Son apport
Ceux qui s’extasient devant le Barça de Guardiola auraient sans doute apprécié le Stade de Reims d’Albert Batteux et le jeu de son métronome, Raymond Kopa. Lequel revendique d’ailleurs la filiation lointaine avec Lionel Messi [1]. Avec son centre de gravité bas, ses dribbles courts, sa couverture de balle parfaite, une invraisemblable souplesse des chevilles et la précision de ses passes, il fait des ravages dans les défenses adverses et ne tarde pas à se rendre indispensable en sélection. Associé à Joseph Ujlaki, Hongrois naturalisé, le fils de Polonais fait des étincelles devant. Les arrivées de Roger Piantoni (fin 1952) et de Jean Vincent (fin 1953) vont poser les bases de la grande équipe de France de 1958, qu’Albert Batteux va sublimer à partir de 1955.
Transféré au Real Madrid à l’été 1956, Raymond Kopa s’éloigne pendant deux ans de l’équipe de France, les clubs étrangers n’ayant pas l’obligation de libérer leurs joueurs convoqués en sélection nationale. Il manque treize matches entre mars 1956 et mai 1958, mais entre-temps, il accumule une expérience précieuse au contact de Ferenc Puskas, Alfredo Di Stefano et Gento, excusez du peu. On peut faire le parallèle avec l’évolution tactique de Michel Platini entre 1982 et 1984 après son transfert à la Juventus, qui entraînera la victoire à l’Euro.
Contrairement à Platini d’ailleurs, Kopa fait briller les buteurs placés devant lui, que ce soient René Bliard, Léon Glovacki ou bien sûr Just Fontaine. Alors qu’ils n’ont jamais joué ensemble, ces deux-là se trouvent les yeux fermés en Suède. Cinq des treize buts de Fontaine sont nés d’une passe décisive de Kopa, qui en délivre d’ailleurs cinq autres (deux pour Piantoni, une pour Vincent, une pour Wisniewski et une pour Douis) et marque lui-même trois fois. Ces statistiques invraisemblables, qui ne disent pas tout de son influence sur le jeu, en font le candidat évident au troisième Ballon d’Or de l’histoire (alors réservé aux joueurs européens). Il l’emporte en décembre devant Helmut Rahn et Just Fontaine [2] et revient à Reims à l’été 1959 après trois saisons parfaites au Real Madrid. Il est champion d’Europe en 1957, 1958 et 1959, et champion d’Espagne en 1957 et 1958. Avec Reims, il remporte quatre titres nationaux (1953, 1955, 1960 et 1962), mais pas de Coupe de France.
- Lire l’article L’armoire du galibot sur le site Trophées du foot.
Kopa au classement des joueurs
Cinquante-septième. Triste place pour l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du football mondial. Pour qu’il se sente moins seul, Jean Vincent l’escorte, entre Alain Giresse, autre génie du jeu, et Eric Cantona, autre forte tête du foot français.
# | Joueur | Sel | Tps jeu mn | % tit | G | N | P | Buts | Cap |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
54 | Alain Giresse | 47 | 4069 | 96% | 29 | 11 | 7 | 6 | 1 |
55 | Etienne Mattler | 46 | 4170 | 100% | 21 | 6 | 19 | 0 | 14 |
56 | Jean Vincent | 46 | 4081 | 100% | 23 | 11 | 12 | 22 | 5 |
57 | Raymond Kopa | 45 | 3991 | 100% | 20 | 7 | 18 | 18 | 6 |
58 | Eric Cantona | 45 | 3954 | 100% | 25 | 13 | 7 | 20 | 10 |
59 | Basile Boli | 45 | 3560 | 89% | 23 | 12 | 10 | 1 | 0 |
60 | Bernard Lama | 44 | 3975 | 98% | 26 | 15 | 3 | 0 | 2 |
Kopa au classement des buteurs
54 ans après la fin de sa carrière internationale, Raymond Kopa n’est toujours pas sorti du top 20 des buteurs. Il est toujours bien calé derrière Roger Piantoni mais devant Franck Ribéry qui ne le rejoindra jamais. Parmi les joueurs en activité, le seul à pouvoir le menacer à court terme est Kylian Mbappé (15 buts).
Joueur | Buts | Sel | buts/ match | CF | Pe | 2 | 3+ | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
15 | Eric Cantona | 20 | 45 | 0,44 | 0 | 1 | 5 | 0 |
16 | Jean Baratte | 19 | 32 | 0,59 | 0 | 3 | 4 | 0 |
17 | Roger Piantoni | 18 | 37 | 0,49 | 1 | 0 | 1 | 0 |
18 | Raymond Kopa | 18 | 45 | 0,40 | 0 | 6 | 3 | 0 |
19 | Franck Ribéry | 16 | 81 | 0,20 | 0 | 3 | 1 | 0 |
20 | Laurent Blanc | 16 | 97 | 0,16 | 0 | 0 | 1 | 0 |
21 | Eugène Maës | 15 | 11 | 1,36 | 0 | 0 | 1 | 2 |
Son équipe préférentielle
En dix ans de carrière et seulement 45 matches joués, Raymond Kopa aura côtoyé pas moins de 83 partenaires. C’est beaucoup plus que Giresse (66 en 45 matches également). Et son équipe préférentielle (composée des coéquipiers avec lesquels il a le plus souvent joué) est la copie quasi-conforme de celle de Jean Vincent. On notera que si Just Fontaine est l’avant-centre le plus souvent associé à Kopa, ça ne représente que 11 matches seulement, pour 21 avec Roger Piantoni et 23 avec Jean Vincent. Pour l’anecdote, Larbi Ben Barek a terminé sa carrière en Bleu en partageant 27 minutes de jeu avec Kopa (en 1954), et ce dernier a croisé brièvement en sélection Michel Hidalgo (une mi-temps en 1962) et Robert Herbin (un match entier en 1962). Raymond Kopa aura donc assuré la jonction entre le football français d’avant-guerre et celui des années 70.
Ses sélectionneurs
Rappelons tout d’abord qu’à cette époque, il y avait un comité de sélection présidé par Paul Nicolas jusqu’à la mort de ce dernier en 1959, puis par Alex Thépot (qui détestait le jeu rémois) et Georges Verriest. C’est avec ce dernier que Raymond Kopa entrera dans un conflit violent en 1962 et 1963, mettant un terme prématuré à sa carrière internationale. Mais c’est évidemment sous la direction d’Albert Batteux, entraîneur du Stade de Reims et de l’équipe de France entre 1955 et 1962, que Kopa brillera le plus. Le départ de Batteux en mai 1962, remplacé par Henri Guérin (qui deviendra lui-même le premier sélectionneur unique de l’équipe de France en 1964) a évidemment pesé lourd dans les derniers mois de Kopa en Bleu. Enfin, le hasard voudra que ce dernier décède un 3 mars, 58 ans jour pour jour après Paul Nicolas.
Son premier match : 5 octobre 1952, France-RFA
A Colombes, ce jour d’automne, c’est un match particulier qui se joue : le premier entre la France et l’Allemagne depuis la fin de la guerre. Outre Raymond Kopa, qui n’avait pas encore 21 ans, quatre débutants sont alignés : Ruminski, Gianessi, Penverne et Ujlaki. Ce dernier s’entend à merveille avec Kopa et marqua après 4 minutes. L’équipe de France maîtrise le jeu, arrose la cage de Turek (28 tirs) et l’emporte en fin de match grâce à des buts de Cisowski et Strappe (3-1). C’est un résultat qui n’est pas que symbolique, puisque la Mannschaft deviendra championne du monde vingt mois plus tard à Berne contre la Hongrie.
Son match référence : 17 mars 1955, Espagne-France
C’est sans doute cet après-midi-là, devant 120 000 spectateurs au stade Chamartin de Madrid, que Raymond Kopa a franchi un palier décisif qui l’enverra au Real quinze mois plus tard. Sous les ordres d’Albert Batteux, qui vient de remplacer Jules Bigot, les Tricolores laissent passer l’orage, se réorganisent avec Kopa dans une position axiale, égalisent par ce dernier et font une démonstration de jeu collectif. Le score final (2-1) est presque flatteur pour les Espagnols, tant les Français ont dominé. Kopa se voit refuser un but pourtant valable sur un centre en retrait de Vincent, et l’arbitre ne siffle pas un pénalty évident pour une faute dans la surface sur Mahjoub.
Son dernier match : 11 novembre 1962, France-Hongrie
Que la carrière internationale d’un joueur de ce niveau se soit achevée de la sorte n’est pas glorieux. A l’automne 1962, Raymond Kopa n’a pas la tête au football, et pour cause : son petit garçon, atteint d’une leucémie, est très gravement malade. Georges Verriest le convoque pourtant contre la Hongrie, le place à droite où il ne fait rien et l’attaque durement après la défaite (2-3), affirmant qu’il faut « écarter les planeurs ». Le même Verriest le rappelle pourtant un an plus tard face à la Bulgarie, mais Kopa exige au préalable des excuses du sélectionneur, qui a mis en cause sa mentalité. Devant le refus de ce dernier, Kopa quitte le groupe et est suspendu par la fédération.
Et après ?
Amoureux du jeu beaucoup plus que du pouvoir (suivez mon regard), il a tapé dans le ballon jusqu’à un âge plus que canonique (70 ans en vétéran !) sans passer par la case entraîneur. Mais avant ça, il se lance dans le commerce, où il est aussi un précurseur, alors qu’il est encore joueur, dès 1954. Il milite aussi contre le contrat qui lie un joueur à un club jusqu’à 35 ans, et obtient gain de cause huit ans plus tard, en 1969. En 1970, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Il a aussi été consultant pour France Inter, RMC et ESPN pendant les coupes du monde 1978, 1982, 1986 et 2006.
Tous ses matches
Dans ce tableau que vous pouvez trier colonne par colonne, la colonne « où » indique si les matches ont lieu à domicile (D), à l’extérieur (E) ou sur terrain neutre (N) ; les adversaires en bleu représentent les victoires, en gris les nuls et en rouge les défaites ; « bm » indique les buts marqués ; « tps » désigne le temps de jeu pour chaque match, l’astérisque avant la durée signale une entrée en jeu en tant que remplaçant. Enfin, « sel » indique le sélectionneur : « gV » pour Georges Verriest, « aB » pour Albert Batteux et « pN » pour Paul Nicolas.
# | date | genre | où | adversaire | res. | bm | tps | sel |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
45 | 11/11/1962 | Amical | D | Hongrie | 2-3 | 0 | 90 | gV |
44 | 03/10/1962 | qEuro | E | Angleterre | 1-1 | 0 | 90 | gV |
43 | 05/05/1962 | Amical | E | Italie | 1-2 | 0 | 90 | gV |
42 | 11/04/1962 | Amical | D | Pologne | 1-3 | 0 | 90 | gV |
41 | 18/10/1961 | Amical | E | Belgique | 0-3 | 0 | 90 | gV |
40 | 02/04/1961 | Amical | E | Espagne | 0-2 | 0 | 31 | gV |
39 | 15/03/1961 | Amical | D | Belgique | 1-1 | 0 | 90 | gV |
38 | 30/10/1960 | Amical | E | Suède | 0-1 | 0 | 90 | gV |
37 | 27/03/1960 | qEuro | E | Autriche | 4-2 | 1 | 90 | aT |
36 | 28/02/1960 | Amical | E | Belgique | 0-1 | 0 | 90 | aT |
35 | 17/12/1959 | Amical | D | Espagne | 4-3 | 0 | 90 | aT |
34 | 13/12/1959 | qEuro | D | Autriche | 5-2 | 0 | 90 | aT |
33 | 11/11/1959 | Amical | D | Portugal | 5-3 | 0 | 90 | aT |
32 | 11/10/1959 | Amical | E | Bulgarie | 0-1 | 0 | 90 | aT |
31 | 01/10/1958 | qEuro | D | Grèce | 7-1 | 1 | 90 | aB |
30 | 28/06/1958 | CM | N | Allemagne | 6-3 | 1 | 90 | aB |
29 | 24/06/1958 | CM | N | Brésil | 2-5 | 0 | 90 | aB |
28 | 19/06/1958 | CM | N | Irlande du Nord | 4-0 | 0 | 90 | aB |
27 | 15/06/1958 | CM | N | Ecosse | 2-1 | 1 | 90 | aB |
26 | 11/06/1958 | CM | N | Yougoslavie | 2-3 | 0 | 90 | aB |
25 | 08/06/1958 | CM | N | Paraguay | 7-3 | 1 | 90 | aB |
24 | 15/02/1956 | Amical | E | Italie | 0-2 | 0 | 90 | aB |
23 | 25/12/1955 | Amical | E | Belgique | 1-2 | 0 | 90 | aB |
22 | 11/11/1955 | Amical | D | Yougoslavie | 1-1 | 0 | 90 | aB |
21 | 23/10/1955 | Amical | E | URSS | 2-2 | 1 | 90 | aB |
20 | 09/10/1955 | Amical | E | Suisse | 2-1 | 1 | 90 | aB |
19 | 15/05/1955 | Amical | D | Angleterre | 1-0 | 1 | 90 | aB |
18 | 17/03/1955 | Amical | E | Espagne | 2-1 | 1 | 90 | aB |
17 | 11/11/1954 | Amical | D | Belgique | 2-2 | 2 | 90 | pN |
16 | 16/10/1954 | Amical | E | Allemagne | 3-1 | 0 | 90 | pN |
15 | 19/06/1954 | CM | N | Mexique | 3-2 | 1 | 90 | pN |
14 | 16/06/1954 | CM | N | Yougoslavie | 0-1 | 0 | 90 | pN |
13 | 30/05/1954 | Amical | E | Belgique | 3-3 | 1 | 90 | pN |
12 | 11/04/1954 | Amical | D | Italie | 1-3 | 0 | 90 | pN |
11 | 11/11/1953 | Amical | D | Suisse | 2-4 | 0 | 90 | pN |
10 | 18/10/1953 | Amical | E | Yougoslavie | 1-3 | 0 | 90 | pN |
9 | 04/10/1953 | qCM | E | Rep. d’Irlande | 5-3 | 0 | 90 | pN |
8 | 20/09/1953 | qCM | E | Luxembourg | 6-1 | 1 | 90 | pN |
7 | 11/06/1953 | Amical | E | Suède | 0-1 | 0 | 90 | pN |
6 | 14/05/1953 | Amical | D | Galles | 6-1 | 2 | 90 | pN |
5 | 25/12/1952 | Amical | D | Belgique | 0-1 | 0 | 90 | pN |
4 | 16/11/1952 | Amical | E | Rep. D’Irlande | 1-1 | 0 | 90 | pN |
3 | 11/11/1952 | Amical | D | Irlande du Nord | 3-1 | 2 | 90 | pN |
2 | 19/10/1952 | Amical | E | Autriche | 2-1 | 0 | 90 | pN |
1 | 05/10/1952 | Amical | D | Allemagne | 3-1 | 0 | 90 | pN |