Roi-Baudouin, un stade dans l’histoire des Bleus

Publié le 29 juillet 2020 - Richard Coudrais

Le stade du Roi-Baudouin à Bruxelles, ancien stade du Heysel, ancien stade du Centenaire, est l’enceinte hors de nos frontières où l’équipe de France a disputé le plus grand nombre de rencontres.

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La Belgique est l’adversaire que l’équipe de France a rencontré le plus souvent au cours de son histoire. Les deux sélections ont vécu leur premier match officiel l’une contre l’autre le 1er mai 1904 à Bruxelles et ont pris l’habitude de s’opposer au moins une fois par an (sauf quand la guerre ne le permettait pas) jusqu’à la fin des années soixante. N’ayons pas peur des mots, France-Belgique est un classique du football international.

La tradition d’une opposition annuelle, notamment le 11 novembre ou le jour de Noël, tombe en désuétude dans les années 1970, ce qui n’empêche pas les deux sélections de souvent se retrouver à Paris ou à Bruxelles, mais aussi à Nantes, à Puebla, à Casablanca, à Saint-Petersbourg...

Le stade des Diables Rouges

Contrairement aux sélections de nos autres pays voisins (Allemagne, Italie, Espagne, Suisse...), l’équipe de Belgique n’est pas itinérante. Elle a toujours reçu ses adversaires dans un stade prévu à cet effet à l’instar de la France (Colombes, le Parc, puis le Stade de France) ou de l’Angleterre (Wembley).

Au début, c’est au stade du Vivier d’Oie, dans la commune bruxelloise d’Uccle, que la Belgique reçoit. L’équipe de France y débute officiellement son histoire en 1904 et revient y jouer six fois jusqu’en 1919.

Par la suite, Belges et Français se rencontrent deux fois dans la commune de Saint-Gilles, plus précisément au Stade Joseph Marien, antre de l’Union Saint-Gilloise, également connue sous le nom de Parc Duden. Trois rencontres ont également eu lieu dans la commune de Molenbeek, au Stade Charles Malis du Daring Club de Bruxelles. En deux occasions seulement, les Diables Rouges ont reçu les Tricolores hors de Bruxelles, précisément à Rocourt (en 1929) et Ougrée (1930), deux communes alors autonomes proches de Liège.

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Le stade du Jubilé (ou du Centenaire), en 1935.


Du Centenaire au Heysel

En 1930, la Belgique se prépare à organiser le centenaire de son indépendance. Bruxelles a hérité quelques années plus tôt des terrains de la propriété royale de Laeken, et notamment du plateau du Heysel où elle construit un espace dédié à l’exposition célébrant ce centenaire.

Le joyau de cet espace est un stade de 70 000 places, le stade du Centenaire, également appelé le stade du Jubilé (Jubelstadion en Flamand). L’enceinte est officiellement inaugurée le 14 septembre 1930, bien que des championnats du monde de cyclisme sur piste y ont été organisés dès le mois d’août. En présence du Prince Leopold, l’équipe de Belgique reçoit celle des Pays-Bas, qu’elle domine (4-1). La France attendra 1932 pour découvrir le nouveau stade des Diables Rouges.

Au lendemain du deuxième conflit mondial, l’enceinte est officiellement renommée stade du Heysel (Heizelstadion en Flamand). Elle accueille un très grand nombre d’événements sportifs, notamment un championnat d’Europe de boxe opposant Marcel Cerdan à Cyrille Delannoit (1948), l’arrivée d’étapes du Tour de France (1949, 1960), les championnats d’Europe d’athlétisme (1950)...

Le Heysel ne néglige pas le football pour autant. S’il n’a pas de club résident, il abrite la finale de la Coupe de Belgique, une épreuve remise sur pied en 1954. Le stade est la maison des Diables Rouges, mais aussi la résidence secondaire du club d’Anderlecht qui y dispute ses rencontres de Coupe d’Europe quand son stade du Parc Astrid s’avère trop étroit.

Au pied de l’Atomium

A l’occasion de l’Exposition universelle de 1958, le plateau du Heysel voit apparaître l’Atomium, audacieuse oeuvre futuriste, qui deviendra un symbole de la capitale belge au même titre que le Manneken Pis. Au même moment, le stade accueille sa première finale de Coupe d’Europe des Clubs Champions, qui oppose le Real Madrid au Milan AC.

Quelques rénovations sont entreprises dans les années 1970, comme l’installation d’une piste d’athlétisme en tartan (1971) et un nouveau dispositif d’éclairage (1974). Une nouvelle tribune est montée en 1979, portant la capacité du stade à 60 000 places. En 1977 est organisé le premier mémorial Ivo Van Damme, un meeting d’athlétisme qui deviendra l’un des plus prestigieux du circuit.

Le Heysel devient un lieu privilégié pour les finales des Coupes européennes. Après le Real-Milan de 1958, le stade bruxellois a abrité la finale de 1966 (Real-Partizan) et celle de 1974 (Bayern-Atletico), la seule de l’histoire à avoir été rejouée. Il est également le théâtre des finales de Coupe des Coupes en 1964 (Sporting-MTK), en 1976 (Anderlecht-West Ham) et 1980 (Valence-Arsenal). La finale du quatrième championnat d’Europe des Nations en 1972 y est également disputée qui voit la victoire de la RFA sur l’URSS.

Le 29 mai 1985…

Mais dans les années 1980, le nom du Heysel va être associé à l’une des pires catastrophes de l’histoire du foot. Juste avant la finale de la trentième Coupe d’Europe des Clubs Champions opposant Liverpool à la Juventus, un mouvement de foule et l’écroulement du mur entraînent la mort de 39 personnes et plus de 600 blessés. Il a fallu ce drame du Heysel le 29 mai 1985 pour constater combien le stade bruxellois était délabré et complètement dépassé en matière de sécurité dès lors qu’une catégorie de supporters y provoquaient volontairement des incidents.

En dépit du drame, les Diables Rouges continuent à disputer des rencontres internationales dans le stade maudit. Dans les années 1990, la Belgique songe à organiser l’Euro 2000 avec les Pays-Bas. Le stade est alors profondément rénové et on lui attribue un nouveau nom parce qu’il faut tourner la page. Le Heysel devient le stade du Roi-Baudouin en 1993 (Koning Boudewijn Stadion pour les Flamands) en hommage au monarque disparu cette année-là.

Le stade rénové peut accueillir 40 000 personnes. Il est inauguré par la famille royale le 23 août 1995 avec une rencontre opposant la Belgique à l’Allemagne. Neuf mois plus tard, le stade renoue avec les rendez-vous européens et une finale de Coupe des Coupes qui voit le Paris Saint-Germain inscrire son nom au palmarès après sa victoire (1-0) sur le Rapid de Vienne.

Quelques travaux supplémentaires sont réalisés afin d’accueillir dignement la rencontre d’ouverture de l’Euro 2000 et quatre autres matchs du tournoi, notamment la demi-finale qui oppose la France au Portugal.

Depuis le début des années 2010, le stade du Roi-Baudouin, ex-Heysel, ex-Stade du Centenaire, est menacé. La ville de Bruxelles envisage un aménagement du Plateau du Heysel afin de le transformer en complexe immobilier. En 2013 est annoncé la construction de l’Eurostadium, une nouvelle enceinte de 60 000 places dédiée aux Diables Rouges mais aussi au RSC Anderlecht. La destruction du stade du Roi-Baudouin est inéluctable.

Mais le projet d’ Eurostadium est finalement annulé en 2018 pour d’inextricables raisons politiques, alors qu’il devait accueillir quatre rencontre de l’Euro 2020. Le stade du Roi-Baudouin demeure en sursis et une rénovation est prévue pour 2022.

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Les Français à Bruxelles

L’équipe de France découvre le stade du Centenaire le 1er mai 1932 et s’incline 5-2 face à la sélection belge. Elle y disputera, au total, 22 rencontres entre 1932 et 2013 pour un bilan de 7 victoires, 4 matchs nuls et 11 défaites. Elle marque 29 buts et en encaisse 41.

Si la plupart de ces rencontres sont amicales, cinq relèvent de compétitions : deux comptent pour les qualifications à la Coupe du monde (1957, 1981, plutôt porte-bonheur) et deux autres pour les éliminatoires du championnat d’Europe (1966, 1974). La dernière est la demi-finale de l’Euro 2000 contre le Portugal.

La main d’Abel Xavier

Cette rencontre mémorable est la seule que l’équipe de France a disputé au stade du Roi-Baudouin sans y rencontrer la Belgique. Ce 28 juin 2000, seize ans après Marseille, le Portugal se dresse en effet sur la route d’une équipe de France lancée à la conquête d’un titre européen. Longtemps menés au score, les Bleus (tout de blanc vêtus ce soir-là) parviennent à égaliser par Thierry Henry. Comme en 1984, la victoire se décidera tout au bout des prolongations, grâce à un but en or de Zinédine Zidane, inscrit sur penalty consécutif à une main d’Abel Xavier.

Heysel, morne plaine...

Si cette demi-finale reste un bon souvenir pour les Français, le stade bruxellois n’a jamais manqué de donner du vague à l’âme envers notre équipe de France. On se souvient particulièrement du Belgique-France du 9 septembre 1981 dans ce qui était encore le stade du Heysel. Les Diables Rouges s’imposent 2-0 et décrochent leur qualification pour la Coupe du monde 1982 tout en compromettant sérieusement celle des Français (tout de blanc vêtus également ce soir-là). Un match symbolique de l’époque où l’équipe de Michel Hidalgo était rapidement mise en difficulté dès qu’elle jouait loin de ses bases. La suite du parcours sera plus souriante, ouvrant même une ère glorieuse.


 

Vandooren, Molitor et les autres

209 internationaux ont joué avec l’équipe de France A dans ce stade. Certains y ont joué quatre fois, comme Raymond Kopa, Jean Vincent, Roger Marche et Jean-Jacques Marcel. Sept Français y ont disputé trois rencontres et 33 sont apparus en deux occasions.

Jules Vandooren n’est mentionné que sur deux rencontres alors qu’il est apparu trois fois. En 1935 en effet, il remplace Etienne Mattler blessé juste avant la mi-temps. Durant la pause, les officiels belges contestent ce changement, contraire aux règles selon eux. L’arbitre suisse leur donne raison et interdit à Vandooren de revenir le terrain en seconde période, annulant son entrée en jeu et donc sa sélection !

Albert Batteux, Roger Lemerre et Didier Deschamps ont pour point commun de s’être rendus au stade belge en tant que joueurs puis sélectionneurs. Roger Lemerre s’était même fait expulser d’un Belgique-France de 1970 avant de triompher sur le banc trente ans plus tard.

29 Français ont connu dans ce stade leur première sélection, parmi lesquels Bernard Bosquier (42 sélections au total), Louis Saha (20), François Bourbotte (17), Edouard Kargu (11) et Marc Molitor (10). Ce dernier s’est distingué en signant un doublé pour sa première sélection en 1970, imitant l’exploit de Désiré Koranyi en 1939. Jean Sécember (1932), Jules Mathé (1939), Édouard Kargu (1950) et Louis Saha (2004) ont également marqué un but pour leur première sélection.

date genre adversaire score affluence
01/05/1932 amical Belgique 2-5 45 000
21/01/1934 amical Belgique 3-2 35 826
14/04/1935 amical Belgique 1-1 35 000
21/02/1937 amical Belgique 1-3 37 668
18/05/1939 amical Belgique 3-1 35 793
06/06/1948 amical Belgique 2-4 52 873
04/06/1950 amical Belgique 1-4 45 006
22/05/1952 amical Belgique 2-1 55 485
30/05/1954 amical Belgique 3-3 54 729
25/12/1955 amical Belgique 1-2 56 540
27/10/1957 qCM Belgique 0-0 56 497
28/02/1960 amical Belgique 0-1 56 257
18/10/1961 amical Belgique 0-3 11 019
02/12/1964 amical Belgique 0-3 5 917
11/11/1966 qEuro Belgique 1-2 43 404
15/11/1970 amical Belgique 1-2 19 937
12/10/1974 qEuro Belgique 1-2 32 108
09/09/1981 qCM Belgique 0-2 52 525
27/03/1996 amical Belgique 2-0 18 000
28/06/2000 Euro 1/2 Portugal 2-1 55 000
18/02/2004 amical Belgique 2-0 43 160
14/08/2013 amical Belgique 0-0 41 773
14/10/2024 LDN Belgique 2-1 39 731

pour finir...

Lire aussi l’histoire du stade du Roi-Baudouin sur le site Sur la Touche.

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Hommage à Pierre Cazal