Vous souvenez-vous de l’été 2012, quand Didier Deschamps venait d’être nommé sélectionneur de l’équipe de France ? A l’époque, on parlait encore de Yoann Gourcuff, même si ses deux premières saisons lyonnaises avaient considérablement refroidi ses plus chauds partisans.
Par curiosité et par jeu, j’avais comparé le bilan du Breton à 26 ans (son âge à l’époque) avec ceux des trois plus grands joueurs français de tous les temps au même âge, à savoir Michel Platini en 1981, Zinédine Zidane en 1998 et Raymond Kopa en 1957 [1]
Le moins qu’on puisse dire, c’est que cet article n’a pas porté chance à Gourcuff, qui n’a rejoué qu’une seule fois avec les Bleus, en Italie en novembre 2012 (remplaçant, 17 minutes de jeu) et en Uruguay en juin 2013 (titulaire, 58 minutes). A bientôt 32 ans, le plus grand espoir du football français en 2008-2010 végète à Rennes, où il n’a joué que 5 fois cette saison.
Loin de moi évidemment l’idée de porter la poisse à Antoine Griezmann, qui passe ici au test comparatif KPZ, en clair Kopa-Platini-Zidane. De toute façon, la carrière de l’attaquant de l’Atlético est déjà largement meilleure que celle de Gourcuff. A 27 ans (il les aura le 21 mars), et alors qu’il joue chez les Bleus depuis 4 ans (le 5 mars 2014), on ne sait pas encore si, au terme de sa carrière, on le comparera aux trois joueurs de classe mondiale que le football français ait connu, ou plutôt à ceux qui les ont secondé, à savoir Roger Piantoni, Alain Giresse ou Youri Djorkaeff.
Qu’est-ce qu’il fait en couverture, celui-là ?
L’idée de comparer la trajectoire de Griezmann à celles de Kopa, Platini et Zidane m’est venue lorsque, à la présentation de la couverture du Dico des Bleus, en août 2017, j’ai lu des réactions d’amateurs de foot se demandant ce que Grizou faisait au milieu de ce trio-là. Choix de l’éditeur, ai-je répondu (c’est la vérité). Mais aussi pari sur l’avenir. Si les Bleus remportent un deuxième titre mondial à Moscou en juillet prochain, vingt ans après le premier, et que Griezmann réalise une performance équivalente à celle de l’Euro, alors il ne sera pas loin du firmament du football français.
Pour l’instant, on n’en sait rien, même si on peut espérer qu’un transfert à Barcelone à l’été 2018 le fasse entrer dans une autre dimension, comme l’avaient fait avant lui Raymond Kopa en quittant Reims pour le Real Madrid en 1956, Michel Platini en rejoignant la Juventus en provenance de Saint-Etienne en 1982, et Zinédine Zidane en faisant la synthèse des deux en passant de la Juventus au Real en 2001.
Donc, que les choses soient claires, Antoine Griezmann n’est, aujourd’hui, l’équivalent d’aucun des trois géants cités plus haut. Il s’en approche, mais il lui reste un cap à franchir. Cet article cherche surtout à comparer où il en est aujourd’hui, à environ la moitié de sa carrière internationale, et où en étaient les trois autres au même âge.
Débuts tardifs à presque 23 ans
Griezmann a débuté en équipe de France le 5 mars 2014 contre les Pays-Bas, 16 jours avant ses 23 ans. C’est plus tard que Platini (20 ans et 10 mois en mars 1976), que Kopa (8 jours avant ses 21 ans en octobre 1952) et Zidane (22 ans et 1 mois en août 1994). Sur le graphique ci-dessous, on constate l’allongement des carrières internationales : un peu moins de 3700 jours pour Kopa, environ 4000 pour Platini et près de 4350 pour Zidane. Si celle d’Antoine Griezmann est au moins aussi étendue que celle de Zizou, ça nous mènerait à 2026 ! Peu probable, car le Mâconnais aura alors 35 ans.
En quatre ans, quatre matchs manqués seulement
Plus que le nombre de sélections à 27 ans, qui augmente régulièrement comme le montre le graphique ci-dessous (en raison évidemment de la surcharge du calendrier international), il est intéressant de décompter les matchs manqués par chacun des quatre joueurs (entre leur première et leur dernière sélection).
Là, on constate que Kopa en a manqué environ un sur trois, essentiellement entre 1956 et 1958, où il jouait au Real Madrid, qui ne lui a accordé un bon de sortie que pour les six matchs de la Coupe du monde et un autre contre la Grèce à l’automne suivant.
Michel Platini en a manqué pour sa part 14 jusqu’en juin 1982. Sa blessure à l’été 1978 lui en a coûté quelques-un jusqu’au printemps 1979, les autres étant dispersés au gré de forfaits ponctuels. Zidane n’en a manqué que 9, soit un sur six, sa principale indisponibilité ayant eu lieu en 1999, l’année de ses 27 ans.
Enfin, Antoine Griezmann n’a manqué que quatre rencontres, et encore, trois d’entre elles étaient amicales (il était sur le banc) contre le Cameroun et la Côte d’Ivoire en 2016 et l’Angleterre en 2017. Il a aussi manqué le match contre la Serbie de septembre 2014. C’est peu et ça en dit long sur la santé du bonhomme, qui n’est quasiment jamais blessé.
Le meilleur pourcentage de victoires
Avec près de 70% de matchs gagnés, Grizou fait nettement mieux que ses trois mentors. A 27 ans, le bilan de Platini était quelconque (43% de succès), celui de Kopa correct pour l’époque (un peu plus de la moitié de victoires) et celui de Zidane avait fière allure (62% de matchs gagnés). C’est d’ailleurs ce dernier qui présente le meilleur bilan en terme de défaites, avec seulement deux (Angleterre 1997 et Danemark 1996) en 45 matchs !
Griezmann en a concédé huit, dont deux fatales contre l’Allemagne en 2014 et le Portugal en 2016. C’est ce qui fait la différence entre Zizou et Grizou : le premier a perdu son premier match en compétition en juin 2002, contre le Danemark. C’était son 28e...
En phase finale, déjà 10 matchs joués
Si on ne regarde maintenant que les phases finales (Euro et Coupe du monde) disputées à 27 ans, on constate tout d’abord que les quatre protagonistes en avaient déjà disputé deux chacun. Kopa est évidemment désavantagé dans cet exercice, puisque le championnat d’Europe n’a été créé qu’en 1960, alors qu’il avait 29 ans (il ne l’a d’ailleurs pas disputé). Il fait quand même mieux que Platini, mais il faut préciser que pour ce dernier, seuls les deux premiers matchs de la Coupe du Monde 1982 sont pris en compte, puisqu’il a eu 27 ans le jour-même de France-Koweït (il a d’ailleurs fêté l’événement avec un but et une passe décisive).
Avec l’Euro 1996 et la Coupe du monde 1998, Zidane avait joué dix fois en phase finale, sans être battu [2] Mais Griezmann a fait mieux, avec douze rencontres jouées. Il n’en a manqué aucune, mais a perdu les deux qu’il ne fallait pas perdre.
Et au palmarès, rien ne vaut Zidane et Kopa
A 27 ans, en octobre 1958, Raymond Kopa a déjà gagné deux Coupes d’Europe des clubs champions (l’ancêtre de la Ligue des Champions) avec le Real Madrid. Il a été deux fois champion de France avec Reims (1953 et 1955) et deux autres fois avec le Real (1957 et 1958). Quelques semaines plus tard, il remportera le Ballon d’Or France-Football. C’est le meilleur joueur européen du moment à l’égal d’Alfredo Di Stéfano, seulement dépassé au niveau mondial par les Brésiliens Pelé et Garrincha.
Zinédine Zidane n’a toujours pas gagné de Ligue des Champions en juin 1999 (il a disputé deux finales avec la Juventus en 1997 et 1998), mais il a dans sa besace une Coupe du monde et deux titres de champion d’Italie (1997 et 1998) ainsi qu’une Coupe intercontinentale (1996). Et six mois plus tôt, il est devenu le quatrième (et dernier à ce jour) français récompensé d’un Ballon d’Or.
En juin 1982, Michel Platini doit se contenter de deux lignes à son palmarès, avec une Coupe de France offerte à Nancy (en 1978) et un titre de champion de France avec Saint-Etienne (en 1981). Les lauriers arriveront plus tard, à partir de la fin de l’année 1983.
Le palmarès d’Antoine Griezmann est évidemment son gros point faible. En club, il n’a remporté que des broutilles, une supercoupe d’Espagne avec l’Atlético de Madrid (2014) et un titre de champion de Segunda division avec la Real Sociedad (en 2010). Il a perdu deux finales majeures en 2016, la Ligue des Champions avec l’Atlético et l’Euro avec la France. Les deux fois contre Cristiano Ronaldo.