Depuis 1930, 22 finales ont été jouées et lors de sept d’entre elles, l’une des équipes a dû utiliser son maillot extérieur. A trois occasions (Brésil 1958, Angleterre 1966 et Espagne 2010), cela lui a porté chance. Mais les quatre autres fois (RFA 1986, Argentine 1990 et 2014, France 2006), c’est l’équipe portant ses couleurs habituelles qui a remporté le trophée. En 2022, la finale Argentine-France a vu les deux sélections jouer avec leurs couleurs classiques : maillot rayé ciel et blanc d’un côté, maillot uni bleu marine de l’autre. La première l’a emporté, pour la première fois face à un adversaire en bleu après trois échecs en 1930, 1990 et 2010.
Ce n’est qu’avec l’apparition de la télévision qu’il est vraiment devenu important d’avoir des maillots aux couleurs contrastées. D’ailleurs, la première finale de la Coupe du monde, en 1930, oppose l’Uruguay et l’Argentine qui évoluent avec leurs couleurs habituelles (bleu ciel uni pour les Uruguayens, rayures bleu ciel et blanches pour les Argentins) sans que cela ne pose de problèmes.
Mais en 1958, les choses sont radicalement différentes. Tout d’abord la finale est retransmise à la télévision et surtout les deux équipes évoluent habituellement en jaune. Les Brésiliens laissent aux organisateurs suédois leurs couleurs habituelles. Mais les Sud-Américains n’ont que leur maillot jaune. Le chef de la délégation brésilienne Paulo Machado de Carvalho devra aller à Stockholm pour trouver un magasin avec un jeu de maillots conséquent pour pour pouvoir équiper tous ses joueurs, qui devront tout de même y coudre eux-mêmes leur écusson. Et lorsque certains joueurs fait remarquer que ce bleu pourrait leur porter la poisse, Paulo Machado de Carvalho leur rappelle qu’il s’agit de la couleur de Notre-Dame d’Aparecida, sainte patronne du Brésil. [1].
C’est un succès (victoire 5-2 des Brésiliens et premier sacre mondial pour le pays de Pelé) et le maillot bleu est adopté comme tenue de remplacement. L’histoire est cocasse, car huit ans plus tôt les Brésiliens perdent la finale de la Coupe du monde face à l’Uruguay avec un maillot blanc qui devient maudit. Le Brésil ne rejoue que deux ans plus tard et adopte les couleurs qu’on lui connait aujourd’hui (maillot jaune, short bleu, chaussettes blanches). La défaite de 1950 a fait donc perdre au Brésil ses couleurs historiques et lui a donné sa nouvelle tenue. La finale victorieuse de 1958 lui a donné les couleurs de sa tenue de remplacement. Et le Brésil est le seul finaliste à avoir évolué avec trois couleurs de maillot différentes.
En 1966, bien que l’Angleterre soit l’hôte de la Coupe du monde, c’est un tirage au sort qui détermine les couleurs dans lesquelles les finalistes jouent le dernier acte. Les Allemands l’emportent et conservent leurs couleurs classiques (blanches) tandis que les Anglais se rabattent sur le rouge. Ce n’est que la troisième fois dans leur histoire, et la première depuis douze ans, que les Anglais jouent en rouge à domicile [2]. Mais cela leur porte chance. L’Angleterre, grâce à un triplé de Geoff Hurst et un but litigieux, gagne sa première (et unique, à ce jour) Coupe du monde.
En 1986, la finale voit l’Argentine et l’Allemagne se qualifier pour l’ultime match. Cette affiche va devenir un classique en finale de la Coupe du monde. Les deux nations s’y retrouvent à nouveau en 1990 et 2014. L’équipe portant ses couleurs habituelles s’impose à chaque fois. Tout d’abord les Argentins en 1986 (3-2, alors que la RFA joue en vert), puis les Allemands en 1990 et 2014 (1-0 à chaque fois face à des Argentins en bleu).
En 2006, la France s’incline alors qu’elle porte sa tenue extérieure. Pour cette finale, la France est considérée comme l’équipe hôte et a le choix des couleurs. Mais depuis les huitièmes de finale, Zidane et ses partenaires évoluent avec succès dans une tenue intégralement blanche (victoire sur l’Espagne 3-1, le Brésil 1-0 puis le Portugal 1-0) et décident de la conserver, laissant aux Italiens leur maillot bleu habituel. Mauvaise idée. Enfin, en 2010, les Espagnols (en bleu) s’imposent 1-0 face aux Pays-Bas (en orange) et décrochent leur première étoile.
Statistiquement, 19 équipes jouant avec leur maillot habituel ont été sacrées championnes du monde, contre seulement 3 avec leurs couleurs de remplacement. 18 ont perdu en finale avec leur maillot domicile, 4 avec leur maillot extérieur. Mais on peut lister aussi quelques autres stats :
– Quatre des cinq nations finalistes de la Coupe du monde mais n’ayant jamais remporté le trophée ont joué toutes leurs finales avec leurs couleurs habituelles : les Pays-Bas en orange (1974, 1978 et 2010), la Hongrie en rouge (1938 et 1954), la Suède en jaune (1958) et la Croatie en blanc et rouge (2018). La Tchécoslovaquie a joué en rouge en 1934 et en blanc en 1962.
– Deux autres nations ont joué toutes leurs finales avec leur maillot principal : l’Uruguay avec deux succès (1930 et 1950) et l’Italie avec quatre victoires (1934, 1938, 1982 et 2006) pour deux échecs (1970 et 1994)
– Toutes les équipes ont joué leur première finale avec leur maillot habituel, à l’exception de l’Angleterre en 1966 et l’Espagne en 2010.
– L’Allemagne a disputé sept finales (1954, 1966, 1974, 1982, 1990, 2002 et 2014) avec son maillot habituel. L’Italie (1934, 1938, 1970, 1982, 1994, 2006) et le Brésil (1950, 1962, 1970, 1994, 1998 et 2002) suivent avec six finales. L’Argentine (1930, 1978,1986 et 2022) arrive ensuite avec quatre finales, devant la France (1998, 2018 et 2022) et les Pays-Bas (1974, 1978 et 2010) avec trois finales.
– Seule l’Argentine a dû utiliser par deux fois ses couleurs de remplacement en finale (1990 et 2014, pour deux défaites).
Si on regarde quelles couleurs ont gagné le plus souvent, c’est le bleu qui arrive en tête avec 10 victoires (Uruguay 1930 et 1950, Italie 1934, 1938, 1982 et 2006, Brésil 1958, France 1998 et 2018 et Espagne 2010) pour 5 défaites. Vient ensuite le blanc (en y associant les équipes au maillot bicolore comme l’Argentine et la Croatie, mais où le blanc est dominant) avec 7 titres (RFA 1954, 1974, 1990 et 2014, Argentine 1978, 1986 et 2022) pour 8 défaites. Le jaune a gagné 4 fois (Brésil 1962, 1970, 1994 et 2002) sur 6, alors que le rouge, auquel on peut y associer le orange néerlandais, n’a été titré qu’une fois sur 7 (Angleterre 1966). Et encore, c’était une équipe qui jouait dans sa couleur alternative...
Le Portugal, la Belgique, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, l’URSS, le Chili, la Corée du Sud, la Turquie ou le Maroc ont échoué en demi-finale ou en finale en rouge. Idem pour les Pays-Bas en orange. Ces derniers auraient mieux fait de changer de couleur en 2010 et laisser l’Espagne jouer en rouge !
La confrontation de couleurs la plus courante en finale est le bleu contre le blanc, 8 fois (1930, 1950, 1982, 1990, 2006, 2014, 2018 et 2022) devant le jaune contre le bleu, 4 fois (1958, 1970, 1994 et 1998) et le blanc contre le rouge ou orange (1954, 1966, 1974 et 1978). Le bleu a affronté 3 fois le rouge ou le orange (1934, 1938 et 2010) et le jaune contre le blanc 2 fois (1962 et 2002). La seule finale à combinaison de couleurs unique est celle de 1986 (blanc contre vert).
Vos commentaires
# Le 26 janvier 2023 à 17:17, par Richard Coudrais En réponse à : Une histoire chromatique des maillots en finale de Coupe du monde
Dans son excellente biographie sur Pelé (Solar 2023), Stéphane Cohen raconte qu’avant la finale de 1958, le directeur de la délégation brésilienne Paulo Machado de Carvalho avait suggéré à ses joueurs de jouer… en blanc ! Après le refus de ses joueurs et les remontrances de ses dirigeants, il acceptera de changer d’avis (Il est également écrit que la délégation brésilienne a trouvé ses maillots bleus dans un magasin à Stockholm. Elle n’a pas eu besoin d’aller jusqu’à Copenhague).
Par ailleurs, on constatera que si l’Espagne a remporté sa première Coupe du monde dans un maillot bleu nuit, ce fut également le cas pour sa première Coupe d’Europe des Nations (ex-Euro) en 1964, où elle vêtit un maillot d’une couleur comparable à Madrid pour battre l’URSS en rouge.
# Le 2 février 2023 à 15:02, par Richard Coudrais En réponse à : Une histoire chromatique des maillots en finale de Coupe du monde
En 1986, la délégation ouest-allemande avait été surprise d’apprendre qu’elle devait enfiler son maillot de rechange contre l’Argentine. Selon elle, les règlements disaient qu’en finale, c’est l’équipe dont le nom est le premier dans l’ordre alphabétique (en anglais) qui doit changer de maillot. Ce qui se vérifie en effet en 1958 (Brazil-Sweden) et en 1966 (England-Germany). La FIFA rétorqua que ce règlement était fantaisiste et qu’elle avait tranché le problème en amont, en désignant le tableau dont l’équipe qui en sortirait jouerait la finale avec son maillot de rechange.
Lorsque Allemands et Argentins s’étaient affrontées la première fois en Coupe du monde, en 1958, l’arbitre demanda aux Argentins de changer de maillot, et ceux-ci évoluèrent en jaune, ayant emprunté le maillot de l’équipe locale, l’IFK Malmö. Quand elles se retrouvèrent en 1966, les deux équipes portaient leur maillot habituel, les Allemands jouant en short blanc et l’Argentine en short noir. Depuis la finale de 1986, quand elles se rencontrent en compétition estampillée FIFA (Coupe du monde et Confédération Cup), c’est chacune leur tour qu’elles arborent leur maillot de rechange.
# Le 2 février 2023 à 17:13, par Bruno Colombari En réponse à : Une histoire chromatique des maillots en finale de Coupe du monde
Merci pour cette précision, Richard ! L’Allemagne a évolué donc en blanc, en noir, en vert, en rouge et noir (j’oublierai la peur...). Ce serait intéressant de savoir quelle est la sélection qui a joué avec le plus de couleurs différentes en Coupe du monde !