Just Fontaine, buteur pour l’éternité

Publié le 1er mars 2023 - Bruno Colombari

Carrière brisée à 27 ans et 21 capes, sélectionneur audacieux vite débarqué, Just Fontaine a traversé le ciel des Bleus comme une météorite. Il vient de décéder à 89 ans. C’était le dernier des géants de 1958.

Cet article fait partie de la série Génération 4
5 minutes de lecture
Mise à jour d’un article initialement paru en août 2016.


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Son apport

Il aura fallu du temps — près de deux ans — pour que Just Fontaine se fasse une place en sélection. Ses débuts, mis à part le match très facile contre le Luxembourg en 1953, ont été laborieux et décevants. Intégré de justesse dans la liste des 22 pour la Suède en mai 1958, il profite de la blessure de Bliard pour prendre une place de titulaire au sein d’une ligne d’attaque Kopa-Wisniewski-Piantoni, avec Vincent légèrement en retrait.

Son sens du placement hors normes hérité de l’art du démarquage au basket [1], sa précision dans les duels face au gardien et son entente instinctive avec Kopa (alors qu’ils ne jouaient pas encore ensemble en club) ajoutés à une confiance totale en ses capacités vont faire exploser les compteurs le temps d’un été. Mais s’il a marqué 13 des 23 buts français en Suède, il en a inscrit 17 lors de ses 15 autres sélections.

Sans sa double blessure, il aurait sans doute emmené l’équipe de France au Chili en 1962, où il n’aurait eu que 28 ans... Il reste toutefois le plus grand attaquant français de tous les temps, devant Thierry Henry, Jean-Pierre Papin, Roger Piantoni et David Trezeguet. Et, bien entendu, son record de 13 buts inscrits lors d’une seule coupe du monde tient toujours, 58 ans plus tard. Il ne sera probablement jamais battu.

 


 

Fontaine au classement des joueurs

Avec 21 sélections seulement en sept ans, dont 17 pour les deux années 1958 et 1959, Justo n’a aucune chance de se faire remarquer au classement des joueurs. Il pointe juste au-dessous de la 160e place, à hauteur de Dominique Baratelli ou de Sébastien Squillaci. Parmi le carré magique de 1958, c’est lui qui compte le moins de capes, derrière Jean Vincent (46), Raymond Kopa (45) et Roger Piantoni (37).

Clas. Joueur Sel Tps jeu G N P Abs.Densité Année Ordre
159 Joseph Ujlaki 21 1890 9 2 10 44 32% 1952 409
160 Urbain Wallet 21 1890 7 2 12 3 88% 1925 188
161 Pierre Chayriguès 21 1890 8 3 10 23 48% 1911 86
162 Just Fontaine 21 1889 12 4 5 33 39% 1953 424
163 Pierre Bernard 21 1802 4 5 12 6 78% 1960 477
164 Dominique Baratelli 21 1789 7 5 9 51 29% 1972 569
165 Sébastien Squillaci 21 1470 9 9 3 58 27% 2004 804
Voir le classement complet des joueurs

Fontaine au classement des buteurs

Evidemment, là ce n’est plus pareil. Just Fontaine a été recordman des buteurs français jusqu’en juin 1984 où il a été rejoint puis dépassé par Michel Platini. Depuis, Thierry Henry et Olivier Giroud a repris le flambeau, avec respectivement 102 et 99 sélections de plus... Et Griezmann (42), Benzema (37) et Mbappé (36) sont passés devant lu. Mais avant que Fontaine sorte du top 10, il va falloir du temps : dans le groupe actuel, Pogba est très loin (11) et le suivants est Coman (5). En Coupe du monde, il est évidemment le premier, devant Mbappé (12 buts en 2 participations), Henry (6 buts en 4 participations) et Platini (5 buts en 3 participations).

# Joueur Buts Sél b/m CF Pe 2 3+ tmps jeumn/but
6 Kylian Mbappé 36 66 0,55 0 5 5 2 4944 137
7 David Trezeguet 34 71 0,48 0 0 6 1 4096 120
8 Zinédine Zidane 31 108 0,29 2 6 4 0 8506 274
9 Just Fontaine 30 21 1,43 0 0 4 5 1889 63
10 Jean-Pierre Papin 30 54 0,56 0 5 5 0 4272 142
11 Youri Djorkaeff 28 82 0,34 1 5 2 0 5376 192
12 Sylvain Wiltord 26 92 0,28 0 2 2 0 5000 192
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Voir le classement des buteurs à la coupe du monde

Son équipe préférentielle

En 21 sélections étalées sur sept ans, Just Fontaine aura connu 47 partenaires.
Jean Vincent, Raymond Kaelbel, Armand Penverne, André Lerond, Jean-Jacques Marcel, Robert Jonquet, Maryan Wisniewski, Raymond Kopa, Roger Piantoni et Roger Marche étant les dix plus fréquemment alignés à ses côtés. On notera d’ailleurs que Just Fontaine a joué avec pas moins de quatre gardiens, Dominique Colonna (7) Claude Abbes (6), François Remetter (5) et Georges Lamia (3).

Ses sélectionneurs

Tout comme Jean Vincent, c’est Paul Nicolas qui a lancé Just Fontaine en décembre 1953 contre le Luxembourg. Mais lui devra attendre près de trois ans et l’arrivée d’Albert Batteux comme entraîneur (le poste de sélectionneur unique n’existait pas encore) pour rejouer en Bleu. Il fera toute sa carrière internationale à ses côtés, même si Alex Thépot et Georges Verriest succéderont à Paul Nicolas, mort en mars 1959.

Son premier match : 17 décembre 1953, France-Luxembourg

Ce match-là n’a d’abord pas pour une sélection A : l’équipe de France alignée contre le Luxembourg (et d’ailleurs entraînée par Albert Batteux) ne comporte que des jeunes débutants et la FFF ne le considère pas comme officiel. Mais comme il était qualificatif pour la coupe du monde 1954, la FIFA l’a reclassé des années plus tard. Dans cette équipe de bleusailles, Jean Vincent, 22 ans (deux buts, une passe décisive) et Just Fontaine 20 ans (trois buts) s’amusent comme des petits fous. La moitié du carré magique de 1958 est déjà là.

Son match référence : 28 juin 1958, Allemagne-France

Quatre jours après le match historique de Solna contre le Brésil de Pelé (2-5), les Bleus retrouvent l’Allemagne, champion du monde sortant, à Göteborg pour la troisième place. Privés de Piantoni, blessé et remplacé par Douis, Kopa, Fontaine et Vincent vont faire le spectacle et mettre un set aux Allemands (6-3). Si Kopa marqua un pénalty, Fontaine inscrivit ce jour-là quatre buts au sein d’une attaque euphorique. Se faisant, il effaçait le record du Hongrois Sandor Kocsis en 1954 (11 buts) pour porter son total personnel à 13 et entrer dans la légende de la coupe du monde. Le gardien allemand Kwiatkowski a vécu ce jour-là un calvaire, battu par l’avant-centre de Reims à la 16e (centre de Kopa repris du point de pénalty), à la 36e (tir de Lerond relâché et repris à six mètres), à la 77e et à la 89e sur des duels perdus à 15 mètres après un contre lancé depuis le rond central par Wisniewski.

 


 

Son dernier match : 11 décembre 1960, France-Bulgarie

Après une longue absence de neuf mois suite à sa fracture tibia-péroné du mois de mars, Just Fontaine retrouve les Bleus pour sa 21e sélection. En qualification pour la coupe du monde 1962, l’équipe de France reçoit la Bulgarie et l’emporte en deuxième mi-temps (3-0). Vincent et Kopa ne sont pas là, au contraire de Piantoni. Justo ne marque pas mais trouve le poteau sur un centre de Wisniewski à dix minutes de la fin, Lucien Cossou inscrivant dans la foulée le troisième but français. Le 1er janvier suivant contre Limoges, sa jambe convalescente cède une deuxième fois. A vingt-sept ans et quatre mois, la carrière de Just Fontaine est terminée.

 


 

Et après ?

Contraint de mettre un terme à sa carrière en 1962 après deux fractures tibia-péroné en mars 1960 puis en janvier 1961, Just Fontaine sort major de la promotion des entraîneurs. Il est appelé au poste de sélectionneur des Bleus début 1967, mais son interim ne dure que deux matches après deux défaites en amical contre la Roumanie et l’URSS [2] Engagé auprès des joueurs contre les dirigeants de clubs (il fonde l’UNFP en 1961), il entraîne le PSG entre 1973 et 1977, Toulouse en 1978-79 et la sélection du Maroc entre 1979 et 1981.

Tous ses matches

Dans ce tableau que vous pouvez trier colonne par colonne, la colonne « où » indique si les matches ont lieu à domicile (D), à l’extérieur (E) ou sur terrain neutre (N) ; les adversaires en bleu représentent les victoires, en gris les nuls et en rouge les défaites ; « bm » indique les buts marqués ; « tps » désigne le temps de jeu pour chaque match, l’astérisque avant la durée signale une entrée en jeu en tant que remplaçant. Enfin, « sel » indique le sélectionneur : « gV » pour Georges Verriest, « aB » pour Albert Batteux et « pN » pour Paul Nicolas.

#dategenreadversaireres.bmtpssel
21 11/12/1960 qCM D Bulgarie 3-0 0 90 gV
20 16/03/1960 Amical D Chili 6-0 2 90 aT
19 17/12/1959 Amical D Espagne 4-3 1 90 aT
18 13/12/1959 qEuro D Autriche 5-2 3 90 aT
17 11/11/1959 Amical D Portugal 5-3 3 90 aT
16 11/10/1959 Amical E Bulgarie 0-1 0 89 aT
15 09/11/1958 Amical D Italie 2-2 1 90 aB
14 26/10/1958 Amical D Allemagne 2-2 0 90 aB
13 05/10/1958 Amical E Autriche 2-1 1 90 aB
12 01/10/1958 qEuro D Grèce 7-1 2 90 aB
11 28/06/1958 CM N Allemagne 6-3 4 90 aB
10 24/06/1958 CM N Brésil 2-5 1 90 aB
9 19/06/1958 CM N Irlande du Nord 4-0 2 90 aB
8 15/06/1958 CM N Ecosse 2-1 1 90 aB
7 11/06/1958 CM N Yougoslavie 2-3 2 90 aB
6 08/06/1958 CM N Paraguay 7-3 3 90 aB
5 16/04/1958 Amical D Suisse 0-0 0 90 aB
4 13/03/1958 Amical D Espagne 2-2 1 90 aB
3 06/10/1957 Amical E Hongrie 0-2 0 90 aB
2 07/10/1956 Amical D Hongrie 1-2 0 90 aB
1 17/12/1953 qCM D Luxembourg 8-0 3 90 pN

[1Il le révèle dans l’entretien vidéo donné à l’Equipe en 2015

[2Lire à ce sujet une compilation d’articles de François Thébaud dans Miroir du Football

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Hommage à Pierre Cazal