Juillet, ses feux d’artifice et ses tragédies grandioses

Publié le 31 juillet 2021 - Bruno Colombari

Mois le plus pauvre de l’année en matches des Bleus, juillet est aussi celui de Séville, Saint-Denis, Rotterdam, Berlin et Moscou : sommets du jeu, montagnes russes émotionnelles, larmes et champagne, fêtes nationales et soirs de drame. Mais pas en 2021.

4 minutes de lecture
Mise à jour d’un article initialement paru en juillet 2011.

A quoi bon jouer un match international en juillet ? Le septième mois de l’année est celui de tous les paradoxes : c’est celui où les Bleus se font les plus rares, comme en janvier (27 apparitions en 116 ans), mais c’est aussi celui des plus beaux souvenirs, comme Montevideo en 1930 (premier match de l’histoire de la coupe du monde, contre le Mexique) Séville en 1982 (premier match de coupe du monde terminé aux tirs au but, contre la RFA), Saint-Denis en 1998 (premier titre mondial), Rotterdam en 2000 (titre européen acquis au but en or contre l’Italie) et Moscou en 2018 (second titre mondial), auxquels on pourrait ajouter, pour faire bonne mesure, Francfort en 2006 et les vrais adieux de Zidane face au Brésil.

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Des dates absurdes pour des amicaux oubliés

Evacuons tout de suite les deux malheureux matches amicaux de début de saison, disputés en 1993 et en 1995 (victoire 3-1 contre la Russie à Caen et nul 0-0 à Oslo contre la Norvège) à des dates tellement absurdes que l’expérience n’a jamais été renouvelée. Restent 25 matches de compétition, et à ce moment-là de l’année, ce sont exclusivement des rencontres de phases finales.

Le premier match joué en juillet est donc celui contre le Mexique en 1930 en Uruguay, pour la toute première coupe du monde. La victoire initiale (4-1) ne suffira pas pour sortir du premier tour avec deux défaites serrées face à l’Argentine (0-1) et au Chili (0-1).

En 1960, l’équipe de France dispute la première coupe d’Europe des Nations, créée sur le modèle de la compétition par clubs qui existe depuis quatre ans. Après avoir sorti la Grèce (7-1 et 1-1) et l’Autriche (5-2 et 4-2), la France se retrouve dans le dernier carré qui se dispute alors chez l’un des demi-finalistes, en élimination directe sur un match. Mais Kopa, Fontaine, Kaelbel, Piantoni et Remetter sont forfaits.

Au Parc, les Bleus dominent la Yougoslavie et mènent 4-2 à un quart d’heure de la fin. L’affaire semble pliée, mais le gardien Georges Lamia perd soudainement les pédales et encaisse trois buts en cinq minutes sur trois erreurs individuelles. Battus 4-5, les Bleus laissent filer le match pour la troisième place contre la Tchécoslovaquie (0-2) à Marseille.

6 juillet 1960, France-Yougoslavie (4-5)
Sans le son, admirez le sang-froid de la défense française (maillot foncé) menant 4-2 à un quart d’heure de la finale.

Six ans plus tard, c’est un 13 juillet que l’équipe de France débute la Coupe du monde anglaise, mais il n’y a pas de feu d’artifice face à un Mexique prenable (1-1). Mal organisés, sans idée directrice et sans grand joueur, les Bleus laissent filer la qualification contre l’Uruguay (1-2) et l’Angleterre (0-2).

Une victoire, un nul et six défaites : le mois de juillet ne réussit décidément pas à l’équipe de France, qui l’évite donc pendant seize ans. Mais le plus grand reste à venir. Le 4 juillet 1982 à Madrid, la bande à Platini ne fait qu’une bouchée de l’Irlande du Nord, où Giresse s’offre même le petit plaisir d’un but de la tête. Un amuse-gueule pour le 8 juillet, soir du sommet héroïco-dramatique de Séville (voir l’article 8 juillet 1982 : RFA-France), suivi deux jours plus tard d’une défaite sans intérêt contre la Pologne (2-3) pour la troisième place.

Un doublé fin de siècle

En 1998, après deux qualifications au forceps contre le Paraguay et l’Italie, les hommes de Jacquet se lâchent enfin contre la Croatie avec l’invraisemblable doublé de Thuram, puis face au Brésil, inscrivant le 12 juillet dans le patrimoine historique national.

Deux ans plus tard, l’Euro 2000 se joue essentiellement en juin, sauf la finale de Rotterdam. Face à une Squadra Azzura plus offensive que prévu, les Bleus sont au rendez-vous, Lemerre fait jaillir du banc trois cavaliers de l’apocalypse (Pires, Wiltord et Trezeguet) et nous offre un final hitchcockien qui aurait traumatisé dix générations d’Italiens si, en 2006...

2006, c’est la tournée d’adieux de Zidane (les Cahiers du football fabriquent pour l’occasion un T-shirt floqué d’un Good bye Zinedine prémonitoire), et comme les bonnes tournées d’adieux, elle n’en finit pas. Récital funambulesque le 1er juillet contre un Brésil pourtant mieux armé que huit ans plus tôt, réalisme froid le 5 contre des Portugais prétentieux et tragédie en trois actes le 9 à Berlin face à une Italie avide de revanche : panenka presque ratée décommandée aux cardiaques en tout début de match, tête croisée sortie par un réflexe de Buffon en début de prolongations, expulsion pour un coup de boule sur Materazzi en guise d’ultime geste sur un terrain.

Douche froide et averse bénie

Il faudra attendre 2014 pour revoir les Bleus en juillet, mais ils s’inclinent au Maracana contre l’Allemagne au terme d’un quart de finale frustrant (0-1). La revanche arrive deux ans plus tard, avec un doublé de Griezmann à Marseille (2-0) après un joli feu d’artifice en première mi-temps face à l’Islande en quart (5-2). Mais c’est la douche froide à Saint-Denis contre un Portugal pourtant prenable, en finale, la première perdue à domicile et sans marquer le moindre but (0-1).

La leçon aura servi, puisqu’en 2018 en Russie les Bleus de Mbappé plient en neuf jours l’Uruguay en quart (2-0), la Belgique en demi (1-0) et la Croatie en finale (4-2). Le bilan de juillet est désormais positif, avec 13 victoires. Mais comme l’équipe de France a quitté l’Euro le 28 juin, juillet ne bouge pas cette année et reste au niveau de janvier (27), toujours devancé par décembre (28) et août (32). Il n’y aura pas non plus de match ce mois-là en 2022 (puisque la Coupe du monde est décalée à novembre-décembre), ni en 2023. Les prochains attendront donc 2024 avec l’Euro en Allemagne. Mais comme il aura lieu du 7 juin au 7 juillet, il faudra alors entrer dans le dernier carré.

Débutants et finissants en juillet

Ce n’est clairement pas le mois idéal pour faire ses débuts : ils ne sont d’ailleurs que dix dans ce cas. Et encore, quatre d’entre eux ont inauguré le maillot bleu en amical : Makelele et Lebœuf en 1995, Pedros et Dogon en 1993. En compétition, quatre ont été lancés lors des matchs du carré final de la première Coupe d’Europe des Nations en 1960 (Herbin, Taillandier, Stievenard et Siatka), un en quart de finale de l’Euro 2016 (Samuel Umtiti) et un seul en Coupe du monde : Gabriel de Michèle en 1966.

Ils sont un peu plus nombreux à avoir quitté les Bleus en juillet, mais pas tant que ça : Zidane et Barthez en 2006 à Berlin, Cabaye et Mangala en 2016, Larios, Lopez et Girard en 1982 et Boli en 1993.

Les 27 matchs de l’équipe de France joués en juillet

# Date Genre Ville Adversaire score
97 13/07/1930 CM Montevideo Mexique 4-1
98 15/07/1930 CM Montevideo Argentine 0-1
99 19/07/1930 CM Montevideo Chili 0-1
260 06/07/1960 Euro Paris (Parc) Yougoslavie 4-5
261 09/07/1960 Euro Marseille Tchécoslovaquie 0-2
301 13/07/1966 CM Londres Mexique 1-1
302 15/07/1966 CM Londres Uruguay 1-2
303 20/07/1966 CM Londres Angleterre 0-2
418 04/07/1982 CM Madrid Irlande du Nord 4-1
419 08/07/1982 CM Séville Allemagne 3-3
420 10/07/1982 CM Alicante Pologne 2-3
512 28/07/1993 Amical Caen Russie 3-1
529 22/07/1995 Amical Oslo Norvège 0-0
567 03/07/1998 CM Saint-Denis Italie 0-0
568 08/07/1998 CM Saint-Denis Croatie 2-1
569 12/07/1998 CM Saint-Denis Brésil 3-0
596 02/07/2000 Euro Rotterdam Italie 2-1
676 01/07/2006 CM Francfort Brésil 1-0
677 05/07/2006 CM Munich Portugal 1-0
678 09/07/2006 CM Berlin Italie 1-1
783 04/07/2014 CM Rio de Janeiro Allemagne 0-1
808 03/07/2016 Euro Saint-Denis Islande 5-2
809 07/07/2016 Euro Marseille Allemagne 2-0
810 10/07/2016 Euro Saint-Denis Portugal 0-1
837 06/07/2018 CM Nijni Novgorod Uruguay 2-0
838 10/07/2018 CM Saint-Petersbourg Belgique 1-0
839 15/07/2018 CM Moscou Croatie 4-2

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