1er janvier 1911 : le premier France-Hongrie

Publié le 18 juin 2021 - Richard Coudrais

C’est au jour de l’an 1911 que les équipes de France et de Hongrie se sont rencontrées pour la première fois. C’était à Maisons-Alfort, en région parisienne, au stade de Charentonneau.

4 minutes de lecture
Extrait de « la Vie au Grand Air » (Mars 1914)
Extrait de « la Vie au Grand Air » (Mars 1914)

Le stade de Charentonneau, à Maisons-Alfort, est depuis 1905 l’antre du Cercle Athlétique de Paris, l’un des grands clubs parisiens de l’époque pionnière du football français. Le jour de l’an 1911, ce stade accueille pour la première (et seule) fois de son histoire un match de l’équipe de France, laquelle y reçoit la Hongrie, ce qui est également une première.

D’une fédération l’autre

Le choix du stade est symbolique. Le CA Paris a quitté l’USFSA cinq mois plus tôt et a créé, avec d’autres clubs dissidents, la LFA, ligue de football association. Celle-ci est affiliée au CFI, comité français interfédéral qui depuis 1908 veille aux destinées de l’équipe de France. L’USFSA, en effet, avait quitté la FIFA en 1907 et cette dernière avait reconnu le CFI comme fédération de référence du football hexagonal.

Il fallait donc marquer le coup et démontrer au petit monde du football français qui désormais tenait les rênes. Le CFI accepta de faire jouer l’équipe de France dans le stade d’un club de la LFA et d’y faire figurer pas moins de sept de ses joueurs. Cinq titulaires proviennent donc du Red Star et deux du CA Paris. Les deux autres fédérations adhérentes représentées sont le FGSPF (3 joueurs) et le FCAF (1).

Cinq joueurs font leurs débuts internationaux à l’occasion de ce premier France-Hongrie de l’histoire. Le gardien Henri Coulon (de son vrai nom Henri Beau, qui joue sous pseudonyme pour ne pas se faire repérer par son employeur), le défenseur André Gindrat et trois attaquants : Pol Morel, Ernest Gravier et un certain Eugène Maës, futur grand buteur de la sélection nationale. A 31 ans, Julien du Rhéart fait son retour en sélection après deux ans et demi d’absence. Le demi-aile du Red Star est le premier joueur de l’ère USFSA à retrouver l’équipe de France sous celle du CFI. La capitaine, enfin, est Jean Ducret, le milieu de terrain de l’Étoile des deux Lacs.

La Hongrie, pionnière du football européen

2.032 spectateurs se sont rendus à Charentonneau en ce jour de l’an 1911 pour voir l’équipe de France affronter la Hongrie. La sélection magyare est une équipe pionnière. Elle a disputé dès 1902 contre l’Autriche la première rencontre entre sélections nationales du continent européen. La fédération hongroise a rejoint la FIFA en 1906. Longtemps confrontée aux seules Autriche et Bohême-et-Moravie, l’équipe hongroise a ensuite reçu à Budapest des adversaires tels l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie. Elle aurait dû participer aux Jeux Olympiques de Londres en 1908, mais les événements politiques (crise en Bosnie) l’ont poussé à déclarer forfait.

La sélection magyare arrive en France au premier jour de l’année 1911 dans le cadre de sa première tournée en Europe de l’Ouest qui la conduira ensuite en Italie puis en Suisse. Elle compte 27 rencontres à son actif (pour 11 victoires) là où la France en compte dix de moins, une différence notable pour l’époque. En outre, l’équipe de France qu’elle affronte n’a plus remporté le moindre match depuis près de trois ans. Pire, depuis le 8 mars 1908, elle reste sur une série de dix défaites consécutives, avec 80 buts encaissés, soit une moyenne de huit par rencontre.

Sur le terrain, la différence de niveau est très nette. Les Hongrois pratiquent un football très élaboré fait de déplacements et de passes courtes à ras de terre. Ils possèdent surtout au centre de leur attaque une des premières grandes vedettes du football d’Europe centrale, Imre Schlosser-Lakatos. Le buteur de Ferencvaros impressionne le public parisien en inscrivant les trois buts de la victoire de son équipe. Professionnel dès l’âge de seize ans, Schlosser a connu sa première sélection un an plus tard en 1906. Sa résistance physique et son appétit de buts lui permettront de jouer jusqu’à l’âge de 38 ans. Il disputera 68 rencontres avec la sélection hongroise, inscrivant 59 buts, un record qui tiendra de longues années.

Les dribbles de Maës, les mains de Coulon

L’équipe de France a terminé la rencontre à dix en raison de la sortie après l’heure de jeu du défenseur Simon Sollier. Les attaquants Du Rhéart et Gravier ont donc joué plus en retrait pour compenser. Mais les Hongrois avaient déjà fait la différence avant cet incident. En dépit de la défaite, quelques satisfactions ont émergé côté Français. On a apprécié la classe du jeune Eugène Maës (21 ans), même si on lui reproche un goût trop prononcé pour le dribble. Quant au gardien Coulon, il serait, selon le journaliste de Football et Sports Athlétiques, “le garde-but idéal s’il se débarrassait de son vieux défaut de ne pas vouloir se servir de ses mains”.

L’équipe de France retrouvera la Hongrie en mai 1914 à l’Üllői úti stadion de Budapest pour une nouvelle défaite (5-1) à l’occasion d’une tournée en terre magyare. Cette tournée sera conclue par une rencontre, perdue 0-1, contre une sélection régionale du Sud de la Hongrie. Cette défaite sera le dernier match des Tricolores avant la Grande Guerre.

Le stade de Charentonneau quant à lui est resté le stade du Cercle athlétique de Paris-Charenton, héritier du glorieux CAP devenu aujourd’hui un club de Régionale 3 qui reçoit ses adversaires sur pelouse synthétique. De Paris, on accède à ce stade par la ligne 8 du métro, station Maisons-Alfort - Stade. Puis on remonte l’avenue Gambetta (ou la rue Chevreuil qui lui est parallèle) et l’on trouve le terrain au numéro 52.

JPEG - 226.6 kio
Maisons-Alfort, stade de Charentonneau, le 1er janvier 1911
Hongrie bat France 3-0
Buts de Schlosser (10’, 30’, 49’)
France : Coulon - Gindrat, Sollier - Rigal, Ducret, Bellocq - Morel, Du Rhéart, Maës, Gravier, Verbrugge.
Hongrie : Sipos - Revesz, Szendrö - Biro, Kürschner, Takacs - Weisz, Karoly, Korody, Schlosser, Börbas.
Arbitre : Charles Barette (Belgique).
2.032 spectateurs
Joueurâgepostesél.Club
Henri Coulon (Beau) 31 ans Gardien 1/5 CA Paris (LFA)
Alfred Gindrat 27 ans Défenseur 1/4 Red Star (LFA)
Simon Sollier 20 ans Défenseur 5/5 CA Vitry (FCAF)
Jean Rigal 21 ans Milieu 6/11 AF Garenne-Colombes (FGSPF)
Jean Ducret (c) 24 ans Milieu 4/20 Étoile des Deux Lacs (FGSPF)
Henri Bellocq 27 ans Inter Droit 6/6 Étoile des Deux Lacs (FGSPF)
Pol Morel 21 ans Attaquant 1/2 Red Star (LFA)
Julien Du Rhéart 31 ans Attaquant 3/3 Red Star (LFA)
Eugène Maës 21 ans Attaquant 1/11 Red Star (LFA)
Ernest Gravier 19 ans Attaquant 1/11 CA Paris (LFA)
Jules Verbrugge 24 ans Attaquant 2/4 Red Star (LFA)

pour finir...

Sources : L’ouvrage « L’intégrale de l’équipe de France de football » (First édition) de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia. Les sites FFF, Wikipédia et Gallica.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Hommage à Pierre Cazal