On n’a pas retenu dans cet article l’échec de 1960, puisqu’il ne s’agissait pas alors d’un tournoi à phase finale, mais d’un plateau réunissant les demi-finalistes chez l’un des protagonistes.
1992 : Papin n’y arrive pas, Platini s’en va
Le contexte
Quand elle aborde l’Euro 1992 en Suède, là où se sont illustrés 34 ans plus tôt les Kopa, Fontaine, Vincent et Piantoni, l’équipe de France ne sait pas trop où elle en est. Sa brillante campagne de qualifications (huit victoires sur huit dans un groupe contenant la Tchécoslovaquie et l’Espagne) et ses 19 matches sans défaite entre 1989 et 1991 devraient en faire un des favoris de l’épreuve, d’autant plus qu’elle a dans ses rangs le Ballon d’Or en titre (Jean-Pierre Papin) et un sélectionneur de prestige (Michel Platini). Oui, mais les matches de préparation n’ont rassuré personne, avec deux défaites en Angleterre (0-2) et en Suisse (1-2) et deux nuls contre la Belgique (3-3) et les Pays-Bas (1-1). De plus, les Bleus ont manqué l’Euro 1988 et le Mondial 1990, et hormis les anciens Amoros, Fernandez et Papin, le reste de la troupe manque considérablement d’expérience.
Le plateau
Pour la quatrième et dernière fois, l’Euro se joue à huit équipes, avec deux groupes de quatre, demi-finales (introduites en 1984) et finale. L’Espagne et l’Italie sont absentes, et au tirage au sort la France tombe dans le groupe de l’Angleterre, la Suède et la Yougoslavie. Mais quelques jours avant le début du tournoi, cette dernière est écartée à cause de la guerre déclenchée dans les Balkans. Les Danois arrivent en renfort et en touristes. Ils ne savent pas encore qu’ils seront l’énorme surprise de cette édition.
Dans l’autre groupe, on retrouve l’Allemagne, championne du monde en titre, les Pays-Bas, champions d’Europe, l’Ecosse et la CEI (Communauté des Etats Indépendants) héritière de l’URSS. L’Allemagne et les Pays-Bas sont les grands favoris.
Le récit
L’impression mitigée laissée depuis le début de l’année se confirme dès le premier match contre la Suède. Cantona n’y est pas, la défense est fébrile et si Papin marque, c’est une demi-heure après l’ouverture du score par Ericsson (1-1) sur corner. Avec trois joueurs offensifs seulement, ces Bleus-là ne feraient pas de mal à une mouche, et le deuxième match contre l’Angleterre de Shearer et Lineker est l’un des pires de la sélection en phase finale (0-0). Malgré tout, un troisième nul contre le Danemark le dernier jour suffirait pour aller défier les Pays-Bas en demi, mais ce jour-là, tout va de travers. Alors que Platini se décide à prendre enfin des risques avec Perez au milieu et une attaque Cantona-Papin-Vahirua, la défense lâche une fois de plus suite à un coup-franc joué en deux temps et transformé par Larsen dès la 8e minute. C’est encore Papin qui remet les Bleus dans le match à la 61e, mais une erreur d’alignement de Boli permet à Elstrup de marquer le but victorieux à douze minutes de la fin (1-2). Amoroso et Fernandez renoncent à la sélection et Platini démissionne. 1984 est désormais bien loin.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
L’équipe emmenée par Michel Platini n’était ni homogène (ce qui se confirmera seize mois plus tard, à l’automne 1993) ni très motivée, comme si cet Euro ne passionnait personne. Le sélectionneur lui-même se désintéresse assez vite de la question et ne parvient pas à sortir d’un schéma de jeu ultra-défensif, basé sur le contre. Qui sait ce qui serait arrivé s’il avait retenu deux brillants espoirs du moment, le Cannois Zinedine Zidane (20 ans) ou le Monégasque Youri Djorkaeff (24 ans) ?
2004 : les limites de l’autogestion
Le contexte
Onze matches sans encaisser le moindre but : c’est la série impressionnante réussie par Barthez et Coupet depuis la fin juin 2003 quand débute l’Euro portugais. Série à laquelle on peut ajouter sept autres matches sans défaite. La page du Mondial 2002 semble bien tournée, le quatuor offensif Zidane-Pires-Trezeguet-Henry fait peur et on voit mal qui peut empêcher ces Bleus-là de conserver leur titre de champion d’Europe. Mais quand Jacques Santini annonce son départ à Tottenham juste avant l’Euro, quelque chose se casse dans l’équipe.
Le plateau
Seize équipes sont au départ de cet Euro. Tous les grands noms sont là, et le Portugal de Cristiano Ronaldo est bien décidé à inscrire son nom au palmarès de l’épreuve. L’Espagne, l’Italie et l’Allemagne vont pourtant sauter dès le premier tour, éliminés par la Grèce, la Suède de Zlatan Ibrahimovic et la République tchèque de Pavel Nedved.
Le récit
Le premier match des Bleus contre l’Angleterre s’avère très vite compliqué. Lampard bat Barthez de la tête à la demi-heure et quand Mikaël Silvestre concède un pénalty sur Rooney. Si Beckham le marque, le match est plié mais Barthez sauve les Bleus. Dans le temps additionnel, Zidane frappe deux fois, sur coup-franc à la 91e et sur pénalty deux minutes plus tard (2-1). On se dit que l’équipe de France a fait le plus dur, mais le match suivant contre la Croatie est une douche froide. Après un but initial de Tudor contre son camp provoqué encore par Zidane, les coéquipiers de Dado Prso prennent l’avantage après cinq minutes de panique en seconde période. Il faudra un contre négocié de la main par Trezeguet pour arracher un nul immérité (2-2) qui sera bonifié par une nette victoire contre une faible équipe suisse (3-1).
Le quart de finale qui s’annonce, contre la Grèce, semble largement à la portée des Bleus qui restent sur 21 matches sans défaite. Les Grecs d’Otto Rehhagel n’impressionnent personne mais ils ne lâchent rien derrière, font bloc sur tout le terrain et comptent sur Charisteas devant pour transformer le moindre semblant d’occasion. C’est ce qu’il fait à l’heure de jeu (0-1) alors que les Bleus, de plus en plus fébriles, sont dans un jour sans. Sur la touche, Jacques Santini ne bronche pas. Il est déjà ailleurs.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
L’annonce du départ de Jacques Santini avant même le début de l’Euro a cassé la dynamique créée depuis dix-huit mois. Dès lors, les cadres (Barthez, Lizarazu, Desailly, Zidane, Pires, Henry) ne sont plus gérés et n’en font qu’à leur tête. La grosse défaillance de Marcel Desailly, sorti de l’équipe après le match contre la Croatie, affaiblit la défense qui encaisse cinq buts en quatre matches. Pour lui, c’est de toute évidence le tournoi de trop.
2008 : les orphelins
Le contexte
2006 est bien loin. La morosité l’emporte chez les Bleus, qui ont certes décroché leur billet pour l’Euro, mais qui sortent d’une année médiocre. La génération 1987 (Benzema, Nasri, Ben Arfa) peine à s’imposer, et Raymond Domenech appelle en dernière minute Bafétimbi Gomis en attaque aux détriments de Djibril Cissé. Dans les cages, Grégory Coupet a enfin décroché la place de titulaire qu’il attendait depuis trois ans.
Le plateau
Seize équipes participent à cet Euro alpin, où l’Italie et l’Allemagne font figure de favoris et où il est bien difficile de situer le champion d’Europe sortant grec ainsi que l’équipe de France, alors que l’Espagne continue de progresser. Placés dans le groupe de l’Italie, des Pays-Bas et de la Roumanie, les Bleus n’ont aucun droit à l’erreur. Parmi les grandes nations, seule l’Angleterre est absente. La Suisse et l’Autriche ont surtout comme objectif de sortir des poules.
Le récit
Vu le niveau très relevé du groupe, on se dit que le premier match contre la Roumanie sera décisif. Mais comme en Allemagne deux ans plus tôt, les Bleus jouent avec le frein à main et surtout ne cadrent quasiment aucune frappe alors que les Roumains obtiennent le 0-0 qu’ils sont venus chercher. Face aux Pays-Bas à Berne, l’équipe de France va couler à pic, mais le score (1-4) est flatteur pour les Hollandais qui ont un maximum de réussite alors que la défense française, avec le dernier match de Thuram en sélection, est à la rue. Tout se jouera contre l’Italie dans une revanche à quitte ou double de la finale 2006. Mais de suspense, il n’y en aura pas. Ribéry se blesse après 7 minutes, Abidal et exclu à la 23e après avoir provoqué un pénalty transformé par Pirlo. C’est fini, ou presque, puisque Henry dévie dans son but un coup-franc de De Rossi à l’heure de jeu. Il ne reste plus que la surréaliste demande en mariage d’Estelle Denis par le sélectionneur.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Les conflits larvés dans le groupe entre les jeunes (Nasri, Benzema) et les anciens (Henry, Anelka), la blessure mal soignée de Patrick Vieira qui ne jouera pas la moindre minute, celle de Franck Ribéry contre l’Italie et un manque total de réussite contre les Pays-Bas : un peu comme en 2002, tout semble s’être ligué pour que rien ne fonctionne cette année-là. La gestion défaillante du groupe pour Raymond Domenech — dont la carrière de sélectionneur aurait dû s’arrêter là — n’a rien à envier à celle de Jean-Pierre Escalettes, qui soutiendra le Lyonnais comme la corde soutient le pendu. Les fondations du désastre de Knysna sont prêtes.
2012 : fin de parcours pour Blanc
Le contexte
Oublier 2010 : c’est tout ce qu’on demande à Laurent Blanc et à ses joueurs quand ils arrivent en Ukraine après un parcours honorable depuis deux ans et une série d’invincibilité de 21 matches. Une qualification pour les quarts de finale suffirait au bonheur des supporters, et si possible avec la manière, et surtout sans dérapage.
Le plateau
Champions d’Europe en titre et champions du monde, les Espagnols sont évidemment les favoris d’une épreuve où on attend aussi beaucoup des Hollandais et des Allemands, qui se sont illustrés en Afrique du Sud. Il ne manque personne à la fête parmi les 16 qualifiés, mais on sait déjà que ni la Pologne, ni l’Ukraine, pays organisateurs, n’ont le niveau pour prétendre à quelque chose.
Le récit
Dès le premier match contre des Anglais qui n’ont pas inventé la poudre, les Bleus patinent, cafouillent, jouent trop lentement et démarrent une nouvelle fois par un nul (1-1) sans relief. Le match suivant, interrompu par un orage dantesque, semble réveiller l’équipe de France qui dispose de l’Ukraine (2-0) et gagne enfin un match de phase finale. Mais ce n’est qu’un trompe-l’œil. La Suède de Zlatan, déjà éliminée, marche sur les Bleus (0-2) qui se retrouvent face à l’Espagne en quart de finale. Laurent Blanc blinde son côté droit avec Debuchy et Réveillère, un échec total sanctionné par un but de Xabi Alonso, lâché au marquage par un Malouda en mode piéton. L’élimination (0-2) est logique, mais la manière inquiète.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
On pensait que Laurent Blanc serait capable de tenir le groupe mieux que ne l’avait fait son prédécesseur. Erreur. Si Franck Ribéry ne fait plus des siennes, c’est la génération 1987 qui prend le relais avec Samir Nasri, Hatem Ben Arfa et Jérémy Ménez, renforcés par Yann M’vila. Ces quatre-là n’impressionnent pas sur le terrain, mais ils occupent les médias en dehors et cristallisent une exaspération légitime qui ne sera pas pour rien dans le départ de Laurent Blanc, même si ce n’est pas la seule raison.