Mise à jour d’un article initialement paru en juin 2021.
Avec huit trophées à son palmarès (deux Coupes du monde, deux Euros, deux Coupes des Confédérations, une Ligue des Nations et une coupe intercontinentale), l’équipe de France n’a pas à rougir de la comparaison avec les sept autres champions du monde. Il restait cependant un domaine où elle était clairement défaillante : celui de la proportion de victoires sur le total de matchs joués. Il aura fallu en effet attendre 116 ans, en juin 2021, pour voir l’équipe de France compter 50% de victoires, et la fois précédente (qui était aussi la première), c’était le 12 février 1905 après un succès contre le Suisse (1-0), le tout premier de l’histoire.
Après, la proportion de victoires a chuté dans des proportions telles que lors du point le plus bas, le 30 avril 1911, Les Tricolores ne comptaient plus que 3 matchs gagnés sur 22, soit 13,6%. C’était trois rencontres et un mois après que les défaites aient connu un maximum historique de 78,9% le 23 mars 1911 après un échec pour une fois acceptable face à l’Angleterre (0-3).
La centième victoire arrive douze ans après la centième défaite
La sélection était alors tellement vulnérable qu’elle comptait encore, au moment de la première Coupe du monde, 61 défaites pour seulement 26 victoires. Et il faudra attendre l’immédiat avant-guerre (la deuxième, en 1939) pour voir la proportion de victoires remonter à un bien modeste 30%. La fin des années 1940 (et notamment les 8 victoires en 10 matchs en 1946-47) autorisait une embellie, et le 23 mai 1948, les Français comptent officiellement 33,3% de matchs gagnés, soit un tiers du total (58 sur 174). Mais s’ils perdent leur centième match juste après (contre les Pays-Bas en avril 1949), il leur faudra attendre plus de douze ans pour signer leur centième victoire, en septembre 1961 contre la Finlande.
Entre temps, quand même, le taux de défaites est passé sous les 50%. Ça s’est fait en deux temps, entre avril et juin 1958. Le nul contre la Suisse juste avant la Coupe du monde fait tomber le pourcentage de défaites à exactement 50 (120 en 240 matchs), la victoire contre le Paraguay en Suède le fait descendre pour la première fois depuis 1908 sous ce seuil (49,8%) mais la défaite contre la Yougoslavie remet le curseur sur la moitié exacte (121 matchs perdus sur 242). C’est la dernière fois dans l’histoire des Bleus.
199 partout, balle au centre
Il faudra attendre le 16 novembre 1985 et le doublé de Platini contre la Yougoslavie au Parc (qui qualifie les Bleus pour le Mundial mexicain) pour que le taux de victoires atteigne les 40%. Comme celui des défaites est alors de 42,6 (179 contre 191), on se dit que l’équilibre entre les deux n’est plus très loin. Pas de chance, la fin de la génération Platini fait caler les Bleus qui ne gagnent que 5 fois sur 23 matchs entre l’été 1986 et le printemps 1989, ce qui entraîne deux éliminations successives à l’Euro 1988 et à la Coupe du monde 1990.
Le 17 novembre 1990, la 199e victoire des Bleus (face à l’Albanie à Tirana) répond aux 199 défaites. Pour la première fois depuis mars 1908, le bilan des Bleus est à l’équilibre. Depuis, il est toujours resté positif, même si parfois c’était de trois fois rien : en septembre 1992, après un semestre calamiteux, l’équipe de France compte 205 victoires et 204 défaites après celle concédée à Sofia contre la Bulgarie (0-2).
Mais la brillante génération Zidane (102 victoires pour 14 défaites 158 matchs entre 1994 et 2006) va faire passer en 12 ans la part de victoires de 41,5% à 46,8%. En 2005, les défaites ne représentent plus qu’un tiers du total des matchs, et même si elles vont bien résister dans le creux de la vague entre 2006 et 2013, ses positions s’effondrent sous les coups de la génération Griezmann : depuis mars 2014, les Bleus n’ont perdu que 13 fois pour 73 victoires. En battant l’Allemagne à Munich en juin 2021, ils sont enfin entrés dans la cour des sélections qui gagnent une fois sur deux, même si ces dernières années c’est plutôt sept fois sur dix.
Mais à peine le seuil atteint qu’il s’est dérobé : la série de cinq nuls consécutifs (contre le Portugal, la Hongrie et la Suisse à l’Euro, la Bosnie et l’Ukraine en septembre) a fait reculer le taux de victoires à 49,7%. Pour revenir à la moitié, il fallait donc enchaîner cinq matchs gagnés consécutivement. Ce qui a été fait contre la Finlande en septembre, la Belgique et l’Espagne en octobre, puis le Kazakstan et la Finlande encore en novembre. 440 victoires sur 880 matchs depuis 1904, le calcul est facile à faire.
En 2022 pourtant, ce seuil a encore fui les Bleus, puisqu’ils n’ont gagné que 5 de leurs 11 premiers matchs (les deux amicaux de mars, en Ligue des Nations contre l’Autriche en septembre et les deux premiers de la Coupe du monde) pour deux nuls et quatre défaites. Après la Tunisie, à la fin du premier tour, ils totalisent donc 445 victoires en 891 matchs joués, soit 49,94%. Le seuil est à nouveau atteint lors du huitième de finale face à la Pologne. Depuis, les Bleus ont gagné 10 fois sur 13 (deux nuls contre l’Argentine et la Grèce, une défaite en Allemagne). Et on peut penser que désormais, avec 456 victoires en 905 matchs (50,38%), l’écart va s’amplifier.
Mais la tendance peut encore se retourner, car l’avance de victoires au-delà des 50% est faible (3). Une série de sept matchs sans succès l’effacerait. C’est quand même très improbable : ce n’est plus arrivé depuis 2010, et ça ne s’est jamais produit depuis que Deschamps est sélectionneur. Depuis bientôt 12 ans, les Bleus gagnent entre six et sept matchs sur dix (65,1% précisément). Et il n’y a pas eu plus de cinq matchs consécutifs sans victoire (3 défaites puis 2 nuls en 2013, 5 nuls en 2021).
Les champions du monde sont presque tous au-dessus
Où en sont les sept autres sélections qui ont gagné au moins une fois la Coupe du monde ? Comme on pouvait s’en douter, six d’entre elles font mieux que l’équipe de France sur l’ensemble de leur histoire. Seul l’Uruguay est en retard, avec 428 victoires sur 957 matchs joués, soit un taux de réussite de 44,7%. Le meilleur, à cet exercice, est bien sûr le Brésil (qui a cependant joué très souvent contre les petites équipes) qui en est à 63,8%.
Vient ensuite, et c’est une surprise compte tenu de son palmarès, l’Espagne, dont les résultats exceptionnels au tournant des années 2010 ont porté le taux de victoires à un remarquable 58,6%. L’Angleterre arrive ensuite (57,4%), surtout grâce à son hégémonie dans les premières décennies du vingtième siècle (et son isolement par rapport au reste du monde) suivie de l’Argentine (55,6%), de l’Italie (53,3%) et de l’Allemagne (53%), que l’on imaginait plus haut et qui pourrait bien être dépassée dans quelques années par la France, surtout si elle continue à perdre aussi souvent (19 fois depuis début 2018, en 70 matchs joués).
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Les données ont été arrêtées au 28 février 2024.
Voici l’évolution du cumul de victoires, nuls et défaites depuis 1904 (par années).