien à l’occasion d’un derby Lille-Fives. A Colombes, Lille s’incline 2-1 face à Bordeaux après prolongations. Malgré la défaite, Baratte est crédité d’un bon match. On reprochera toutefois à l’équipe lilloise d’avoir manqué de percussion en attaque…
Jean Vincent, Reims-Nîmes, 18 mai 1958
C’est à l’occasion de la 41e finale de Coupe de France que l’on découvre les talents insoupçonnés de gardien d’un international français. A Colombes le Stade de Reims, tout juste sacré champion de France, est opposé à son dauphin, le Nîmes Olympique. A la 82e minute, alors que le score est à 2-1 (buts de Bliard et Fontaine contre Mazouz), Dominique Colonna se heurte à Hassan Akesbi. Sérieusement blessé, le gardien champenois s’en va se placer sur l’aile gauche et laisse son coéquipier Jean Vincent garder les buts (les remplacements n’étaient pas autorisés à l’époque). L’ancien lillois s’en tire plutôt bien, repoussant toutes les tentatives nîmoises, alors qu’à la dernière minute, Bliard s’en va marquer le troisième but et consolider la victoire rémoise (3-1).
Alain Giresse et Marius Trésor, Nantes-Bordeaux, 7 mai 1982
A l’occasion de la dernière journée de la saison 1981/82, le président des Girondins de Bordeaux décide de frapper un grand coup pour contester la suspension infligée à son gardien Dragan Pantelic. Il décide que son équipe se rend à Nantes sans véritable gardien de but. C’est Alain Giresse, le plus petit joueur de l’équipe bordelaise, qui enfile le maillot numéro 1 tout en jouant milieu de terrain. Alors que les attaquants nantais s’en donnent à coeur joie, le capitaine girondin se résout à rester dans la cage, où il encaissera finalement quatre buts. Lassé par cette situation absurde, Gigi demande à se faire remplacer à l’heure de jeu. C’est Marius Trésor qui terminera la rencontre dans les buts. Score final : 6-0 pour Nantes.
Luis Fernandez, Metz-PSG, 18 avril 1986
A deux journées de la fin du championnat 1985/86, le Paris Saint-Germain a l’occasion de décrocher le titre en s’imposant à Metz. Mais les choses ne tournent pas dans le sens des Parisiens. A la pause, non seulement le FC Metz mène 1-0, mais le gardien parisien Joël Bats doit sortir en raison d’une blessure. Seulement, l’entraîneur parisien Gérard Houiller n’a pas emmené de second gardien, et il demande alors à Luis Fernandez, remplaçant de luxe ce soir-là, de garder la cage en seconde période. L’habituel milieu de terrain parisien concèdera deux buts de Jules Bocandé, dont un sur penalty. Score final : 3-1 pour le club lorrain.
Jean Pierre Papin, OM-Sofia, 21 mai 1990
En quart de finale retour de la Coupe d’Europe des clubs champions 1989/90, l’Olympique de Marseille mène 3-0 contre le Sredets Sofia et se dirige vers une qualification tranquille pour les demi-finales. Mais à la 81e minute, sur une attaque bulgare, le gardien Gaëtan Huard sort dans les pieds de Marius Ouroumov. Le choc est terrible. Non seulement le gardien marseillais encaisse le but mais il doit sortir sur une civière, avec une fracture tibia-péroné. L’équipe olympienne ayant effectué les deux changements auxquels elle a le droit à l’époque, il faut qu’un joueur de champ se dévoue pour occuper la cage. Et c’est Jean-Pierre Papin qui enfile gants et maillot de son malheureux coéquipier pour les dix dernières minutes. JPP aura quelques arrêts à effectuer mais aucun qui ne représente de difficultés. Il préserve sa cage inviolée et c’est bien le principal.
Mamadou Sakho, Lorient-PSG, 26 mai 2013
Assuré du titre de champion de France 2012/13, le Paris Saint-Germain se rend à Lorient pour la dernière journée de championnat. A l’heure de jeu, le gardien parisien Alphonse Areola cède sa place à son numéro 2 Ronan Le Crom, qui dispute alors le dernier match de sa carrière. Mais à dix minutes de la fin, alors que le score est de 3-0 pour le club de la capitale, le gardien remplaçant est exclu par l’arbitre pour une faute sur un attaquant breton. Faute de pouvoir faire rentrer Areola, Carlo Ancelotti demande à Mamadou Sakho d’enfiler un maillot de gardien et d’aller arrêter le pénalty des Lorientais. Le stoppeur français s’exécute avec un large sourire. Il ne pourra pas grand chose sur le penalty d’Arnaud Le Lan, mais n’encaissera pas d’autres buts par la suite.
Olivier Giroud, Milan-Genoa, 8 octobre 2023
Dans les dernières minutes de la rencontre AC Milan-Genoa lors du championnat d’Italie 2023/24, le gardien français Mike Meignan est exclu pour une faute sur un attaquant. Le club lombard ayant fait tous ses changements, c’est l’avant-centre Olivier Giroud qui enfile le maillot de gardien pour les quelques minutes restant à jouer. Le buteur français garde sa cage inviolée et réalise même un plongeon décisif sur une ultime attaque des Génois, préservant ainsi la victoire des siens (1-0).