La neuvième génération des Bleus est donc celle menée par Franck Ribéry entre mai 2006 et mars 2014, soit une période de 107 rencontres allant grosso modo de la préparation de la Coupe du monde en Allemagne à celle du Mondial brésilien. Elle compte donc quatre phases finales dont deux sont clairement des échecs (élimination au premier tour à l’Euro 2008 et à la Coupe du monde 2010), et les autres soit une épopée (Coupe du monde 2006, finale) soit une déception (Euro 2012, quart).
Pendant ces près de huit années, 94 joueurs ont été appelés tour à tour par Raymond Domenech, Laurent Blanc puis Didier Deschamps. Tous n’ont pas joué avec Ribéry, qui a participé à 81 rencontres sur 107. Curieusement, ses partenaires sont également 81. Les 13 qui n’ont pas de temps de jeu en commun sont Morgan Amalfitano, Cédric Carrasso, Aly Cissokho, Julien Faubert, Mathieu Flamini, Guillaume Hoarau, Alexandre Lacazette, Charles N’Zogbia, Frédéric Piquionne, Marc Planus, Stéphane Ruffier, Florent Sinama-Pongolle et Benoît Trémoulinas.
Le cœur et le noyau
Le cœur de la génération Ribéry, ce sont les joueurs qui ont disputé au moins la moitié des matchs de leur carrière internationale dans cette période. Ils sont 59 dans ce cas, dont 30 qui y ont même joué tous leurs matchs (dont 19 comptent moins de 10 sélections, et 11 n’en comptent qu’une).
Si on regarde maintenant combien ont joué au moins la moitié des 107 matchs de la période (soit 54 ou plus), il en reste cinq : Franck Ribéry (avec 81 donc), Florent Malouda (70), Karim Benzema (65), Eric Abidal (62) et Hugo Lloris (55).
Sur les graphiques ci-dessous, on représente en orange les matchs joués hors période (avant ou après), en noir les matchs joués dans la période et en gris clair les matchs manqués pendant la période.
Si on élargit le noyau dur de la génération à ceux qui ont joué au moins un match sur quatre (27 et plus), seize joueurs supplémentaires sont concernés. Sept d’entre eux sont issus de la période précédente : Henry, Thuram et Makelele qui ont joué plus de matchs avant l’été 2006 qu’après, et Gallas, Anelka, Alou Diarra et Govou. Six autres ont continué leur carrière au-delà du printemps 2014 : Evra, Sagna, Valbuena, Lassana Diarra, Cabaye et Giroud.
L’échec de la génération 1987
Une des raisons du relatif échec de la génération Ribéry tient moins aux défaillances de Ribéry lui-même que de celles de la génération 1987, avec laquelle il s’est d’ailleurs très bien entendu : Samir Nasri, Jérémy Ménez, Hatem Ben Arfa et Karim Benzema ont tout d’abord incarné la relève avant de décevoir l’un après l’autre puis de disparaître de la circulation, faute non pas de talent mais de jugeote et de capacité à faire passer le collectif d’abord. Si tout s’était bien passé, les natifs de 1987 auraient atteint leur apogée entre 2014 et 2016, et Ribéry aurait pu être leur chef de file. Ou bien cette génération 9 aurait été celle de Benzema. Au final, ce sont deux joueurs de 1987 bien moins attendus qui se sont révélés lors de ces deux phases finales : Blaise Matuidi en 2014 et Dimitri Payet en 2016.
Qui les a lancés ?
La génération Ribéry intègre complètement le mandat de Laurent Blanc (2010-2012) et les trois quarts de celui de Raymond Domenech (61 matchs sur 79). Pour l’instant, cela représente un peu plus du quart du mandat de Deschamps (19 sur 73), mais cette part va bien entendu diminuer.
Mais qui a lancé le plus de joueurs de la génération Ribéry ? Logiquement, c’est Raymond Domenech avec 37 nouveaux appelés, dont 9 qui ont dépassé depuis les 50 sélections (et un futur centenaire, Hugo Lloris). Laurent Blanc arrive ensuite avec 21 (dont Giroud, Matuidi et Koscielny), Deschamps avec 14 (dont Pogba et Griezmann). 23 joueurs de la génération Ribéry ont débuté avant la période, dont 9 avec Jacquet (dont les quatre centenaires Thuram, Henry, Zidane et Vieira, les cinq autres comptant tous plus de 50 capes), 8 avec Santini (dont Gallas) et 6 avec Lemerre (dont Sagnol).
Sur le graphique ci-dessous, je mets en évidence pour chaque sélectionneur la proportion de joueurs lancés par lui et leur nombre total de sélections (sur l’ensemble de leur carrière internationale, pas uniquement sur la période).
Un bilan moyen moins
Avec quasiment une victoire tous les deux matchs, le bilan est moyen, sans plus. Et encore, il bénéficie des bons résultats engendrés lors des phases qualificatives. En phase finale, il est clairement négatif, même avec les 4 victoires et 3 nuls de la Coupe du monde 2006.
Les trois phases finales suivantes ont été catastrophiques, avec une seule victoire (contre l’Ukraine en 2012), 3 nuls et 6 défaites. Les Bleus ont joué un seul match à élimination directe entre 2008 et 2012, et ils l’ont perdu (contre l’Espagne en 2012).
Le point haut : 19 novembre 2013 à Saint-Denis, France-Ukraine 3-0
Ça aurait pu être le Brésil-France du 1er juillet 2006, mais il concerne plutôt la génération Zidane que celle de Ribéry. Le barrage retour face à l’Ukraine, avec un 0-2 à remonter et l’enjeu d’une qualification pour le Mondial brésilien, arrivé certes à la fin de la carrière internationale de Ribéry (après ça, il ne jouera plus que quelques minutes contre les Pays-Bas en mars), mais à l’époque personne ne s’en doute, d’autant que l’attaquant du Bayern espère un Ballon d’or pour couronner la meilleure année de sa carrière.
Le paradoxe (les huit années de Ribéry chez les Bleus en sont truffés), c’est que ce soir-là l’équipe de France renverse tout sur son passage au cours d’un match à très haute intensité. Et que Ribéry est très décevant. Il porte trop le ballon, semble à contretemps, ne trouve pas ses partenaires hormis sur un centre pour Benzema dont le but est refusé pour hors-jeu. Celui qui a orchestré le collectif depuis l’Euro 2012 semble absent, déjà ailleurs.