Dans le football étatisé de l’Union soviétique, il était rare que l’on brûle les étapes dans la progression d’un jeune footballeur. Oleg Vladimirovitch Blokhine fut une exception. Le jeune attaquant du Dynamo Kiev débuta en sélection avant même d’atteindre ses vingt ans. C’était en juillet 1972 et il enchaîna très vite sur son premier grand tournoi, celui des Jeux Olympiques de Munich où il inscrivit six buts et permit à son équipe de décrocher la médaille de bronze.
Première du Parc et dernière de Boulogne
A la suite des Jeux, Oleg Blokhine est régulièrement sélectionné en équipe d’URSS et il ne tarde pas à rencontrer la France. Les deux équipes bataillent en effet dans le même groupe pour arracher une qualification pour la Coupe du monde 1974. La rencontre a lieu le 13 octobre 1972 et inaugure un Parc des Princes tout juste reconstruit. L’URSS, quart finaliste du mondial mexicain, finaliste de la Coupe d’Europe des nations, médaille de bronze des JO, est un gros morceau pour l’équipe de France. Mais celle-ci s’impose toutefois 1-0 sur un but de Bereta à l’heure de jeu. Oleg Blokhine, dont c’est la neuvième sélection alors qu’il n’a pas encore vingt ans, est sorti à la 66e minute.
Les deux formations se retrouvent le 26 mai 1973 au stade Lénine de Moscou. La France de Georges Boulogne est en bien mauvaise posture après avoir manqué ses deux matchs contre l’Irlande. Elle doit s’imposer sur le terrain de l’URSS pour espérer poursuivre sa route vers le mondial allemand. A dix minutes du coup de sifflet final, le score est toujours à 0-0. Mais l’équipe de France, curieusement, joue de manière attentiste au lieu d’attaquer. Les Soviétiques, pour qui un match nul suffit, se contentent de gérer le match, et c‘est Oleg Blokhine lui-même qui prend Dominique Baratelli à défaut et ouvre le score. Trois minutes plus tard, son coéquipier Vladimir Onishchenko l’imite et met définitivement fin aux espoirs de l’équipe de France.
Ce sera le dernier match de Georges Boulogne à la tête des Tricolores. Quant à l’équipe soviétique, on ne la verra pas en Allemagne, ayant refusé de disputer en septembre 1973 un barrage au Chili, suite au coup d’Etat du général Pinochet.
Le dribble de trop
C’est surtout le Dynamo Kiev qui a fait la légende d’Oleg Blokhine. Alors que l’URSS est absente des Coupes du monde 1974 et 1978, le club ukrainien, multiple champion d’URSS, se lance à la conquête de l’Europe et remporte la Coupe des Coupes en 1975. Son attaquant vedette remporte peu après le Ballon d’Or du meilleur footballeur européen au nez et à la barbe des favoris Franz Beckenbauer et Johan Cruyff.
La France tremble alors pour l’AS Saint-Etienne qui doit rencontrer le phénomène au printemps 1976 dans le cadre des quarts de finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions. Blokhine inscrit aux Verts un but au match aller à Simferopol (2-0), mais rate l’occasion décisive au match retour à Geoffroy-Guichard alors que le score est de 0-0, commettant le dribble de trop face à Christian Lopez…
C’est alors avec curiosité que le public du Parc des Princes observe la performance d’Oleg Blokhine le 8 octobre 1977 quand l’URSS vient affronter la France pour un match amical. Christian Lopez est absent, c’est son coéquipier Gérard Janvion qui prend l’affaire en charge. Non sans éprouver quelques difficultés. L’attaquant ukrainien fait un grand match. Deux fois les Soviétiques tirent sur la barre, deux fois Blokhine est à la reprise, deux fois le gardien André Rey arrête. Michel Platini ne sera pas en reste qui enverra un tir sur la barre en deuxième mi-temps. Score final : 0-0.
Les Bleus de Michel Hidalgo sont appelés en mai 1980 pour un match amical au stade Lénine de Moscou pour servir de sparring-partner à une équipe qui prépare ses Jeux Olympiques. Mais Oleg Blokhine est absent. Le sélectionneur soviétique n’a d’ailleurs appelé aucun joueur du Dynamo Kiev. L’ancien Ballon d’Or traverse par ailleurs une longue période de doutes, ou s’accumulent les blessures et les contre-performances, au point que sa titularisation dans le onze soviétique n’est plus une évidence. Mais alors qu’on le dit fini, l’attaquant ukrainien retrouvera son meilleur niveau. Moins rapide mais plus collectif, il sera présent pour la Coupe du monde en Espagne, la première à laquelle participe l’équipe d’URSS depuis 1970.
Nouvelle génération
Neuf mois après le mondial espagnol, que l’URSS a terminé aux portes des demi-finales, Oleg Blokhine retrouve le Parc des Princes pour un nouveau match amical contre l’équipe de France. L’attaquant ukrainien démontre alors qu’il est redevenu un grand joueur. Associé aux avant-postes à Sergueï Rodionov, il donne bien du fil à retordre aux hommes de Michel Hidalgo et même s’il ne marque pas, il contribue à l’excellent match nul de son équipe (1-1).
La Coupe d’Europe des clubs donne à Oleg Blokhine et au Dynamo Kiev l’occasion d’un nouveau voyage en France en septembre 1983. Ils découvrent une petite ville de 50.000 habitants, Laval, et une équipe en orange qui à la surprise générale terrasse le club ukrainien au premier tour de la Coupe de l’UEFA. Pourtant, cette équipe des Zavarov, Kuznetsov, Baltacha, Demyanenko et bien entendu Blokhine allait redevenir sous peu l’une des formations les plus redoutables du continent. Elle remportera la Coupe des Coupes en 1986 et constituera l’ossature de l’équipe d’URSS que la France va retrouver en Coupe du monde.
Les deux sélections sont en effet opposées le 5 juin 1986 au Camp Nou de Léon pour le premier tour du Mondial mexicain. Oleg Blokhine accuse déjà 34 ans, et n’est plus aux yeux de Valeri Lobanovski qu’un remplaçant de luxe. Face aux français, l’ancien Ballon d’Or entre à l’heure de jeu pour sa 105e sélection, mais ne parvient pas à infléchir le cours du match, terminé sur un score nul (1-1).
En octobre 1986, la France retrouve l’URSS au Parc des Princes, cette fois dans le cadre des éliminatoires de l’Euro 1988. Les Soviétiques, impressionnants de maîtrise collective, s’imposent 2-0. Oleg Blokhine ne fait son entrée que dans les dix dernières minutes. Il s’agit de sa 109e sélection. C’est la quatrième fois qu’il affronte les Bleus au Parc des Princes. La sixième fois en tout.
Renaissance d’une nation
Oleg Blokhine connaît sa 112e et dernière sélection en 1988, alors qu’il est âgé de 36 ans. Il poursuivra sa carrière jusqu’en 1990, ce qui lui permettra de profiter des premiers effets de la Perestroïka [1] et de jouer à l’étranger, au SK Vorwärts Steyr (Autriche) puis à l’Aris Limassol (Chypre).
L’ancien attaquent débute sa carrière d’entraîneur en Grèce à l’Olympiakos du Pirée, d’où il apprend le démembrement de l’empire soviétique et l’indépendance de son pays, l’Ukraine. Après plus de dix ans passés à entraîner des clubs du championnat grec, il est appelé à prendre en main la sélection ukrainienne. C’est avec lui que celle-ci connaîtra sa première phase finale de Coupe du monde en 2006.
Curieusement, son parcours de sélectionneur, comme celui du joueur, va l’amener à rencontrer plusieurs fois l’équipe de France. Le 6 juin 2004, sa sélection se rend au Stade de France comme sparring-partner d’une équipe de France en pleine préparation de l’Euro 2004. La sélection jaune et bleue résiste jusqu’à trois minutes de la fin où Zinédine Zidane marque le seul but du match.
Rendez-vous manqués
Les deux sélections se retrouvent en éliminatoires de l’Euro 2008, le 2 juin 2007 à Saint-Denis, puis le 21 novembre à Kiev. Au stade de France, les hommes de Raymond Domenech s’imposent 2-0, buts de Ribéry et Anelka. Cinq mois plus tard, les deux équipes se neutralisent (2-2), un match nul qui qualifie l’équipe de France. L’Ukraine éliminée, Oleg Blokhine quitte ses fonctions de sélectionneur.
En 2011, il est rappelé suite à une valse ininterrompue de sélectionneurs pour reprendre en main une sélection à la dérive alors qu’elle doit accueillir, avec la Pologne, l’Euro 2012. Le 7 juin 2011, elle reçoit l’équipe de France à Donetsk, et celle-ci lui inflige un sévère 4-1, buts de Kevin Gameiro, Younes Kaboul et Marvin Martin (doublé).
Les deux formations se retrouvent au Donbass Arena de Donetsk au premier tour de l’Euro 2012. Un match resté dans les mémoires pour avoir été longtemps arrêté en raison d’un orage qui s’est abattu sur le stade. A la reprise, les hommes de Laurent Blanc s’imposent à nouveau (0-2) sur des buts de Jérémy Ménez et Yohan Cabaye. Son équipe éliminée dès le premier tour de son Euro, Oleg Blokhine quitte une nouvelle fois le banc, jurant cette fois qu’on le l’y reprendra plus.
Joueur de l’URSS
Oleg Blokhine a connu 112 sélections en équipe d’URSS entre 1972 et 1988, dont six contre l’équipe de France. C’est l’équipe occidentale qu’il a rencontré le plus souvent [2]. Son bilan de joueur face aux tricolores est de 2 victoires, 3 matchs nuls et 1 défaite. Il n’a inscrit qu’un seul but.
Sélectionneur de l’Ukraine
Oleg Blokhine a rencontré cinq fois l’équipe de France en tant que sélectionneur de l’équipe d’Ukraine. Il a été opposé à Jacques Santini, à Raymond Domenech et à Laurent Blanc. Bilan : 1 match nul et 4 défaites, 3 buts marqués et 11 encaissés.