Paul-Edouard Mathaux (son père s’appelait Paul-Clément, son frère Robert-Paul, son fils s’appellera Paul-Jean : Paul était un invariant dans la famille, le second prénom servait à les distinguer !) est né le 19 février 1888 à Boulogne sur Mer, son père était un épicier ayant pignon sur rue, 2, rue de Lille, et Paul-Edouard deviendra… épicier à son tour, à Boulogne d’abord, mais aussi ensuite à Paris (il est signalé par le Miroir des Sports , en novembre 1925, comme tenant une épicerie dans le 14ème arrondissement).
Parfaitement amateur, donc, il jouera aussi au football, à l’US Boulogne d’abord, comme son frère aîné Robert-Paul (le nom de jeune fille de la mère était… Robert !), s’imposant comme titulaire en 1905. Tous deux claqueront la porte du club, pour rejoindre l’OSC Boulogne (Olympique Sporting Club), où Paul-Edouard se distinguera jusqu’en 1924, tout en continuant à tenir l’épicerie familiale avec sa mère.
L’US Boulogne, on l’a vu avec Georges Bon, n’était qu’un modeste club évoluant dans le championnat maritime du Nord, avec pour seule perspective de rencontrer Calais, son éternel rival, puis de jouer la finale du championnat du Nord, contre Roubaix…et perdre régulièrement.
La déparisanisation de l’équipe de France
Le match annuel Paris-Nord, instauré par André Billy, le « Napoléon du football », qui dirigea pendant une poignée d’années la « Commission Centrale d’Association » de l’USFSA, et donc eut la main sur l’équipe de France, permit à Bon et à Mathaux, les deux Boulonnais, de sortir de leur région, de se montrer devant le public parisien, et même d’intégrer l’équipe de France.
C’était l’époque de la « déparisianisation » de la sélection nationale, constituée jusqu’en 1906 à peu près uniquement de joueurs parisiens, le prédécesseur de Billy, le célèbre Clément Robert-Guérin (l’homme qui créa la FIFA) ne connaissant pas du tout le football des provinces et ne lui accordant aucun crédit. C’est que les premiers clubs, dans les années 1890, le championnat, en 1894, l’équipe nationale, en 1900, et enfin la FIFA avaient vu le jour à Paris. Nordiste, Billy entendait promouvoir le football du Nord, d’autant plus que, de 1902 à 1908, le meilleur club français n’était plus parisien, mais nordiste : le Racing Club de Roubaix.
France-Belgique, 12 avril 1908. Paul-Edouard Mathaux est assis, le deuxième en partant de la droite (Agence Rol, BNF, Gallica)
Toute la carrière en bleu de Mathaux tient dans l’année 1908, l’année de ses 20 ans : il participe aux cinq matchs officiels (pas au sixième, parce qu’il ne peut jouer dans les DEUX équipes qui représentent la France aux Jeux olympiques de 1908 !). La déparisianisation est évidente dès le match contre la Suisse en mars : la ligne d’attaque entière est nordiste, formée de 3 Roubaisiens (Sartorius, Jenicot et François), un Tourquennois (Hanot), un Boulonnais (Mathaux), et la victoire est au bout (2-1), donc la formule est maintenue pour les matchs suivants, avec cependant le retour de Marius Royet.
Partenaire privilégié de Gabriel Hanot sur le côté gauche
Pour sa part, Mathaux s’entend bien avec son ailier Gabriel Hanot, ils joueront 4 matchs sur 5 côte à côte. Pour les Jeux de Londres, c’est de nouveau une attaque à 100% non-parisienne qui est alignée dans l’équipe dite « B » en quart de finale contre le Danemark, composée d’un Havrais (Six) d’un Roubaisien (Jenicot), d’un Amiénois (Holgard) d’un Tourquennois (Filez) et d’un Boulonnais (Mathaux), une attaque purement nordiste ; les Parisiens (Albert, Cyprès, Fenouillère-ce dernier normand-) étant groupés dans l’équipe « A », quoiqu’avec deux Roubaisiens (Sartorius et François). Ni l’une, ni l’autre des formules, cependant, ne fonctionnera !
Le parcours en bleu de Paul-Edouard Mathaux paraît donc assez négatif (4 défaites, pas un seul but, ni de passe décisive), mais pour ce joueur, cantonné d’habitude aux modestes parties jouées contre Calais, Dunkerque, Saint-Omer, Abbeville ou autres, qui n’a jamais joué le championnat de France parce que son club n’a jamais été champion du Nord, et s’est contenté d’un Paris-Nord (1908), c’est déjà un accomplissement, et même une consécration. Son coéquipier Georges Bon avait dû se contenter d’une unique sélection, en 1907 : lui en récolte cinq d’affilée, ce qui signifie qu’il a donné satisfaction.
La rupture entre l’USFSA et la FIFA met un terme, d’office, à la carrière internationale de Mathaux : elle aurait pu reprendre en 1913, quand l’USFSA finit, de guerre lasse, par s’affilier au CFI, et que ses joueurs, ipso facto, redeviennent sélectionnables aux yeux de la FIFA : mais c’est trop tard. Mathaux évolue alors un cran en-dessous, l’OSC Boulogne, le rival éternel de l’US Boulogne, étant d’un niveau inférieur ; il aura cependant encore l’honneur de jouer un Paris-Nord, en décembre 1913 (une cinglante défaite 3-8 !), mais ce choc ne constitue plus une affiche, parce que l’USFSA n’est plus qu’une des quatre composantes du CFI.
Un passeur plutôt qu’un buteur
Quel joueur était Paul-Edouard Mathaux ? Bien difficile à savoir, car il ne fait l’objet que de rares commentaires. Voici celui que j’ai glané en 1906 : « Ne joue en équipe première que depuis un an ; fait des progrès chaque jour, s’entend très bien avec son ailier, a un excellent shoot, mais manque un peu de vitesse. » Ailleurs, on le qualifie de « scientifique », un terme qu’on utilisait volontiers à l’époque, et qui s’est perdu : il veut dire tacticien, constructeur de jeu. Inter gauche, Mathaux est un passeur plus qu’un buteur, donc l’antithèse du joueur de « dribbling game » si répandu alors, souvent un sprinter, d’où la remarque sur la lenteur de Mathaux.
« S’entend bien avec son ailier » veut dire qu’il combine avec lui, soit en passes courtes, soit en le lançant en profondeur. C’est donc un stratège, ce qui explique qu’il a été maintenu dans l’équipe de France en continu au cours de la saison 1908 : il est le seul des attaquants dans ce cas de figure. Mais ce n’était pas un joueur brillant, pas un joueur qui « tirait la couverture » à lui, au contraire : sa discrétion (il court peu, son jeu n’est pas spectaculaire) lui vaut l’anonymat où il est rejeté aujourd’hui.
Mathaux traverse la Guerre sans blessure, bien qu’ayant servi du 3 août 1914 au 22 juillet 1919 : pas moins de cinq années sous l’uniforme, à l’issue desquels, selon sa fiche militaire il « se retire » à Boulogne, 2 rue de Lille, c’est-à-dire qu’il revient loger chez sa mère, qui est alors veuve, et il l’aide à l’épicerie, tout en reprenant une licence FFF à l’OSC Boulogne. Le Nord Sportif, en septembre 1922, parles des « poulains de l’ami Mathaux ». Peu après son mariage (il aura la malchance d’être veuf deux fois en dix ans…) il vient s’établir à Paris où il ouvre une épicerie.
Il est décédé le 19 septembre 1966 à Ivry sur Seine.
Les 5 matchs de Gabriel Hanot avec l’équipe de France A
Sel. | Genre | Date | Lieu | Adversaire | Score | Tps Jeu | Notes |
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1 | Amical | 08/03/1908 | Genève | Suisse | 2-1 | 90 | |
2 | Amical | 23/03/1908 | Londres | Angleterre | 0-12 | 90 | premier match en Angleterre |
3 | Amical | 12/04/1908 | Colombes | Belgique | 1-2 | 90 | |
4 | Amical | 10/05/1908 | Rotterdam | Pays-Bas | 1-4 | 90 | |
5 | JO | 19/10/1908 | Londres | Danemark | 0-9 | 90 | premier match de compétition |