18 mai 1930 : le premier France-Écosse

Publié le 16 octobre 2023 - Richard Coudrais

Les équipes de France et d’Écosse se sont rencontrées pour la première fois le 18 mai 1930 à Colombes, quelques jours avant la première Coupe du monde.

4 minutes de lecture

Plus que trente-quatre jours avant d’embarquer à bord du Conte Verde pour aller disputer dans le lointain Uruguay la première Coupe du monde de football. La Fédération française s’est appliquée à préparer au mieux l’équipe de France pour cette échéance. Le comité de sélection a été réduit à quatre hommes et six matchs amicaux ont été conclus au cours du premier semestre afin de sélectionner les seize joueurs qui participeront à l’aventure.

Huit matchs, sept défaites

Le match du 18 mai 1930 contre l’Écosse est le cinquième de la série, et le deuxième d’une série de trois rencontres disputées lors de trois dimanches consécutifs. Les Tricolores ont en effet rencontré la Tchécoslovaquie sept jours plus tôt et doivent se rendre en Belgique sept jours plus tard.

L’équipe nationale française présente alors un bilan calamiteux, puisqu’elle n’a plus remporté le moindre match depuis quatorze mois (France-Portugal 2-0 le 24 mars 1929). Elle compte sept défaites pour huit rencontres. Autant dire que la perspective de se frotter à une sélection britannique n’incite pas à l’optimisme.

Si les Tricolores ont déjà affronté l’Angleterre à quatorze reprises (pour une seule victoire), ils n’ont jamais été opposés à l’Écosse. Et pour cause, la sélection écossaise n’est sortie de son île qu’en mai 1929 pour une tournée européenne qui l’a successivement opposée à la Norvège, à l’Allemagne et aux Pays-Bas. La France n’est alors que le quatrième adversaire européen de son histoire, alors qu’elle dispute son cent-cinquantième match.

Quand ils se rendent à Colombes, les Écossais ont encore en mémoire le 5-2 subi à Wembley contre les Anglais un mois plus tôt, une humiliation qui les a privé d’un titre de la British Home Championship. Il s’agit pourtant d’une épreuve dont ils ont remporté sept des onze éditions disputées depuis la Grande guerre, dans une période où l’Angleterre n’en remporta aucune !

Une éclatante démonstration de la beauté du football

Le stade de Colombes est garni de 25.000 personnes au moment où les Écossais donnent le coup d’envoi. Rapidement, la différence de classe se fait sentir au détriment des Tricolores, contraints de courir après un ballon insaisissable qui passe de pieds en pieds écossais, sous le regard admiratif de Lucien Gamblin, l’ancien international devenu journaliste à L’Auto :

Jouant avec une sûreté et une netteté remarquables, nos vainqueurs nous donnèrent une éclatante démonstration de la beauté du football lorsque ce jeu est pratiqué par des maîtres. Doués d’une technique parfaite, connaissant du jeu toutes ses subtilités, et opérant selon une gamme d’une grande variété, les footballeurs écossais produisirent sur les vingt cinq mille spectateurs présents, une très grosse impression. Habiles à l’extrême, placés sur le terrain, comme les pions d’un jeu d’échec qu’on déplace suivant les besoins, mais toujours à bon escient, les pros d’outre-Manche exécutèrent un football d’une telle pureté et d’une conception si géniale que parfois nos joueurs paraissaient être uniquement des obstacles placés en divers points pour que leurs adversaires ne soient pas seuls sur le terrain.”

Les joueurs français parviennent toutefois à s’approcher de la cage écossaise mais ils inquiètent rarement le gardien John Thomson, si ce n’est sur un tir de Pinel qui passe à côté. Chaque tentative française est saluée par un public enthousiaste fier de voir ses joueurs bousculer autant que faire se peut cette impressionnante équipe écossaise.

Ce sont toutefois les défenseurs qui sont les plus sollicités, les deux Racingmen Marcel Capelle et Manuel Anatol et le gardien du Red Star Alex Thépot. Celui-ci a l’occasion de montrer sa grande habileté sur les plongeons et les sorties aériennes. L’arrière garde tricolore a fort affaire avec le fameux Hughie Gallacher, 27 ans, buteur de Newcastle United et consacré héros national un jour de 1928 où à Wembley l’Écosse infligea un 5-1 historique aux Anglais.

Après avoir plusieurs fois mis le gardien français à contribution, l’attaquant britannique reçoit, trois minutes avant la mi-temps, un ballon de son coéquipier Alex Cheyne qu’il botte hors de portée de Thépot. Les Écossais ouvrent opportunément le score juste avant la mi-temps et inscrivent même un second but dans la foulée, que l’arbitre belge refuse puisque Gallacher s’était aidé du bras.

Menace permanente

En deuxième période, les Écossais maintiennent leur domination, malgré quelques tentatives tricolores. L’intenable Gallacher est une menace permanente pour les défenseurs français, mais ses coéquipiers ne sont pas en reste : Le demi-centre Walker envoie de trente mètres une lourde frappe qui s’écrase sur la barre.

Les Français parviennent à se créer une belle occasion. Sur un coup-franc de Kolb, Delfour frappe au but et semble prendre Thomson à contre-pied, mais celui-ci, dans un réflexe extraordinaire parvient à se redresser et dévier d’une main le ballon en corner.

Comme en première mi-temps, les Français résistent longtemps aux assauts des Écossais mais cèdent dans les dernières minutes. L’inévitable Gallagher parvient à tromper Thépot d’un tir imparable. Gamblin, encore lui, ne s’en remet pas : “Nous avons vu hier un grand artiste du football, comme jamais nous n’en avons vu en France, c’est Gallacher. Ce joueur est réellement extraordinaire. Il s’empare du ballon avec une facilité dérisoire, dribble comme il veut dans n’importe quel sens et quel que soit l’adversaire, et termine par une passe à l’homme qu’il a choisi. D’une adresse rare, son shoot est une merveille de précision et de puissance. Et hier, en plus des deux buts qu’il marqua, il envoya une balle dans le but de Thépot par un coup de tête à effet qui nous laissera un impérissable souvenir.”

En ne s’inclinant que 2-0, les joueurs de l’équipe de France reçoivent les félicitations du public et la clémence de la presse. Six d’entre eux seulement seront du voyage en Uruguay : Thépot, Capelle, Chantrel, Pinel, Delfour et Jean Laurent. Seul le dernier nommé n’apparaîtra pas à Montevideo. Manuel Anatol, pourtant pressenti, ne pourra participer à la Coupe du monde, son employeur ayant refusé de le libérer.

Colombes, stade Yves du Manoir, le dimanche 18 mai 1930 à 15h05
Écosse bat France 2-0
Buts : Gallacher (42’), Gallacher (85’).
FRANCE : Thépot - Anatol, Capelle - Chantrel, Banide, J.Laurent - Kauffmann, Pavillard (cap), Pinel, Delfour, Korb.
ÉCOSSE : Thomson - Nelson, Crapnell - Wilson, Walker, Hill - Jackson, Cheyne, Gallacher, Stevenson, Connor.
Arbitre : Raphaël Van Praag (Belgique).
25.000 spectateurs
NomÂgePosteSél.Club
Alexis Thépot 24 ans Gardien 11/31 Red Star
Marcel Capelle 26 ans Arrière 3/9 Racing Club de France
Manuel Anatol 27 ans Arrière 9/16 Racing Club de France
Augustin Chantrel 22 ans Demi 7/15 Red Star
Maurice Banide 25 ans Demi 6/9 AS Strasbourg
Jean Laurent 24 ans Demi 2/8 CA Paris
Marcel Kauffmann 20 ans Avant 2/5 FC Mulhouse
Henri Pavillard (cap.) 25 ans Avant 9/14 Stade Français
Marcel Pinel 22 ans Avant 2/7 Red Star
Edmond Delfour 23 ans Avant 5/41 Racing Club de France
Pierre Korb 22 ans Avant 5/12 FC Mulhouse

pour finir...

La rédaction de cet article a nécessité la consultation des sites, RSSSF, FFF, Wikipédia, la lecture d’anciens exemplaires de France-Football, L’Équipe, les Cahiers de L’Équipe... ainsi que des ouvrages « La fabuleuse histoire du football » de Jacques Thibert et Jean-Phlippe Rethacker (Nathan, 1990), « L’intégrale de l’équipe de France de football » de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia (First édition, 1998), « Les 1000 joueurs de l’équipe de France » de Jérôme Bergot (Talent Sport, 2021), « Sélectionneur des Bleus » de Pierre Cazal (Mareuil, 2021), « Le Dico des Bleus » de Matthieu Delahais, Bruno Colombari et Alain Dautel (Marabout, 2017-2018-2022)...

Mots-clés

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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