En 2016, l’ancien rédacteur en chef de L’Equipe avait publié chez Talent Sport Le carré magique, quand le jeu était à nous. Huit ans plus tard, il récidive, mais en concentrant son récit sur les deux semaines de l’Euro 84 qui ont vu les Bleus décrocher leur premier titre au terme de deux semaines folles ponctuées de cinq victoires contre le Danemark (1-0, but de Platini), la Belgique (5-0, triplé de Platini, buts de Fernandez et Giresse), la Yougoslavie (3-2, triplé de Platini), le Portugal (3-2 après prolongations, doublé de Domergue, but de Platini) et l’Espagne (2-0, buts de Platini et Bellone).
Le petit plus par rapport à l’édition de 2016, qui couvrait elle une période plus large allant de 1981 à 1986, ce sont les données statistiques d’Opta, qui alimente désormais les comptes rendus de match. Pas de kilomètres parcourus par joueur (ce qui n’a de toutes façons pas grand intérêt) ou de heatmap déterminant les zones de terrain ou chaque joueur a touché le ballon, ni, Dieu merci, d’Expected Goals. Mais plus basiquement le nombre de tirs, dont cadrés, la possession, le nombre de passes, dont celles réussies vers le dernier tiers, les duels remportés, les arrêts, etc.
Une impression visuelle confirmée par les chiffres
L’intérêt, puisque le sujet du livre est avant tout le carré magique version 1984 élargi à Bernard Genghini (même si ce dernier n’a joué qu’un match, celui face à la Belgique à Nantes), ce sont aussi les stats particulières de chacun des joueurs. On ne les dévoilera pas ici, mais l’impression visuelle de domination totale de l’entrejeu français, hormis sans doute la première mi-temps face à la Yougoslavie et celle de la finale, est bien confirmée par les chiffres. Personne n’a fait mieux que ces quatre-là en juin 1984, même s’il faut rappeler que l’Euro en France s’est joué sans l’URSS, l’Italie, l’Angleterre et les Pays-Bas, ce qui fait beaucoup.
C’est l’occasion aussi de rappeler que ce carré magique a été particulièrement éphémère : Platini, Giresse, Tigana et Genghini n’ont été associés que quatre fois en deux ans (1982-1984), alors que la version améliorée avec Fernandez à la place de Genghini a joué 17 fois de 1984 à 1986. Patrick Lemoine y ajoute trois matchs avec des carrés mixtes (comprenant quatre des cinq joueurs, mais en l’absence soit de Tigana, soit de Giresse, soit de Platini, en 1983-1984). Les résultats parlent d’eux-mêmes : en 24 matchs, 18 victoires, 4 nuls, 2 défaites (dont une en amical au Danemark en septembre 1983), 45 buts marqués et 17 encaissés. Sur les 45 buts, Platini en a marqué 18, Giresse 6, Fernandez 2 et Tigana 1.
Depuis 2016, l’instigateur de ce coup de génie que fut le carré magique a disparu. Michel Hidalgo est mort le 26 mars 2020, mais il a eu l’occasion, le 20 février de cette année-là, de retrouver une vingtaine d’anciens joueurs dans un restaurant marseillais, dont les cinq membres du carré magique. Patrick Lemoine ouvre son récit sur ces adieux à la fois tristes et tellement chaleureux. Trois semaines plus tard, le pays tout entier était confiné pendant que l’épidémie de Covid-19 faisait des ravages.
On laissera le mot de la fin à un autre sélectionneur disparu récemment, l’Argentin César Luis Menotti, qui avait dit après l’Euro 1984 : « La France a le meilleur milieu de terrain du monde, même le Brésil n’a rien d’équivalent ». Ce livre le démontre une fois de plus.