Une évaluation des onze Euros des Bleus

Publié le 20 août 2024 - Bruno Colombari - 2

Où situer l’Euro 2024 dans la liste des onze championnats d’Europe auxquels les Bleus ont participé depuis 1960 ? Derrière 1984, 2000 et 2016 à coup sûr, mais à quelle place ?

6 minutes de lecture

Il pourrait y avoir trois critères au classement des onze championnats d’Europe auxquels la France a participé. Le premier est évidemment le résultat final. Le deuxième est le niveau des adversaires rencontrés. Le dernier la qualité de jeu, c’est-à-dire ce qui reste dans la mémoire collective indépendamment du résultat.

1. 2000 est au-dessus (15/15)

Si l’on additionne ces trois critères évalués de 1 (mauvais) à 5 (excellent), c’est l’Euro 2000 qui arrive en tête, avec un total parfait de 15. Même si les Bleus n’ont pas fait le plein en terme de victoires (5 sur 6), même s’ils ont encaissé beaucoup de buts (7, un record à l’Euro à égalité avec 1960, à pondérer par le nombre de matchs, même s’ils en ont marqué moins qu’en 1984 et pas plus qu’en 2016. Mais ils ont dominé à la régulière le Danemark (3-0), la République tchèque (2-1) qui avait alors une très bonne équipe et l’Espagne (2-1), qui entamait sa montée en puissance. Et elle a retourné deux matchs mal engagés contre le Portugal (2-1) et l’Italie (2-1), à chaque fois en s’imposant au but en or. Elle a proposé de très beaux moments de jeu, avec un axe Barthez-Desailly-Vieira-Zidane-Henry plus fort que jamais et des buts spectaculaires, comme celui de Henry contre le Danemark, ceux de Zidane et Djorkaeff face à l’Espagne ou encore le tout dernier, signé Trezeguet, face à l’Italie.

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Et pourtant, sa défense, si solide en 1996 (avec Lama) et en 1998, a été moins sereine, même si trois des sept buts encaissés l’ont été lors du match des coiffeurs face aux Pays-Bas avec quatre remplaçants sur cinq postes (et un milieu très déséquilibré) et que deux autres étaient des pénalties (République tchèque et Espagne). Ce qui ne laisse que deux buts encaissés dans le jeu dans des matchs à enjeu. Les deux derniers d’ailleurs, contre le Portugais Nuno Gomes et l’Italien Mauro Delvecchio.

2. 1984 dépendant de Platini (13/15)

En toute logique, l’Euro 1984 vient en deuxième position. Remporté lui aussi, il l’a été grâce à cinq victoires en cinq matchs, cas unique dans l’histoire de l’équipe de France (hormis la Coupe des Confédérations 2003, mais c’est une compétition mineure). Les Bleus y ont marqué plus de buts qu’en 2000 (14 en seulement 5 rencontres) et en a encaissé beaucoup moins (4). Pourquoi deuxième alors ? Tout d’abord par le niveau de l’adversité. Il n’y a eu aucun match facile en 1984 (pas plus qu’en 2000), mais cet Euro s’est joué sans l’Italie (championne du monde), l’Angleterre, l’URSS, la Pologne et les Pays-Bas, ce qui fait beaucoup. Et les Bleus ont évité la RFA (éliminée au premier tour). Sans dévaluer le niveau du Danemark ou du Portugal, qui ont fait tous deux un très beau tournoi, il s’agissait d’équipes à portée des Bleus. Quant à la Belgique ou l’Espagne, elles étaient plus proches, mais ne brillaient pas, à l’époque, dans les phases finales.

Et du côté de la qualité de jeu, 1984 nous a offert deux matchs magnifiques, celui de Nantes face à la Belgique (5-0) et celui de Marseille contre le Portugal (3-2). Mais le premier et le dernier, joués au Parc, ont été laborieux et fermés, avec à chaque fois un but chanceux (tir de Platini dévié par la tête d’un défenseur danois, ballon relâché par le gardien espagnol). Et le troisième, devant la Yougoslavie à Saint-Etienne, a vu les Bleus sérieusement malmenés par des adversaires pourtant éliminés. Enfin, l’équipe de France était très dépendante d’un Michel Platini intouchable (9 buts en 5 matchs). Sans lui, elle n’aurait sans doute pas gagné le tournoi.

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3. 2016 au pied du poteau (11/15)

Si l’ultime enchaînement crochet-tir de Gignac était entré plutôt que d’avoir été repoussé par le poteau de Rui Patricio, 2016 aurait-il pu prétendre à l’une des deux premières places ? Rien n’est moins sûr. Pour le premier Euro à 24, il fallait donc disputer sept matchs, finale comprise. Les trois premiers offraient un plateau relativement facile (Roumanie, Albanie, Suisse) mais les Bleus n’ont remporté les deux premiers qu’aux forceps et sont revenus bredouilles du troisième. Ils ont été menés près d’une heure par l’Irlande en huitième avant de surclasser l’Islande en quart (5-2, avec un 4-0 à la pause) et de sortir l’Allemagne en demi (2-0), pourtant supérieure. Mais ils ont calé en finale contre le Portugal, pourtant loin d’être favori (0-1) et privé très vite de Ronaldo.

D’évidence, l’adversité était moindre qu’en 2000 et en 1984 : hormis l’Allemagne championne du monde en demi, les Bleus partaient favoris à chaque rencontre. Quant à la qualité de jeu, elle a été au rendez-vous en deuxième mi-temps contre l’Irlande, en première face à l’Islande, en deuxième contre l’Allemagne, une fois le score ouvert. Mais le reste a été décevant, avec seulement 6 buts inscrits en 11 mi-temps.

4. 2020 pour Benzema, 1996 pour la défense (8/15)

Avec trois nuls en quatre sorties, l’Euro 2020 n’est pas ce qu’on peut appeler une réussite. Eliminés dès les huitièmes de finale par la Suisse, les Bleus ont clairement échoué, alors qu’ils se présentaient avec le renfort de Karim Benzema, alors à son meilleur niveau. Alors, en quoi cette édition reportée d’un an à cause de la pandémie de Covid et éclatée dans onze villes d’Europe, serait-elle supérieure à 2004 et 2024 ?

Tout d’abord parce qu’avec un premier tour très relevé (Allemagne et Portugal), les Bleus ont eu le mérite d’en sortir en tête, malgré un nul décevant contre la Hongrie. Ils ont tout de même battu l’Allemagne d’entrée à Munich, ce qui n’est pas rien. Ensuite, parce qu’ils ont réussi trois fois à revenir dans un match où ils étaient menés (Hongrie, Portugal et Suisse), voire même à prendre l’avantage lors des deux derniers. Les deux doublés de Karim Benzema ont laissé entrevoir ce que ces Bleus-là, avec Pogba au milieu, auraient pu produire s’ils étaient allés au bout. Et, jusqu’à dix minutes de la fin du temps réglementaire, le France-Suisse en huitième de finale avait été riche en spectacle…

On mettra aussi à ce niveau l’édition 1996, particulièrement soporifique à voir, avec quatre heures de jeu sans but et très peu d’occasions en quart et demi-finale, et un premier tour assez terne malgré deux victoires contre la Roumanie et la Bulgarie. Mais elle aura eu le mérite de poser les bases de la défense de fer de 1998, avec Thuram et Lizarazu prenant la place, pendant le premier tour, d’Angloma et Di Meco.

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6. 1960, 2004 et 2024 dans le même bateau (7/15)

Peu de points de comparaison entre 1960 et les deux éditions distantes de vingt ans, si ce n’est une grosse frustration finale. En 1960, les Bleus ont sorti facilement la Grèce (7-1, 1-1) en huitièmes, et l’Autriche (5-2, 4-2) en quarts. Elle accueille le premier carré final européen, et mène 4-2 face à la Yougoslavie en demi-finale avant de s’effondrer défensivement et d’encaisser trois buts en trois minutes ! Puis de perdre le seul match pour la troisième place joué dans cette compétition, contre la Tchécoslovaquie (0-2)

En 2004, les Bleus sont plutôt percutants offensivement (7 buts inscrits au premier tour), mais friables derrière. Ils donnent l’impression de subir les matchs plutôt que les maîtriser (hormis le troisième face à la Suisse) et passent à travers du dernier, où ils ont donné l’impression de ne jamais trouver de solution face au verrou grec. En 2024, c’est une équipe de France bien plus solide défensivement, mais complètement stérile devant, qui a eu un mal de chien à arracher deux victoires et qui n’a pas su gérer le seul moment où elle a été menée au score, face à l’Espagne. La demi-finale est un trompe-l’oeil. Le point commun entre les éditions 2004 et 2024, est la faible trace qu’elles ont laissé dans les mémoires : de la première, ne reste que l’incroyable doublé de Zidane dans le temps additionnel contre l’Angleterre, de la deuxième on se souviendra du masque de Mbappé.

9. 2012 et ses deux défaites (6/15)

La seule phase finale avec Laurent Blanc sur le banc n’a jamais vraiment commencé. Après un terne match nul en ouverture contre l’Angleterre, les Bleus de la génération 87 (Benzema, Ben Arfa, Nasri, Ménez) battent l’Ukraine mais calent violemment face à la Suède puis contre l’Espagne au cours d’un quart de finale à sens unique. C’est la deuxième fois, après 1960, que les Bleus perdent deux fois d’affilée (et deux fois tout court) lors du même tournoi européen. Comme en 2004 ou en 1992, le sélectionneur n’a plus de prise sur l’équipe et semble déjà ailleurs alors que le tournoi est en cours.

10. 1992, malgré Papin et Cantona (4/15)

Au terme d’une phase qualificative parfaite (8 victoires en 8 matchs), les Bleus de Platini sélectionneurs arrivent en Suède en favoris. Mais rien ne marche malgré la seule apparition à l’Euro de la doublette offensive Papin-Cantona, qui ne laissera quasiment aucun souvenir dans les mémoires. Après deux nuls vraiment pas bons contre la Suède (1-1) et l’Angleterre (0-0), un point qualifieraient les Français face à des Danois venus en touristes et derniers du groupe. Tout va de travers lors de ce troisième match qui sera aussi le dernier d’Amoros, Fernandez et Platini en équipe de France. Mais Petit, Blanc et Deschamps retiendront la leçon pour 1998.

11. 2008, rien à sauver (5/15)

C’est sûrement l’Euro où les Bleus ont touché le fond. Il compte un point de plus que 1992 par le niveau supérieur de ses adversaires, mais là où les hommes de Platini avaient atteint le top 8 (l’Euro ne comptait que huit équipes en phase finale), ceux de Domenech sont éliminés à hauteur du top 16. Déjà, l’année 2007 avait été plutôt inquiétante, et les amicaux de 2008 n’avaient pas levé les doutes. Orpheline de Zidane et de Barthez, l’équipe de France commence par un stressant 0-0 face à la Roumanie en spéculant sur un éventuel retour de Vieira, blessé. Mais le deuxième match contre les Pays-Bas est un désastre collectif (1-4) qui coûtera sa place à Lilian Thuram. Brisés moralement, les Bleus coulent face à l’Italie, avec une blessure d’entrée de Ribéry et l’expulsion d’Abidal dans la foulée. La demande en mariage du sélectionneur Raymond Domenech juste après achèvera le tournoi dans le ridicule.

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Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

Vos commentaires

  • Le 20 août à 19:30, par Victor TIEU En réponse à : Une évaluation des onze Euros des Bleus

    Petits correctifs

    4. 2020 pour Benzema (...)

    « Avec trois nuls en quatre sorties, l’Euro 2020 n’est pas ce qu’on peut appeler une réussite (...) Alors, en quoi cette édition reportée d’un an à cause de la pandémie de Covid et éclatée dans douze villes d’Europe, serait-elle supérieure à 2004 et 2024 ? »

    C’est un détail, mais l’Euro a été finalement organisé sur onze villes.
    https://fr.uefa.com/uefaeuro/histor...

    Autre passage :
    Eliminés dès les huitièmes de finale par la Suisse, les Bleus ont clairement échoué (...).
    jusqu’à dix minutes de la fin du temps réglementaire, le France-Suisse en quart de finale avait été riche en spectacle.

  • Le 21 août à 08:44, par Bruno Colombari En réponse à : Une évaluation des onze Euros des Bleus

    En effet, j’ai corrigé. Merci !

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