5 février 1988 : Le premier France-Maroc

Publié le 13 décembre 2022 - Richard Coudrais

La première confrontation de l’équipe de France A à la sélection du Maroc s’est déroulée au stade Louis II de Monaco, elle a été arbitrée par Michel Vautrot et les Français repartent avec un trophée. Autant dire que tout le monde l’a oubliée.

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L’équipe de France dirigée par Henri Michel a définitivement perdu son titre de championne d’Europe au terme d’un parcours éliminatoire catastrophique : une seule victoire en huit matchs contre l’URSS, la Norvège, la RDA et l’Islande.

Tournoi de France

Afin de remettre le groupe d’aplomb, la fédération profite de la trêve hivernale 1987-1988 pour faire un stage en Israël, ponctué par une rencontre avec la sélection locale, avant d’organiser un petit tournoi dans l’Hexagone, à Toulouse et à Monaco, où sont invitées les sélections d’Autriche, de Suisse et du Maroc.

A Toulouse, la France s’impose 2-1 contre la Suisse tandis qu’en match d’ouverture, le Maroc surprend l’Autriche et l’emporte 3-1. La finale du tournoi oppose donc la France au Maroc le 5 février dans le somptueux petit stade Louis II de Monaco.

C’est seulement la deuxième fois de son histoire que l’équipe de France affronte une sélection africaine. La première était la Tunisie en 1978, dix ans plus tôt. Côté marocain, on compte déjà plusieurs oppositions à la France [1], lesquelles font l’objet d’un succulent article signé Pierre Cazal.

Le Maroc sans ses pros

En 1988, le Maroc est désormais une grande nation de football. Un an et demi plus tôt, au Mexique, elle est devenue la première sélection d’Afrique à passer le premier tour d’une Coupe du monde. Elle est venue en France dans le cadre de sa préparation à la CAN 1988 qu’elle compte bien remporter, puisque l’épreuve est organisée sur son sol, à Casablanca et Rabat. Pour les rencontres en France, le sélectionneur a décidé de se passer de ses professionnels, notamment Krimau, Bouderbala, El Haddaoui et Zaki qui évoluent en Europe.

Du côté de l’équipe de France, l’ambiance n’est pas vraiment au top. Le groupe de vingt joueurs constitué par Henri Michel est tiraillé par la chamaillerie entre Manuel Amoros et Luis Fernandez qui revendiquent tous deux le brassard de capitaine. Le sélectionneur porte son choix sur le premier nommé et met le second sur le banc de touche, tant pour des raisons tactiques que pour lui montrer qui est le patron.

C’est le jeune auxerrois Bruno Martini qui prend place dans les buts, faisant songer Joël Bats à une éventuelle retraite internationale. A l’arrière, la charnière centrale est constituée par Sylvain Kastendeuch et Basile Boli tandis que les ailes sont occupées par le capitaine Amoros, régional de l’étape, et Bernard Casoni, dont c’est la deuxième sélection. Le Toulonnais de 26 ans avait débuté trois jours plus tôt contre la Suisse en remplaçant William Ayache sorti sur blessure.

Tambour battant

Le milieu de terrain est constitué de Fabrice Poullain et Dominique Bijotat avec deux joueurs plus offensifs sur les côtés, Gérald Passi à droite et Jean-Marc Ferreri à gauche. Devant, Henri Michel garde sa confiance au duo Stopyra et Fargeon.

La rencontre est arbitrée par Michel Vautrot. Il est rare que les Bleus soient arbitrés par un compatriote. C’est Gérard Biguet qui avait arbitré la rencontre contre la Suisse. Les deux précédents datent des rencontres de l’équipe de France pendant l’occupation.

La rencontre démarre tambour battant pour les Tricolores. Après neuf minutes, Ferreri déborde sur l’aile gauche et adresse un centre devant le but marocain. Stopyra plonge pour reprendre de la tête. La course du ballon est redressée vers le défenseur Abdelmajid Lemriss qui, surprit, pousse le ballon dans sa propre cage. Les Tricolores prennent l’habitude de marquer très tôt. Contre la Suisse à Toulouse, ils menaient 2-0 après dix minutes de jeu.

Les hommes d’Henri Michel dominent les débats pendant une demi-heure, mais ils se font surprendre dix minutes avant la mi-temps : Bijotat de fait subtiliser le ballon par Lemriss. Le ballon est récupéré par Mustapha Kiddi qui centre de la gauche à la manière de Ferreri. Devant le but de Martini, Boli tente un dégagement mais s’emmêle les pinceaux. Benabicha pousse le ballon vers son coéquipier Lemriss lequel ne laisse pas passer l’occasion. Le défenseur marocain entre dans le cercle fermé des joueurs qui ont marqué, au cours du même match, pour et contre leur camp.

Un trophée pour la France

L’équipe de France devient alors un peu fébrile et la mi-temps n’est pas de trop pour apaiser les esprits. En début de seconde période, les Français répètent un scénario qu’il connaissent bien : débordement de Ferreri sur la gauche, centre devant le but et reprise de la tête de Stopyra, qui cette fois n’a pas besoin d’un défenseur pour marquer.

L’équipe de France mène 2-1 alors qu’il reste quarante minutes à jouer, mais la rencontre va quasiment s’arrêter là. Fernandez remplace Poullain quelques minutes après le but. Yvon Le Roux supplée Boli pour le dernier quart d’heure et enfin, Bellone remplace Stopyra dans les dix dernières minutes.

La France l’emporte 2-1. Une coupe est remise au capitaine Manuel Amoros qui ne s’enflamme pas. Henri Michel est plutôt satisfait de ces deux victoires qui constituent une bonne base de travail en vue de la qualification pour la Coupe du monde 1990. Quant à la sélection marocaine, malgré le renfort de ses professionnels, elle terminera à la quatrième place d’une CAN qu’elle espérait bien remporter.


 

Monaco, stade Louis II, le vendredi 5 février 1988
France bat Maroc 2-1
Buts : Lemriss (9’ csc), Lemriss (34’), Stopyra (49’).
FRANCE  : Martini - Amoros, Kastendeuch, Boli (75’ Le Roux), Casoni - Bijotat, Poullain (52’ Fernandez), Passi, Ferreri - Stopyra (82’ Bellone), Fargeon. Entraîneur : Henri Michel.
MAROC  : Azmi - Hirs, Fadel, Hçina, Lemriss (75’ Bousselham) - Dolmy, Benhabicha, Lachabi, El Gharef - Nader (68’ Haidalou), Kiddi.
Arbitre : Michel Vautrot (France)
10.000 spectateurs
Joueur Âge Poste Sél./Total Club
Bruno Martini 26 ans Gardien 5/31 AJ Auxerre
Manuel Amoros 26 ans Défenseur 52/82 AS Monaco
Basile Boli 21 ans Défenseur 12/45 AJ Auxerre
Sylvain Kastendeuch 24 ans Défenseur 3/9 FC Metz
Bernard Casoni 26 ans Défenseur 2/30 SC Toulon
Dominique Bijotat 27 ans Milieu 6/8 Girondins de Bordeaux
Fabrice Poullain 25 ans Milieu 10/10 Paris Saint-Germain
Gérald Passi 24 ans Milieu 7/11 Toulouse FC
Jean-Marc Ferreri 25 ans Milieu 25/37 Girondins de Bordeaux
Yannick Stopyra 27 ans Attaquant 32/33 Toulouse FC
Philippe Fargeon 23 ans Attaquant 6/7 Girondins de Bordeaux
Remplaçants
Yvon Le Roux 27 ans Défenseur 24/28 Olympique de Marseille
Luis Fernandez 28 ans Milieu 42/60 Matra Racing
Bruno Bellone 25 ans Attaquant 34/34 AS Cannes

Ne sont pas entrés en jeu : Joël Bats, Pascal Despeyroux, Eric Cantona, Jean-Pierre Papin, José Touré.

pour finir...

Sources : Les sites Sélection A, RSSSF, L’Équipe, Wikipédia et FFF + les ouvrages “L’intégrale de l’équipe de France de football” (First édition) de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia ; “L’année du football 1988" (Calmann Levy) de Jacques Thibert.

[1Selon RSSSF, la fédération marocaine comptabilise trois matchs contre le France avant cette rencontre de 1988 : Un Maroc-France B à Casablanca en avril 1963 et deux rencontres des Jeux méditerranéens contre l’équipe de France amateur, en 1967 et 1975. De la même manière que la France comptabilise ses rencontres contre l’équipe d’Angleterre amateur, le Maroc comptabilise les rencontres de son équipe nationale contre les sélections B ou amateurs qu’on lui a opposé.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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