Au lendemain de la Coupe du monde 1982, l’équipe de France est qualifiée d’office pour l’Euro 1984 organisé dans l’hexagone. Elle entame donc deux saisons de matchs amicaux, une aubaine pour Michel Hidalgo qui a l’occasion de procéder sans risque à quelques tests pour améliorer cette équipe de France. Car toute demi-finaliste mondiale qu’elle soit, celle-ci reste très perfectible.
Un Brestois chez les Bleus
Le renouvellement de sa charnière centrale est l’un de ses principaux soucis, notamment le poste de stoppeur où les prestations de Christian Lopez et Gérard Janvion, qui ont tour à tour assuré le rôle lors de la Coupe du monde espagnole, laissent sceptiques. Les deux hommes n’ont certes que 29 ans chacun, mais leurs performances vont en déclinant.
Pour ce poste, Michel Hidalgo semble avoir une préférence pour Philippe Mahut, même si le néo-Stéphanois, souvent cité parmi les meilleurs spécialistes du championnat, peine à confirmer au niveau international. A la sortie de l’hiver 1983, un match calamiteux face à l’URSS d’Oleg Blokhine scelle son sort.
Michel Hidalgo songe désormais à l’international Espoir Yvon le Roux, un gaillard de 1,89 mètre qui à 23 ans compte déjà plus d’une centaine de matchs avec le Stade Brestois, comme stoppeur et parfois comme demi défensif. Le 23 avril 1984, à l’occasion d’un France-Yougoslavie amical au Parc des Princes, le natif de Plouvorn est aligné en défense centrale aux côtés de Maxime Bossis.
Première sélection, premier but
Le premier international français issu du Stade Brestois se montre très à son aise et n’hésite pas à prendre des initiatives offensives. A tel point que c’est lui qui ouvre le score d’une reprise de la tête sur un centre de Bruno Bellone. Face à une équipe yougoslave que l’on a rarement connue aussi faible, Yvon Le Roux se montre très présent, tente des frappes de loin et prend même quelques coups francs à son compte. L’équipe de France s’impose 4-0, le score ayant été clôturé par l’autre novice de la soirée, José Touré, qui réalise des débuts tout aussi convaincants.
Michel Hidalgo avait rêvé d’un stoppeur impeccable en défense, très bon de la tête et qui n’hésite pas à participer au jeu offensif. Il est comblé avec Yvon Le Roux, d’autant que dès l’été suivant le joueur quitte le cocon brestois pour jouer le haut du tableau au sein de l’AS Monaco. Le Breton dispute toutes les rencontres en bleu de la saison 1983-1984, que ce soit avec Marius Trésor, qui effectue un bref retour avant de mettre définitivement fin à sa carrière, ou avec Maxime Bossis, qui confirme son aptitude à tenir le poste au plus haut niveau.
Le choc avec Simonsen
Yvon Le Roux est logiquement titulaire le 12 juin 1984 pour le match d’ouverture de l’Euro 1984 qui oppose la France au Danemark au Parc des Princes. Un incident terrible va marquer cette rencontre par ailleurs assez rude. Juste avant la mi-temps, près de la ligne médiane, Le Roux et le Danois Allan Simonsen se jettent ensemble sur le ballon. Dans le choc, le Breton brise le tibia du Ballon d’or 1977.
Si le Danois sort sur une civière, tournoi terminé, le Breton n’est pas indemne et doit céder sa place à l’heure de jeu. Il reste plusieurs jours en soins et doit rompre sa présence interrompue au sein de la défense des Bleus. Absent contre contre la Belgique à Nantes puis contre la Yougoslavie à Saint-Étienne, il effectue son retour pour la demi-finale de Marseille face au Portugal. Dans les prolongations, alors que les Français sont menés au score, le Breton se porte à l’avant pour jouer des épaules dans la surface adverse. Lorsqu’il tente un tir en pivot à la façon d’un avant-centre, l’action aboutit à l’égalisation de Domergue qui relance les Tricolores vers une victoire 3-2 arrachée dans les cinq dernières minutes.
Quatre jours plus tard, Le Roux est parmi les onze de la finale contre l’Espagne. La France s’impose avec difficulté. A cinq minutes de la fin de la rencontre, alors que les Bleus ne mènent que 1-0 et subissent la furia de leurs adversaires, Le Roux fauche l’Espagnol Sarabia et écope d’un carton rouge. Une sanction d’autant plus logique qu’il avait déjà averti en début de deuxième mi-temps pour une faute sur Santillana.
Yvon le Rouge
La France s’impose finalement 2-0. Pour le Roux, la satisfaction d’un premier titre international est quelque peu ternie par le carton rouge, qui renforce la réputation de joueur dur que lui reprochent certains. Henri Michel, le nouveau sélectionneur, lui maintient toutefois sa confiance en le sélectionnant dès son premier match, une rencontre UNFP contre l’Inter Milan, perdue 0-1 au Parc des Princes. Malheureusement, une blessure au ménisque éloigne ensuite le Monégasque des terrains et l’empêche de disputer les rencontres suivantes.
Henri Michel se tourne alors vers Didier Sénac puis fait revenir Léonard Specht dans la défense des Bleus. La reconquête du poste s’avère d’autant plus difficile qu’en club, Yvon Le Roux a également perdu sa place, la défense centrale de Monaco étant occupée par une paire Simon-Stojkovic qui donne satisfaction. L’entraîneur Lucien Muller tente de refaire de l’ancien Brestois un demi défensif. En vain.
Il est temps de changer d’air et lors de l’été 1985, Yvon Le Roux se rapproche de sa Bretagne natale et signe au FC Nantes. Le club nantais lui permet de retrouver la défense centrale et de vivres de belles soirées européennes. L’équipe de France l’appelle de nouveau pour son premier match de la saison, une Coupe Intercontinentale disputée au Parc des Princes contre l’Uruguay. La victoire des Français est nette (2-0) et obtenue avec la manière. Henri Michel conserve le onze de départ, avec Le Roux en stoppeur, pour la fin des éliminatoires de la Coupe du monde 1986.
Les Bleus se qualifient en novembre 1985 après une difficile victoire contre la Yougoslavie (2-0). Pour Le Roux, la fête est un peu gâchée par une nouvelle expulsion à cinq minutes de la fin à la suite d’un tacle rugueux sur Baždarević. Deux cartons rouges en dix-huit mois, après seize sélections, l’image du joueur en prend un coup. Il sera suspendu pour les deux premières rencontres de la Coupe du monde mexicaine mais Henri Michel lui conserve sa confiance. Il l’appelle pour chacun des matchs de préparation (comme remplaçant de luxe) et l’intègre dans la liste de 22.
Au Mexique, la défense centrale Bossis-Battiston donne satisfaction et Le Roux comprend qu’il restera sur le banc, sauf accident. Il ne joue finalement qu’après l’élimination en demi-finale, le match de la troisième place contre la Belgique. Et encore doit-il sortir après la mi-temps, ressentant une douleur au genou.
Colosse au genou d’argile
Au lendemain du Mundial mexicain, Henri Michel doit gérer les retraits de quelques cadres en plus des traditionnels tracas de sélectionneur (blessures, forfaits...). Pour le poste de stoppeur, il fait appel au prometteur Basile Boli (19 ans). De son côté, Yvon le Roux passe plus de temps aux soins que sur les terrains. Il décroche toutefois une sélection en novembre 1986 pour un match qualificatif à Leipzig contre la RDA (0-0).
Lors de l’été 1987, Yvon Le Roux quitte Nantes pour l’Olympique Marseille. Il retrouve l’équipe de France à Berlin, associé à Patrick Battiston face à la RFA. Au début de l’année 1988, Yvon Le Roux est dans le groupe du tournoi de France qui effectue un stage en Israël. A Tel-Aviv, il fait la paire avec Basile Boli. Du tournoi victorieux, il ne dispute qu’un quart d’heure face au Maroc. Un mois et demi plus tard à Bordeaux contre l’Espagne, il est associé à Sylvain Kastendeuch.
Des blessures récurrentes et l’affirmation des Boli, Casoni et autres Kastendeuch éloignent Le Roux de l’équipe de France pendant plus d’une saison. Le Breton rejoint le Paris Saint-Germain au cours de l’été 1989. Ses performances avec le club de la capitale attirent l’attention de Michel Platini, qui a pris la place d’Henri Michel. L’ancien capitaine des Bleus rappelle le Breton à l’occasion du match Suède-France que le sélectionneur veut fondateur. Il annonce que, quel que soit le résultat, il conservera le même groupe jusqu’à l’Euro 1992.
L’équipe de France s’impose 4-2 sous l’orage de Göteborg et poursuit son aventure en Norvège (1-1) avant de recevoir l’Écosse au Parc des Princes. Alors que la France l’emporte 3-0, Le Roux doit sortir à la pause à cause d’une douleur ressentie au genou. Le néo-Parisien doit passer sur la table d’opération. Il ne reviendra jamais sur les terrains.
28 sélections, 1 but, 2 cartons rouges
Yvon Le Roux a connu 28 sélections en équipe de France A, dont 24 comme titulaire, ce qui représente 2187 minutes en bleu selon le site FFF. Il a connu trois sélectionneurs (Hidalgo, Michel et Platini). Champion d’Europe 1984, il compte également le titre de champion intercontinental 1985 et a terminé troisième de la Coupe du monde 1986.
Sel. | Genre | Date | Lieu | Adversaire | Score | Tps Jeu | Notes |
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1 | Amical | 23/04/1983 | Paris (Parc) | Yougoslavie | 4-0 | 90 | 1 but |
2 | Amical | 31/05/1983 | Luxembourg* | Belgique | 1-1 | 90 | |
UNFP | 24/08/1983 | Toulouse | Club Atlético Peñarol | 1-0 | 90 | ||
3 | Amical | 07/09/1983 | Copenhague | Danemark | 1-3 | 90 | |
4 | Amical | 05/10/1983 | Paris (Parc) | Espagne | 1-1 | 90 | |
5 | Amical | 12/11/1983 | Zagreb | Yougoslavie | 0-0 | 90 | |
6 | Amical | 29/02/1984 | Paris (Parc) | Angleterre | 2-0 | 90 | |
7 | Amical | 28/03/1984 | Bordeaux | Autriche | 1-0 | 90 | |
8 | Amical | 18/04/1984 | Strasbourg | RFA | 1-0 | 90 | |
9 | Amical | 01/06/1984 | Marseille | Écosse | 2-0 | 90 | |
10 | Euro T1 | 12/06/1984 | Paris (Parc) | Danemark | 1-0 | 60 > | |
11 | Euro 1/2 | 23/06/1984 | Marseille | Portugal | 3-2 (prol) | 120 | |
12 | Euro fin | 27/06/1984 | Paris (Parc) | Espagne | 2-0 | 85 > | exclu |
UNFP | 05/09/1984 | Paris (Parc) | Inter Milan | 0-1 | |||
13 | Interc. | 21/08/1985 | Paris (Parc) | Uruguay | 2-0 | 90 | |
14 | qCM | 11/09/1985 | Leipzig | RDA | 0-2 | 90 | |
15 | qCM | 30/10/1985 | Paris (Parc) | Luxembourg | 6-0 | > 62 | |
16 | qCM | 16/11/1985 | Paris (Parc) | Yougoslavie | 2-0 | 85 > | exclu |
17 | Amical | 26/02/1986 | Paris (Parc) | Irlande du Nord | 0-0 | > 45 | |
18 | Amical | 26/03/1986 | Paris (Parc) | Argentine | 2-0 | > 30 | |
19 | CM 3pl | 28/06/1986 | Puebla* | Belgique | 4-2 (prol) | 55 > | |
20 | qEuro | 19/11/1986 | Leipzig | RDA | 0-0 | 90 | |
21 | Amical | 12/08/1987 | Berlin | RFA | 1-2 | 90 | |
22 | qEuro | 18/11/1987 | Paris (Parc) | RDA | 0-1 | 90 | |
23 | Amical | 27/01/1988 | Tel Aviv | Israël | 1-1 | 90 | |
24 | Amical | 05/02/1988 | Monaco | Maroc | 2-1 | > 15 | |
25 | Amical | 23/03/1988 | Bordeaux | Espagne | 2-1 | 90 | |
26 | Amical | 16/08/1989 | Malmö | Suède | 4-2 | 90 | |
27 | qCM | 05/09/1989 | Oslo | Norvège | 1-1 | 55 > | |
28 | qCM | 11/10/1989 | Paris (Parc) | Écosse | 3-0 | 45 > |
Vos commentaires
# Le 21 juillet 2023 à 01:15, par Nhi Tran Quang En réponse à : Yvon Le Roux, le menhir bleu
Entre 1986-1989, Yvon Le Roux était il si blessé que ça pour manquer beaucoup de matches en équipe de France (28 matches sur 36 entre 8/1986 à 11/89), car pourtant en club du moins en championnat, il a continué à jouer regulièrement (120 matches toutes compète confondu dont 97 en championnat entre la saison 86-87 & 88-89, ça fait plus de 30 matchs par saison en championnat, ce qui est pas mal pour un joueur « blessé »),
N’a t’il pas été plutôt victime d’un certain manque de confiance envers lui de Henri Michel voire de Platoche & ainsi de leur choix de sélectionner un joueur en forme du moment au lieu de faire confiance à un certain noyau même si ses joueurs n’étaient pas en forme.
# Le 21 juillet 2023 à 18:47, par Richard Coudrais En réponse à : Yvon Le Roux, le menhir bleu
Bonjour fidèle lecteur,
Comme je le résume à travers cette phrase « Des blessures récurrentes et l’affirmation des Boli, Casoni et autres Kastendeuch éloignent Le Roux de l’équipe de France (...) », le déclin du joueur est autant dû à ses ennuis musculaires qu’à la concurrence qui s’installait en défense centrale à une période où les sélectionneurs tatonnaient pas mal.
Le joueur était victime d’ennuis musculaires fréquents, mais cela ne l’empêchait pas de jouer en club, notamment en championnat où le rythme était moins soutenu et où il n’y avait quasiment pas de concurrence. Au niveau international par contre, cela devenait un handicap car l’intensité était plus élevée et la concurrence plus vive.
Ceci explique cela.
# Le 28 août 2023 à 20:47, par Nhi Tran Quang En réponse à : Yvon Le Roux, le menhir bleu
je vois la situation mais ça n’empêche pas que ça surprend de se retrouver avec une charnière centrale Jeannol Boli (4 sélections à 2) après avoir eu une charnière expérimentées (Bossis Battiston 125 sélections lors de la dernière sélection de Bossis contre la Belgique lors de la coupe du monde 86) en quelques mois pour un match capital contre l’URSS en 10/86