Mise à jour d’un article initialement paru en mars 2018.
Le contexte
Pourquoi revenir sur un match de premier tour de Coupe du monde ? Parce qu’il est paradoxal. Cette équipe-là, essentiellement composée de joueurs du Dynamo Kiev qui venait de remporter la Coupe des Coupes de manière éclatante, était l’une des postulantes à la victoire finale. Sa trajectoire l’amènera d’ailleurs en finale du championnat d’Europe 1988, seulement stoppée par la jeune sélection néerlandaise.
Mais surtout parce que c’est sans doute ce 5 juin à Leòn que les Bleus ont perdu la Coupe du monde. Et ce, alors même que le match nul (1-1) associé à la victoire initiale face au Canada (1-0), les plaçait en position favorable pour la qualification en huitième de finale, sous réserve de prendre au moins un point face à la Hongrie lors du troisième match.
Le problème de ce match nul, c’est d’une part qu’il ne permettait pas de rotation d’effectif lors du match suivant, ce qui aurait donné l’occasion à Platini, Giresse et Bossis, par exemple, de souffler avant de passer aux choses sérieuses, ce qui, dans le contexte mexicain (altitude, Leòn est à 1800 mètres, et chaleur, les matchs se jouent pour la plupart à midi) et avec une équipe plutôt âgée, n’est pas anodin.
D’autre part, les Soviétiques ayant écrabouillé les Hongrois trois jours plus tôt (6-0), un nul condamne donc les Bleus à la deuxième place. Et si cette dernière est qualificative, elle les envoie dans une partie de tableau qui ressemble à un parcours du combattant : Italie (tenant du titre) en huitième, Brésil en quart et RFA en demie.
En battant l’URSS et en finissant en tête de son groupe, l’équipe de France aurait croisé la Belgique, l’Espagne et l’Argentine sur la route de la finale, où elle aurait probablement défié le Brésil. L’histoire aurait alors pu être différente.
Après la victoire laborieuse arrachée au Canada le 1er juin, Henri Michel procède à deux changements : en défense, Thierry Tusseau est remplacé par William Ayache et Manuel Amoros repasse à gauche, alors qu’en attaque Yannick Stopyra est préféré à Dominique Rocheteau et associé à Jean-Pierre Papin, qui a fait grand étalage de maladresse. Le milieu « carré magique 1984 » est inchangé (Fernandez, Tigana, Giresse et Platini) de même que l’axe défensif Battiston-Bossis chargé de protéger Joël Bats.
Côté soviétique, Valery Lobanovski aligne l’équipe qui a mis un set à la Hongrie. C’est en gros le Dynamo Kiev renforcé par l’immense gardien du Spartak Moscou Rinat Dasaev, le latéral droit du Zénith Leningrad Nikolaï Larionov et du milieu défensif de Minsk, Sergueï Aleinikov. En défense, Kuznetsov, Bessonov et Demyanenko se connaissent par cœur alors qu’au milieu Aleinikov, Yaremchouk et Yakovenko couvrent une surface de terrain considérable à grande vitesse pour alimenter les trois joueurs offensifs Rats, Zavarov et Belanov.
Il est midi dans le Camp Nou de Leòn, le soleil est vertical, l’ombre de la barre transversale se superpose à la ligne de but, bref, ça tape dur. Le caméraman placé entre la cage et le poteau de corner est torse nu en bermuda à fleurs, et des tribunes descendent des trilles qui semblent émis par des appeaux pour les oiseaux. Toujours mieux que les vuvuzelas !