Quatre Bleus face à Rinat Dasaev

Publié le 13 janvier 2021 - Richard Coudrais - 2

La grandeur d’un gardien ne se mesure-t-elle pas à la fierté de ceux qui lui ont inscrit un ou plusieurs buts ? Quatre internationaux français ont une histoire particulière avec Rinat Dasaev, le meilleur gardien de but des années 1980.

4 minutes de lecture

Rinat Dasaev, parmi ses 91 sélections en équipe d’URSS, a rencontré cinq fois l’équipe de France. La première a eu lieu à l’occasion d’un match amical à la fin de la saison 1979-1980, remporté 1-0 par les Soviétiques.

La deuxième, c’était au Parc des Princes au printemps 1983, pour un nouveau match amical face à l’équipe de France. Rinat Dasaev avait changé de statut. Il était désormais considéré, depuis la Coupe du Monde 1982, comme le meilleur gardien de but du monde. Il avait longtemps mis en échec le magnifique Brésil de Télé Santana avant de s’incliner sur deux tirs imparables de Socrates et Eder. Il avait ensuite sauvé son équipe en plusieurs occasions par des arrêts de grande classe, tant dans les airs que sur sa ligne. C’était une certitude, l’Union Soviétique avait trouvé un héritier au grand Lev Yachine.

40 000 spectateurs avaient donc garni le Parc des Princes le 23 mars 1983 pour encourager l’équipe de France, mais aussi pour voir Rinat Dasaev. Le gardien soviétique portait d’ailleurs un curieux maillot. C’était un maillot vert à parements noirs sur les manches duquel coulaient... des bandes bleu-blanc-rouge. On lui avait probablement refilé un maillot des gardiens de l’équipe de France sur lequel le coq FFF avait été grossièrement caché par des bandages. Probablement que le gardien soviétique n’avait rien amené d’autre que son fameux maillot bleu CCCP, et que l’arbitre lui avait demandé d’en trouver un autre, après lui avoir rappelé que ses hôtes jouaient également en maillot bleu.


 

Les égalisations de Fernandez

En dépit de son accoutrement, Dasaev fit, comme d’habitude, un grand match au Parc des Princes. Concentré, vif, toujours bien placé, il rassurait ses coéquipiers qui en profitèrent pour ouvrir le score. Mais l’URSS et Dasaev durent finalement s’incliner sur un tir de Luis Fernandez, servi par une pichenette de Platini. C’était le premier but du jeune Parisien en équipe de France, pour sa troisième sélection, sa première au Parc des Princes. Les deux équipes se séparèrent sur un score nul (1-1).

Elles se retrouvèrent trois ans plus tard à Leon, le 5 juin 1986, pour un match du premier tour de la Coupe du monde. La France, championne d’Europe en titre, redoutait cette équipe soviétique qui avait démarré le tournoi avec un fracassant 6-0 face à la Hongrie. Sous le soleil mexicain, le scénario du Parc se reproduisait : les Soviétiques ouvraient le score par Rats avant que Rinat Dasaev ne soit pris en défaut sur un tir de… Luis Fernandez, servi par une merveille de passe en cloche d’Alain Giresse.

Le Parisien aimera ensuite rappeler à ses compatriotes qu’il a battu par deux fois le meilleur gardien du monde. Mais il ne sera pas le seul joueur français a avoir une histoire particulière avec l’héritier de Lev Yachine.


 

Les occasions de Papin

Rinat Dasaev était aussi le gardien de but du Spartak Moscou. A l’époque, les footballeurs soviétiques étaient assignés à leur championnat et faisaient très souvent carrière dans un seul et même club. En 1985, le Spartak entamait un parcours intéressant en Coupe de l’UEFA. Avec avoir éliminé le club finlandais du TPS Turku, il sortait le FC Bruges qu’avait rejoint un jeune buteur français quasiment inconnu, Jean-Pierre Papin. Le Français marqua le seul but belge de la double confrontation qui tourna à l’avantage des Moscovites (1-0 à Moscou, 3-1 à Bruges).

JPP aurait pu, comme Luis Fernandez, se rappeler au bon souvenir de Rinat Dasaev lors la rencontre de Leon, au premier tour de la Coupe du Monde 1986. Le jeune attaquant français eut bien quelques occasions mais se montra trop maladroit. En milieu de deuxième mi-temps, alors que le score était à 1-1, il reprit un centre de Stopyra d’une magnifique tête plongeante que Dasaev repoussa du pied. Ce sera la dernière occasion de Papin. Celui-ci sera remplacé dix minutes plus tard par Bellone, perdant du même coup son statut de titulaire pour la suite du tournoi. Papin retrouvera toutefois Dasaev en 1988 pour lui marquer un but magnifique... à l’occasion du jubilé Michel Platini à Nancy.

Les têtes de Touré

Au troisième tour de la Coupe de l’UEFA, le FC Nantes succèda au FC Bruges dans le parcours européen du Spartak Moscou. Le match aller à Tbilissi avait vu la victoire des Canaris de Jean-Claude Suaudeau, grâce à un but de Pierre Morice sur penalty. Mais ce Spartak avait la particularité d’être souvent meilleur à l’extérieur. Il le prouva au stade de la Beaujoire où il étouffa le FC Nantes avant de lui planter un but qui remettait les compteurs à zéro. Les Nantais se devaient de réagir au plus vite. Juste après l’engagement, ils obtinrent un coup franc à une trentaine de mètres. C’est Pierre Morice encore lui qui se chargea de le tirer. Le ballon vola vers la surface moscovite lorsqu’un homme en jaune surgit au dessus de la masse rouge. C’était José Touré qui de la tête dévia le ballon pour lober un Rinat Dasaev trop avancé [1]

Deux ans plus tard, José Touré retrouvait Rinat Dasaev à Moscou à l’occasion d’une rencontre qualificative pour l’Euro 1988. Bien des choses avaient changé. L’équipe de France avait vu partir plusieurs cadres de sa génération dorée et n’était plus que l’ombre d’elle-même. José Touré lui-même revenait d’une grave blessure (qui l’avait notamment privé du Mondial mexicain). Il n’était en outre plus Nantais, ayant été transféré aux Girondins de Bordeaux.

L’équipe de France avait grandement gaspillé ses chances de défendre son titre européen en RFA, dans un groupe où seule la première place, occupée par l’URSS, donnait accès à la phase finale. Toutefois, les hommes d’Henri Michel firent à Moscou un de leurs meilleurs matches de cette période, ramenant un nul (1-1) après que le score ait été ouvert dès la 12e minute par les Français. Rinat Dasaev avait été trompé une nouvelle fois par une tête de José Touré, laquelle décidément ne lui revenait pas.

Le triplé de Passi

Dans ce même match de Moscou, un jeune Toulousain honorait alors sa quatrième sélection chez les Bleus. Gérald Passi n’avait pas eu à Moscou l’occasion de se mesurer à Rinat Dasaev, mais le gardien soviétique avait gardé un très mauvais souvenir du milieu de terrain français.

Le 22 octobre 1986, le Spartak Moscou était en effet de retour en France, un peu moins d’un an après sa mésaventure nantaise, pour une rencontre de Coupe de l’UEFA. Le club soviétique se rendait à Toulouse accueilli par une formation française pas peur fière d’avoir éliminé le SSC Naples de Diego Maradona au tour précédent. Ce Toulouse-Spartak fut le jour de gloire de Gérald Passi. Le meneur de jeu toulousains inscrivit en effet trois buts au meilleur gardien du monde et donna à son équipe une confortable avance (3-1). Malheureusement, le TFC se fera laminer au match retour (victoire 5-1 du Spartak).


 

Invaincu face à l’équipe de France

Si le texte laisse croire qu’il a beaucoup souffert contre les joueurs français, il se trouve que Rinat Fayzrakhmanovich Dasaev n’a jamais perdu contre la France, l’emportant deux fois et concédant trois matchs nuls. Il a encaissé trois buts.

SelGenreDateLieuÉquipeScore
5e Amical 23/05/80 Moscou U.R.S.S. 0-1
28e Amical 23/03/83 Paris (Parc) U.R.S.S. 1-1
60e CM 1T 05/06/86 León U.R.S.S. 1-1
63e qEuro 11/10/86 Paris (Parc) U.R.S.S. 0-2
68e qEuro 09/09/87 Moscou U.R.S.S. 1-1

[1Lire l’article « Touré 1985, décembre rouge » sur les Cahiers du Football.

Vos commentaires

  • Le 18 janvier 2021 à 15:23, par Nhi Tran Quang En réponse à : Quatre Bleus face à Rinat Dasaev

    Très bel article sur un des meilleurs gardiens du monde dans les années 80 malheureusement aujourd’hui inconnu pour les gens d’aujourd’hui sauf peut-être pour les spécialistes et les vrais connaisseurs du foot

  • Le 18 janvier 2021 à 15:41, par Richard Coudrais En réponse à : Quatre Bleus face à Rinat Dasaev

    On dira « méconnu » plutôt qu’inconnu, comme un grand nombre de joueurs du passé dont les exploits n’ont en effet pas eu l’écho mérité au sein des générations suivantes. Mais heureusement, vous lisez Chroniques Bleues, un site où les grands joueurs ne seront jamais oubliés :-)

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