Premier cas : We Are the Champions
27 juin 1984. Parc des Princes. Après un peu plus de huit ans à la tête des Bleus, Michel Hidalgo s’en va en pleine gloire. Il aura fallu quatre-vingts ans à l’équipe de France pour ouvrir son palmarès et elle l’a fait avec la manière : une demi-finale renversante face au Portugal et une finale gagnée avec la calculette (et une bonne dose de réussite) contre l’Espagne. Bref, la synthèse parfaite entre l’amour du jeu importé de Séville et le réalisme froid qui resservira à Guadalajara. On propose à Hidalgo le ministère des Sports, qu’il refuse, contrairement à d’autres plus tard, hélas.
12 juillet 1998. Saint-Denis. Il ne lâche pas son cahier à la couverture noire, comme s’il avait besoin de s’accrocher à quelque chose au moment d’entrer dans la quatrième dimension. Vilipendé par la presse depuis plusieurs mois, Aimé Jacquet lui réserve un peu de bile après match, mais pour lui l’heure de la béatification est arrivée.
Deuxième cas : I Will Survive
6 juin 1978. Buenos Aires. Contre l’Argentine, pour la deuxième journée du groupe dit de la mort, les Bleus d’Hidalgo ont le mauvais œil. Juste avant la mi-temps, Marius Trésor se jette dans son exercice favori, le tacle glissé, et touche le ballon de la main. En deuxième mi-temps, Platini égalise et Six a une balle de 2-1 qu’il vendange. De l’autre côté, Bertrand-Demanes heurte du dos le montant de sa cage et doit sortir sur une civière. Son remplaçant, Baratelli, encaissera un second but synonyme d’élimination. Michel Hidalgo, décidé un mois avant la Coupe du monde à jeter l’éponge après une tentative d’enlèvement, se laisse finalement convaincre de continuer.
16 juin 1987. Oslo. Les Bleus bouclent une saison d’une remarquable médiocrité : une victoire, deux nuls et deux défaites. La victoire contre la Norvège à Oslo est indispensable. Mais Platini vient d’arrêter sa carrière, le terrain est boueux et rien ne va. Battue 0-2 avec notamment une grosse erreur de Bats qui manque une interception au pied, l’équipe de France peut tirer un trait sur l’Euro 88 en Allemagne. Henri Michel reste toutefois en place moyennant un aménagement du calendrier (18 clubs au lieu de 20, suppression des aller-retour en coupe de France).
29 avril 1989. Paris. Les éliminatoires du Mondiale 90 en Italie ont commencé depuis huit mois et déjà c’est le match de la dernière chance. Platini sélectionneur a accumulé les contre-performances (2-3 en Yougoslavie, 0-0 contre l’Eire, 0-2 en Ecosse) et le match contre la Yougoslavie de Susic, qui est chez lui au Parc, doit être gagné pour éviter une élimination précoce. Il ne l’est pas (0-0), même si Didier Deschamps fête sa première sélection en remplaçant Xuereb. Platini avait promis qu’il démissionnerait en cas de non-qualification pour l’Italie, mais il reste en place. Il a déjà tout compris de la politique.
17 juin 2008. Zurich. Les Bleus quittent l’Euro sur une triste défaite face à des Italiens pourtant pas impressionnants. Ribéry blessé d’entrée, Abidal qui provoque un pénalty et écope d’un carton rouge, Henry qui détourne la frappe de De Rossi sur le deuxième but, rien ne va. Histoire d’en ajouter une couche, Raymond Domenech déclare sa flamme à Estelle Denis après le match et la demande en mariage. Malgré les critiques (pas toujours infondées) qui pleuvent dru, la FFF le maintient en place le 3 juillet, son contrat courant jusqu’en 2010. Les deux années qui suivent seront une lente descente aux enfers pour un sélectionneur qui ne maîtrise plus grand chose.
Troisième cas : The Final Cut
22 octobre 1988. Nicosie. En sursis depuis l’affaire Cantona (suspendu un an d’équipe nationale après avoir traité le sélectionneur de sac à merde), Henri Michel ne sait pas encore ce qui l’attend au sortir du calamiteux match nul (1-1) concédé à Chypre et qui compromet déjà la qualification pour la Coupe du monde 1990. Le putsch vient de Bordeaux où le président Claude Bez contacte directement Michel Platini pour lui demander de prendre en mains les Bleus. Ce dernier accepte et Jean Fournet-Fayard, à la tête de la fédération, entérine le coup fourré.
17 novembre 1993. Paris. Ginola, le coup-franc, Kostadinov, le tir sous la barre de Lama, air connu. Le ciel tombe sur la tête de Gérard Houllier, à qui il faudra des années pour s’en remettre. Dans une ambiance détestable (règlements de comptes entre Parisiens et Marseillais, tergiversations de Jean Fournet-Fayard), il se passe une bonne semaine avant que le sélectionneur ne consente à céder sa place après seulement quinze mois et douze matches. Jamais la Coupe du monde 1998 n’avait paru aussi lointaine.
11 juin 2002. Incheon. Jamais sans doute l’écart ne fut aussi grand, en un siècle d’histoire, entre l’attente suscitée par une équipe qui marche sur l’eau et la réalité du terrain. Dépassés dans le jeu par une sélection danoise qui profite des largesses de la défense, les Bleus sortent en lambeaux d’un tournoi mondial qui leur semblait acquis. Mais Roger Lemerre, dont le contrat a été prolongé par le président Simonet quelques semaines auparavant, n’a pas l’intention de partir. Il faudra attendre le conseil fédéral de juillet pour voir la Fédération trancher.
Quatrième cas : Hello Goodbye
17 juin 1992. Malmö. Sans avoir donné l’impression de l’avoir vraiment commencé, les Bleus de Platini quittent l’Euro suédois par la petite porte après deux nuls contre la Suède (1-1) et l’Angleterre (0-0) et une défaite face au Danemark (1-2) dont les joueurs ont interrompu leurs vacances pour remplacer la Yougoslavie dix jours avant le début du tournoi. C’est le 2 juillet, jour de l’annonce de l’attribution de la Coupe du monde 1998 à la France, que Platini démissionne. À lui le comité d’organisation, le comité exécutif de la FIFA puis la présidence de l’UEFA.
25 juin 2004. Lisbonne. Privés de Vieira, en panne d’inspiration offensive et piégés par une équipe grecque coriace, les Bleus de Santini concèdent leur première défaite en compétition depuis deux ans au plus mauvais moment. Le sélectionneur a déjà la tête ailleurs, à Tottenham où il s’est engagé avant même le début de l’Euro, la Fédération lui ayant refusé une prolongation de contrat. Il ne fera qu’y passer.
22 juin 2010, Bloemfontein. La fin du long mandat de Raymond Domenech se termine en eau de boudin : performances désastreuses, renvoi de Nicolas Anelka après l’altercation à la mi-temps de France-Mexique, grève des joueurs à Knysna et en guise de bouquet final, refus de Domenech de serrer la main au sélectionneur Carlos Alberto Parreira après une ultime défaite contre l’Afrique du Sud. Son contrat se terminant le 31 juillet 2010, Raymond Domenech quitte la sélection avant d’être licencié par la fédération en septembre pour faute grave.
23 juin 2012, Donetsk. La longue série d’invincibilité de l’équipe de Laurent Blanc n’aboutit à rien : après une victoire prometteuse contre la Suède, les Bleus passent à travers face à la Suède et refusent le jeu contre l’Espagne. Plus que les deux défaites, c’est l’état d’esprit de certains joueurs (et un niveau d’ensemble décevant) qui a probablement convaincu Laurent Blanc qu’il n’arriverait pas à amener cette équipe au plus haut niveau d’ici 2016.