Cela fait plus de dix ans que Nantes n’a pas accueilli l’équipe de France. Le stade de la Beaujoire vit toujours dans le souvenir de ce bel après-midi de juin 1984 où Platini et ses coéquipiers avaient écrasé la Belgique (5-0). Beaucoup d’eau, depuis, a coulé sous les ponts de la Loire. Après qu’elle ait raté la Coupe du monde 1994, l’équipe de France a été reprise en mains par Aimé Jacquet et s’est lancée dans les éliminatoires de l’Euro 1996. L’aventure a commencé à Bratislava, en septembre 1994, face à la Slovaquie, une nation nouvellement inscrite à l’UEFA après la partition de feu la Tchécoslovaquie le 1er janvier 1993. Les deux équipes n’ont inscrit aucun but (0-0).
Main dans la main
Et c’est justement la Slovaquie que les Bleus retrouvent à Nantes le 26 avril 1995 pour leur sixième match du groupe 1. Depuis leur précédente rencontre, les deux équipes ont connu quelques difficultés, chacune ne remportant qu’une seule victoire contre le faible Azerbaïdjan. Les Français, qui comptent quatre 0-0 en cinq rencontres, devancent les Slovaques de deux points, mais ils ont disputé un match supplémentaire.
A la Beaujoire, 26.000 spectateurs garnissent les tribunes pour voir les Bleus, mais nombreux sont ceux qui espèrent une équipe de France à fortes teintes jaunes et vertes. Cette saison-là, le FC Nantes réalise une saison de feu et le sélectionneur fait régulièrement appel aux hommes de Jean-Claude Suaudeau. Quatre d’entre eux (Karembeu, Pedros, Ouédec et Loko) sont convoqués pour cette rencontre, mais seul le dernier nommé est titulaire.

Au moment des hymnes, les Bleus écoutent La Marseillaise en se tenant par la main à la manière des Brésiliens lors de la Coupe du monde 1994. L’union sacrée a été instaurée en une période où l’ambiance n’est pas au beau fixe. Les premiers résultats n’ont pas été bons et le sélectionneur fait déjà l’objet de nombreuses critiques dans la presse. La tension est telle qu’Aimé Jacquet a refusé de saluer Gérard Ejnès, journaliste de L’Équipe, quotidien qui ne cache pas sa défiance envers le sélectionneur.
Les Français auraient du jouer avec leurs traditionnelles couleurs bleu-blanc-rouge, mais Bernd Heynemann, l’arbitre allemand de la rencontre, leur a demandé de vêtir un short bleu. On se demande bien pourquoi, puisque les Slovaques portent également un short bleu… C’est d’ailleurs la toute première fois que les Bleus sont équipés d’une tenue bleu-bleu-rouge, qui sera réutilisée trois ans plus tard contre la Croatie à la Coupe du monde 1998.
Première titularisation de Zidane
Le début de rencontre est dominé par les hommes d’Aimé Jacquet, mais ceux-ci ne parviennent pas encore à se créer des occasions. Le sélectionneur a renouvelé sa confiance à une défense qui lui donne satisfaction avec Alain Roche et Laurent Blanc en charnière centrale, Eric Di Meco et Jocelyn Angloma sur les côtés et Bernard Lama dans les buts.
En revanche, Jacquet a considérablement renouvelé son milieu de terrain. S’il maintient sa confiance à Marcel Desailly, devenu milieu défensif à Milan, il lui associe Didier Deschamps, Vincent Guérin et Zinédine Zidane. Le premier nommé, qui joue désormais à la Juventus, n’avait plus été appelé depuis le match aller en Slovaquie en raison d’une blessure au talon d’Achille. Il hérite du brassard de capitaine que le sélectionneur fait passer d’un joueur à l’autre à chaque rencontre.
Vincent Guérin quant à lui n’avait plus été appelé depuis le Italie-France amical de février 1994, premier match de l’ère Jacquet. Ses performances européennes avec le Paris Saint-Germain, et notamment un but décisif contre le FC Barcelone, l’ont mis en lumière et ont éveillé l’attention du sélectionneur. Il s’agit de la quatrième sélection du Parisien, mais de sa première titularisation.
Une situation similaire à celle de Zinédine Zidane, troisième sélection et première titularisation. Le jeune Bordelais avait frappé les esprits en début de saison quand il inscrivit deux buts contre la République Tchèque pour sa première apparition en bleu, alors qu’il était entré en cours de jeu. Face à la Slovaquie, positionné dans l’axe, il est chargé de distiller des ballon vers le duo d’attaquants qui avait terminé le match précédent, composé de David Ginola et Patrice Loko.
Dans les rangs de l’équipe slovaque, les joueurs sont moins connus que ceux de la République Tchèque. Le public français connaît toutefois bien le meneur de jeu Ľubomír Moravčík, qui fait les beaux jours de l’AS Saint-Etienne, ainsi que le défenseur central Miloš Glonek qui évolue à Caen. Il reconnaît aussi Dušan Tittel, l’ancien Nîmois. Quant à Alexander Vencel, la gardien de Strasbourg, il est sur le banc de touche. L’entraîneur slovaque est également un nom connu, Jozef Vengloš, qui a dirigé l’équipe de Tchécoslovaquie lors des Coupes du monde 1982 et 1990. En attaque, on surveille Peter Dubovský, l’attaquant du Real Madrid, mais celui-ci fait surtout preuve de nervosité, commettant quelques fautes dont un violent tacle sur Alain Roche qui aurait valu une expulsion sans la bienveillance de l’arbitre allemand.
Ginola fait taire les sifflets
A la 27e minute, Zidane lance Guérin sur l’aile droite. Le Parisien déborde et centre devant le but, mais Loko, seul entre deux défenseurs, est trop court pour reprendre de la tête. Derrière lui, le Slovaque Ondrej Krištofík, seul devant son gardien, tente de s’emparer du ballon, mais ne parvient pas à le contrôler. Sa maladresse envoie le ballon dans ses propres filets, au grand dam de son gardien Ladislav Molnar. Le milieu de terrain du Slavia Prague ouvre le score pour l’équipe de France.
Ce but heureux libère les Français. Ceux-ci se montrent un peu plus déterminés dans leurs initiatives. Peut-être ont-ils également ressenti que cette équipe slovaque était à leur portée. Quelques minutes avant la mi-temps, Eric Di Meco déborde sur le côté gauche, lève la tête et envoie un ballon aérien devant le but. Le ballon est repris par David Ginola qui d’une puissante tête l’envoie dans les filets de Molnar. Le Parisien, régulièrement conspué dans les stades du championnat de France, fait taire les derniers sifflets que lui adressaient les travées de la Beaujoire.
A la mi-temps, la France mène 2-0 et les joueurs entrent aux vestiaires avec confiance. En seconde période, les Français font le siège du camp slovaque. Une tête de Blanc (au-dessus), une frappe lointaine de Zidane (à côté), puis un face-à-face de Ginola avec le gardien (repoussé) démontrent que les Tricolores tiennent à soigner le résultat.
Juste avant l’heure de jeu, Ginola, bien décalé par Zidane, tente une frappe que le gardien dévie en corner. Guérin frappe le coup de pied de coin, le ballon est dégagé par la défense slovaque puis récupéré par Zidane qui donne à Guérin, toujours positionné côté droit. Le Parisien envoie un centre devant le but pour Loko, lequel a beau se détendre, il ne parvient pas à détourner le ballon. Derrière lui, seul au second poteau, Laurent Blanc pousse le ballon du pied droit dans la cage. C’est le huitième but en bleu du Stéphanois. Il est le meilleur buteur des onze présents sur la pelouse.
La volée de Guérin
Les Slovaques parviennent à se procurer une occasion sur un tir lointain de Dubovský. Mais les Français gardent la maîtrise du jeu. Ils offrent même au public nantais une belle séquence de football collectif : Alain Roche, sur la ligne médiane, donne à Di Meco, lequel combine un une-deux avec Guérin. Le centre du latéral monégasque est repoussé, mais Zidane récupère le ballon. Il donne à Deschamps sur le côté droit, lequel centre aussitôt devant le but. A la réception du ballon, Vincent Guérin exécute une magnifique reprise de volée qu’il envoie dans la lucarne slovaque. 4-0 pour les Bleus et un but de toute beauté qui ponctue un mouvement collectif que le public apprécie en connaisseur.
Il reste encore près d’une demi-heure à jouer et le public nantais en veut encore. Il ne serait pas contre un nouveau 5-0 dans son stade. Mais ce que réclament surtout les spectateurs, c’est l’entrée en jeu de quelques Nantais qui s’échauffent sur le bord du terrain. Aimé Jacquet ne procédera qu’à un seul changement, Zidane étant remplacé par Youri Djorkaeff à un quart d’heure de la fin.
A peine entré, Djorkaeff exploite une belle passe de Loko et bat le gardien slovaque, mais le but est refusé pour un hors-jeu. Loko lui-même tente plusieurs fois d’ajouter son nom à la liste des buteurs, mais le score en restera là. L’équipe de France termine sa saison 1994/1995 comme elle avait terminé la précédente, en inscrivant quatre buts à un adversaire pourtant valeureux [1].
Invincible Lama
Bernard Lama vient de garder sa cage inviolée pour la septième rencontre consécutive. C’est aussi bien que Joël Bats en 1983/1984, et même mieux si l’on tient compte du temps de jeu puisque le Parisien a dépassé l’ancien Auxerrois de sept petites minutes (675 contre 668) [2].
Cette nette victoire contre la Slovaquie a été convaincante et bienvenue dans une course aux éliminatoires où les Tricolores semblaient s’enliser après plusieurs résultats nuls. Avec le temps, ce match prendra une valeur historique importante. Elle a permis à Zidane de s’affirmer comme le meneur de jeu qui faisait défaut aux Bleus depuis Platini. Elle a également permis de mesurer la dimension internationale de joueurs tels que Deschamps, Desailly ou Blanc, ce qui autorise à rêver à de grands lendemains.
France bat Slovaquie 4-0
Buts : Krištofík (27’csc), Ginola (42’), Blanc (57’) et Guérin (62’).
FRANCE : Lama - Angloma, Blanc, Roche, Di Meco - Desailly, Deschamps, Guérin, Zidane (73’ Djorkaeff) - Loko, Ginola. Sélectionneur : Aimé Jacquet.
SLOVAQUIE : Molnár - Zeman, Stúpala, Glonek, Kinder - Tittel, Tomaschek (45’ Timko), Krištofík, Moravčík - Dubovský, Penska (75’ Maixner). Sélectionneur : Jozef Vengloš.
Arbitre : Bernd Heynemann (Allemagne).
26 000 spectateurs.
Joueur | Âge | Poste | Sel./total | Club |
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Bernard Lama | 32 ans | Gardien de but | 19/44 | Paris Saint-Germain |
Jocelyn Angloma | 29 ans | Défenseur | 25/37 | Torino (Italie) |
Laurent Blanc | 29 ans | Défenseur | 45/97 | AS Saint-Etienne |
Alain Roche | 27 ans | Défenseur | 20/25 | Paris Saint-Germain |
Éric Di Meco | 31 ans | Défenseur | 16/23 | AS Monaco |
Didier Deschamps | 26 ans | Milieu | 41/103 | Juventus (Italie) |
Marcel Desailly | 26 ans | Milieu | 14/116 | AC Milan (Italie) |
Vincent Guérin | 29 ans | Milieu | 4/19 | Paris Saint-Germain |
Zinédine Zidane | 22 ans | Milieu | 3/108 | Girondins de Bordeaux |
Patrice Loko | 25 ans | Attaquant | 8/26 | FC Nantes |
David Ginola | 28 ans | Attaquant | 15/17 | Paris Saint-Germain |
Remplaçant | ||||
Youri Djorkaeff | 27 ans | Attaquant | 8/82 | AS Monaco |
Ne sont pas entrés en jeu : Fabien Barthez, Christian Karembeu, Reynald Pedros, Nicolas Ouédec.