Une histoire des qualifications à l’Euro

Publié le 10 janvier 2024 - Bruno Colombari

Les Bleus ont obtenu neuf fois leur qualification sur le terrain pour une phase finale de championnat d’Europe des Nations, pour six éliminations et deux participations en tant que pays organisateur. Voici comment ils se sont qualifiés, contre qui et avec quelle marge.

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En 17 éditions du championnat d’Europe des Nations, l’équipe de France en a participé à 11 (1960, 1984, 1992, 1996, 2000, 2004, 2008, 2012, 2016, 2020 et 2024) et en a manqué 6 (1964, 1968, 1972, 1976, 1980 et 1988). Comment se sont passées les onze fois où elle s’est qualifiée ? Contre quels adversaires ? Avec quelle marge ?

Entre 1960 et 1976, le principe était le suivant : une phase qualificative soit par groupes soit par élimination directe en aller-retour, suivie d’un quart de finale en mars en aller-retour et d’un mini-tournoi final en juin ou juillet chez l’un des quatre qualifiés avec des demi-finales sur un seul match, un match de classement et une finale. Vous avez reconnu le principe de la Ligue des Nations ? C’est normal, il a été calqué dessus sans la phase des quarts de finale, laquelle sera rétablie pour l’édition prochaine, en 2025.

Pour l’équipe de France des années 1960-1970, entrer dans le dernier carré européen était au-dessus de ses forces. Hormis en 1960 : sur la lancée de la Coupe du monde 1958, les Tricolores ne laissent aucune chance à une faible Grèce : 7-1 en octobre 1958 avec trois doublés de Vincent, Fontaine et Cisowski et un but de Kopa. Et 1-1 en décembre. En quarts de finale, dont l’aller se joue un an plus tard, la note est encore très salée face à l’Autriche : 5-2 à l’aller (triplé de Fontaine, doublé de Vincent) et 4-2 à Vienne en mars 1960. Choisie pour accueillir la première édition, l’équipe de France sera battue en juillet en demi-finale par la Yougoslavie, 4-5 et perdra la troisième place contre la Tchécoslovaquie, 0-2.

Les quatre éditions suivantes seront autant d’échecs, même si en 1964 et en 1968, les Bleus atteindront les quarts de finale.

A partir de 1980, le format change : le tournoi final se joue à huit avec deux groupes de quatre, un match de classement opposant les deuxièmes et une finale pour les premiers. Ce sera en Italie et sans les Bleus, qui calent dès la phase qualificative à cause d’un match nul initial contre la Suède à domicile en septembre 1978, avec un but encaissé à la 90e minute (2-2). Les Bleus caleront une deuxième fois en 1988, mais depuis, ils n’ont manqué aucune des neuf éditions suivantes, auxquelles il faut ajouter celles de 1984 et de 2016, les Bleus étaient qualifiés d’office en tant que pays organisateur. Un privilège qui n’existe que depuis 1980 et que la France est la seule nation européenne à en avoir bénéficié deux fois. Elle sera rejointe en 2024 par l’Allemagne, qui a déjà accueilli l’édition 1988. Comment se sont passées les huit phases qualificatives victorieuses ?

1992 : un grand huit historique

1. France 16 (8 victoires, 20 buts pour, 6 buts contre)

Islande 2-1, *3-1
Tchécoslovaquie *2-1, 2-1
Albanie 1-0, *5-0
Espagne *3-1, 2-1

Placée dans un groupe difficile, avec une Espagne de haut niveau et une Tchécoslovaquie redoutable, les Bleus de Michel Platini déjouent tous les pronostics et réussissent un carton plein avec huit victoires sur huit, vingt buts marqués et six encaissés. Non seulement ils s’imposent lors de tous leurs matchs à domicile, mais ils vont aussi chercher des victoires à l’extérieur, d’abord à Reykjavik, puis à Tirana, avant de finir proprement le travail à Bratislava et à Séville à l’automne 1991, provoquant la dernière élimination de l’Espagne en phase finale jusqu’à ce jour. Le duo Papin (9 buts) Cantona (3) fait des étincelles, tout comme Franck Sauzée (3). Papin remporte le Ballon d’Or 1991 et les Bleus partent grands favoris en Suède, mais ils échouent dès le premier tour.

1996 : un démarrage diesel, une fin turbo

1.Roumanie 21
2.France 20 (5 victoires et 5 nuls ; 22 buts pour, 2 buts contre)

Cette fois, ça semble jouable pour Aimé Jacquet nouvellement promu sélectionneur à la suite du désastre de l’automne 1993. Roumanie, Slovaquie, Pologne, Israël et Azerbaïdjan, ce n’est pas très glamour mais avec deux places qualificatives (l’Euro 1996 va se jouer à 16), une élimination serait très mal vécue, alors que les Bleus ont la Coupe du monde 1998 qu’ils vont jouer à domicile en ligne de mire.

Slovaquie 0-0, *4-0
Roumanie *0-0, 3-1
Pologne 0-0, *1-1
Azerbaïdjan 2-0, *10-0
Israël 0-0, *2-0

Pourtant, rien ne va lors des cinq premiers matchs : quatre d’entre eux se terminent sur le score soporifique de 0-0, la seule victoire étant seule acquise (sur le terrain neutre de Trabzon, en Turquie) face à l’Azertbaïdjan, sous un déluge qui transforme le terrain en bourbier et devant 533 spectateurs. Le rêve.

L’année 1995 sera meilleure (ce n’est pas difficile) : une belle victoire à Nantes contre la Slovaquie (4-0) lance enfin l’équipe de France qui se fait quand même très peur en août contre la Pologne au Parc (1-1), Youri Djorkaeff sauvant la patrie en égalisant sur coup franc à trois minutes de la fin. Puis c’est les vannes ouvertes contre l’Azerbaïdjan à Auxerre (10-0, avec un doublé de Lebœuf) avant le match fondateur pour la génération 1998, celui de Bucarest en octobre : 3-1 dans une ambiance électrique. Pas suffisant pour décrocher la première place, mais qu’importe. A l’Euro en Angleterre, les Bleus sortent du premier tour mais retombent dans leurs travers de 1994 en ne marquant pas le moindre but (sans en encaisser non plus) pendant quatre heures consécutives (0-0 en quart et en demi contre les Pays-Bas et la République tchèque, qualification puis élimination aux tirs au but).

2000 : la grande frayeur de juin

1. France 21 (6 victoires, 3 nuls, 1 défaite ; 17 buts pour, 10 contre)
2. Ukraine 20

Tout frais champions du monde, les Bleus abordent sans inquiétude la phase qualificative pour l’Euro en Belgique et aux Pays-Bas. Aucun de leurs cinq adversaires n’était présent en 1998, mais attention, seule la première place est directement qualificative : la deuxième ne donne accès qu’à des barrages aller-retour.

Islande 1-1, *3-2
Russie 3-2, *2-3
Andorre *2-0, 1-0
Ukraine *0-0, 0-0
Arménie *2-0, 3-2

Le premier match nul initial à Reykjavik (1-1) en septembre 1998 donne le ton : rien ne sera facile, et les Bleus étoilés seront attendus partout au coin du bois. Ils s’imposent en Russie (3-2) et poussivement contre Andorre (2-0), ce qui leur permet de voir venir, mais ils ne marquent rien contre l’Ukraine de Chevtchenko (0-0 à Saint-Denis, même chose à Kiev), et s’ils font le plein contre l’Arménie, sans grosse marge, les voilà qu’ils tombent à domicile contre la Russie en juin 1999. La pression est maximale avant d’affronter Andorre à Barcelone, et les Bleus réduits à dix attendent la 86e minute pour prendre l’avantage, sur un pénalty de Lebœuf. Ils se feront également une dernière frayeur en octobre contre l’Islande, revenue de 2-0 à 2-2 en neuf minutes, mais David Trezeguet, que Roger Lemerre avait renvoyé en Espoirs, sauve la mise. Pendant ce temps à Moscou, dans un Russie-Ukraine décisif, Chevchenko offre la première place aux Français en égalisant à la 88e, repoussant les Russes de la première à la troisième place. Ouf !

2004 : un deuxième grand huit facile

1. France 24 (8 victoires, 29 buts pour, 2 buts contre)
2. Slovénie 14

Jacques Santini récupère des Bleus traumatisés par leur cuisante élimination au premier tour de la Coupe du monde 2002, mais il hérite aussi d’un tirage très favorable : un groupe de cinq avec la Slovénie, Israël, Chypre et Malte. Même si seule la première place est directement qualificative, elle semble largement à la portée de l’équipe de France.

Chypre 2-1, *5-0
Slovénie *5-0, 2-0
Malte 4-0, *6-0
Israël 2-1, *3-0

Ça ne pouvait pas plus mal commencer à Nicosie contre Chypre, où les fantômes de 1988 rôdent encore : les locaux ouvrent le score avant le quart d’heure de jeu, mais cette fois, les Bleus réagissent et l’emportent de manière étriquée (2-1). Le soulagement est tel que la Slovénie en fait les frais en octobre, avec une victoire éclatante (5-0) qui donne le ton de cette campagne menée tambour battant, avec 29 buts en 8 matchs. Malte en prend dix en deux rencontres (dont quatre signés Henry), Israël met un petit coup de pression à Palerme (victoire 2-1 en avril) et ça repart avec un 5-0 contre Chypre à l’automne, suivi d’une victoire en Slovénie et d’une dernière, histoire de rééditer le grand huit de 1990-1991, contre Israël en octobre au Stade de France (3-0). Les fantômes sont partis, mais les Bleus n’iront pas très loin huit mois plus tard au Portugal, où ils tomberont contre la Grèce en quart de finale.

2008 : les Ecossais, deux fois !

1. Italie 29
2. France 26 (8 victoires, 2 nuls, 2 défaites ; 25 buts pour, 5 buts contre)

Retrouver le champion du monde sortant dès la phase qualificative de l’Euro, ce n’est certainement pas un cadeau, surtout au sein d’un groupe de 7 avec donc 12 matchs à disputer, un record qui tient toujours. Mais les deux premières places sont directement qualificatives. Il va falloir faire attention à l’Ecosse et l’Ukraine et prendre tous les points possibles contre la Lituanie, la Géorgie et les Féroé. Le tout sans Zidane et Barthez, qui ont quitté la sélection après la Coupe du monde.

Géorgie 3-0, *1-0
Italie *3-1, 0-0
Ecosse 0-1, *0-1
Féroé *5-0, 6-0
Lituanie 1-0, *2-0
Ukraine *2-0, 2-2

Bien, mais trop tard : quand les Bleus battent l’Italie 3-1 au Stade de France (avec un doublé de Govou) quatre jours après s’être imposés en Géorgie, on se dit qu’il y a de quoi avoir d’immenses regrets. Les Ecossais n’en ont aucun un mois plus tard et battent les vice-champions du monde dans un Hampden Park en fusion. C’est la première défaite des Bleus en qualification depuis juin 1999 et 24 matchs consécutifs (18 victoires, 6 nuls). C’est donc un petit événement, qui ne prête pas trop à conséquences jusqu’en septembre 2007 où les Bleus vont chercher un bon match nul à Milan (0-0). Mais ils rechutent contre les Ecossais au Parc, où McFadden bat Landreau de loin (0-1). Deux défaites en phase qualificative, il faut remonter à l’automne 1993 pour voir une chose pareille, et ça s’est mal terminé. Heureusement, l’Ecosse perd ses deux derniers matchs, en Géorgie et à domicile contre l’Italie (à la 9e minute, 1-2). Les Bleus accrochent la deuxième place du groupe et se qualifient pour l’Euro 2008, d’où ils se feront éjecter dès le premier tour après deux défaites contre les Pays-Bas, et encore l’Italie.

2012 : abonnés au 2-0

1. France 21 (6 victoires, 3 nuls, 1 défaite ; 15 buts pour, 4 contre)
2.Bosnie 20

En 2010, on revient à la formule précédente : seul le premier de chaque groupe est directement qualifié, ainsi que le meilleur deuxième. Les autres deuxièmes participent à un barrage. Le tirage au sort a encore une fois été clément pour les Bleus qui héritent de la Bosnie et de la Roumanie comme adversaires principaux, la Biélorussie, l’Albanie et le Luxembourg complétant le tableau.

Biélorussie *0-1, 1-1
Bosnie 2-0, *1-1
Roumanie *2-0, 0-0
Luxembourg *2-0, 2-0
Albanie 2-1, *3-0

C’est une douche froide qui s’abat sur les larges épaules de Laurent Blanc : pour son premier match de compétition en tant que sélectionneur, il s’incline à domicile face à la Biélorussie (0-1) sur un but encaissé à quatre minutes de la fin. Cette entame catastrophique passée, les choses s’améliorent avec quatre victoires consécutives sur le même score (2-0) contre le Luxembourg deux fois, en Bosnie et face à la Roumanie. Mais le retour contre la Biélorussie accouche d’une nouvelle déception (1-1) avec un but d’Abidal contre son camp. Il faudra donc écoper jusqu’au bout, avec un duel serré contre la Bosnie qui sera même virtuellement première pendant près de quarante minutes lors du dernier match, jusqu’à l’égalisation de Nasri sur pénalty (1-1). Laborieux. L’Euro 2012 ne sera pas meilleur, avec deux défaites lors du troisième match (Suède) et en quart de finale (Espagne).

2020 : l’exception turque

1. France 25 (8 victoires, 1 nul, 1 défaite ; 25 buts pour, 6 contre)
2. Turquie 23

Le passage à 24 qualifiés entraîne une nouvelle modification du règlement : les deux premiers de groupe sont qualifiés directement et le troisième est barragiste. Avec la Turquie, l’Islande, l’Albanie, Andorre et la Moldavie, la France est plutôt bien lotie et relativement à l’abri d’une déconvenue, surtout avec son statut de championne du monde.

Moldavie 4-1, *2-1
Islande *4-0, 1-0
Turquie 0-2, *1-1
Andorre 4-0, *3-0
Albanie *4-1, 2-0

En faisant le plein d’entrée en Moldavie et contre l’Islande (six points, huit buts), les Bleus déroulent un scénario facile. Un peu trop facile, la Turquie les attendant au tournant à Konya où elle les surclasse en une mi-temps (0-2). L’avertissement est pris au sérieux, et les seuls points perdus jusqu’à la fin seront à nouveau contre la Turquie en octobre (1-1), sans compromettre une qualification relativement tranquille avec huit victoires en dix matchs. Mais il faudra attendre vingt mois pour jouer l’Euro, en juin 2021, où après un succès probant contre l’Allemagne à Munich, les Bleus renforcés par Benzema vont perdre le fil en enchaînant trois nuls et en échouant aux tirs au but contre la Suisse en huitièmes de finale. Le plus mauvais résultat en tournoi depuis 2010…

2024 : les mains dans les poches

1. France 22 (7 victoires, 1 nul ; 29 buts pour, 3 contre)
2. Pays-Bas 18

Le tirage au sort semblait favorable, et pour une fois c’est ce qui s’est passé. Comme on pouvait s’en douter, la France et les Pays-Bas se sont qualifiés sans trop de souci. Les Bataves n’ont perdu des points que face aux Bleus (six sur six, quand même) quand ces derniers en ont laissé filer deux, face à la Grèce au dernier match alors que la qualification était déjà acquise.

Pays-Bas *4-0, 2-1
Irlande 1-0, *2-0
Gibraltar 3-0, *14-0
Grèce *1-0, 2-2

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Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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