23 octobre 1955 : le premier URSS-France

Publié le 23 octobre 2025 - Richard Coudrais

Le 23 octobre 1955, l’équipe de France se rend pour la première fois à Moscou où elle affronte une mystérieuse équipe d’URSS que l’on dit redoutable. Les Tricolores y produisent une prestation de qualité.

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Le moins que l’on puisse dire est que l’Union Soviétique sait recevoir. Quand Moscou accueille pour la première fois l’équipe de France de football, le stade a la délicatesse de diffuser “Ma môme”, le dernier succès d’Yves Montand. Et comme plusieurs acteurs français sont présent à un festival du film qui se déroule au même moment à Moscou, les organisateurs invitent Gérard Philipe, Danielle Darrieux, Dany Robin et Nicole Courcel à assister au match. L’acteur, en promotion pour son dernier film, “Le Rouge et le Noir”, adaptation du roman de Stendhal réalisée par Claude Autant-Lara, donne le coup d’envoi.

Un maillot rouge floqué CCCP

L’affiche est historique. L’équipe d’URSS, officiellement créée en 1924, a longtemps attendu avant d’entrer dans le concert des nations du football. L’idéologie communiste y est pour beaucoup, empêchant tout contact avec l’Occident, mais les réticences de ce dernier ont également été nombreuses. Ce n’est qu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale que le mouvement sportif soviétique consent à s’ouvrir quelque peu au monde bourgeois. La fédération soviétique de football s’inscrit à la FIFA en 1946 et son équipe au maillot rouge floqué CCCP apparaît en 1952 lors des Jeux olympiques d’Helsinki. Elle échoue en quart de finale contre la Yougoslavie à l’issue d’une double confrontation entrée dans l’histoire.

Si elle ne s’inscrit pas pour la Coupe du monde 1954, la sélection d’URSS rencontre par la suite quelques sélections étrangères. Elle reçoit notamment tour à tour les finalistes du mondial helvétique, la Hongrie et l’Allemagne de l’Ouest, qu’elle tient en respect. Elle se déplace à Budapest et à Stockholm où elle malmène l’équipe de Suède. Elle effectue également une tournée en Inde avant d’en recevoir l’équipe nationale pour lui infliger un 11-1 qui reste le plus gros score de son histoire.

Depuis Helsinki, la sélection soviétique est invaincue, ce qui ne manque pas d’impressionner les Français. Toutefois, la sélection tricolore est elle-même dans une belle dynamique. La saison 1954/1955 l’a vue remporter de belles victoires, notamment sur le terrain des champions du monde allemands, mais aussi à Madrid contre l’Espagne et à Colombes contre l’Angleterre. La sélection dirigée par Albert Batteux a terminé la saison invaincue et a démarré la suivante sur les mêmes bases, en s’imposant à Bâle contre la Suisse (2-1, buts de Kopa et Piantoni).

Rouleau compresseur

Pour se rendre à Moscou, la délégation française a pris un vol jusqu’à Prague, où elle est montée dans un avion russe dûment autorisé par les autorités soviétiques. La rencontre se déroule au Stade du Dynamo Moscou où 54.000 spectateurs, civils et militaires confondus, ont bravé le froid et la pluie pour assister à la rencontre. On dénombre trois cent Français qui ont pu se rendre au stade et admirer, au dessus des tribunes, l’impressionnante plaque qui, dans un pur style soviétique, rend hommage à Lénine et Staline.

Après les hymnes nationaux, juste avant le coup d’envoi, chacun des joueurs soviétiques offre un copieux bouquet de fleurs à un Tricolore. Trois changements, par rapport au match contre la Suisse, sont à signaler dans le onze de l’équipe de France : Simon Zimny, Abderrahman Mahjoub et Joseph Ujlaki sont remplacés par le Lensois Xercès Louis, le Stéphanois Jacques Foix, et le Rémois Armand Penverne qui effectue son retour. Du côté soviétique, le gardien Lev Yashin est absent, remplacé par Boris Razinskiy, du CDSA Moscou, dont c’est la première sélection. Le onze soviétique compte six joueurs du Spartak, dont le capitaine Igor Netto.


 

Redoutant particulièrement cette équipe soviétique dont on dit qu’elle est un rouleau compresseur, Albert Batteux choisit d’aligner quatre défenseurs en appliquant le marquage de zone. Penverne et Piantoni sont placés comme milieux de terrains à vocation défensive. Toutefois, dès le match lancé, l’équipe de France se montre très entreprenante autour de Napoléon Kopa qui aiguille le jeu face à des adversaires au jeu académique, appliqué, mais sans prise de risque.

Octobre à Moscou

La rencontre est d’un très haut niveau. A la demi-heure de jeu, le puissant Eduard Streltsov, attaquant du Torpedo, se procure une occasion, mais son tir est bien arrêté par François Remetter. Le gardien sochalien renvoie le ballon à Jean-Jacques Marcel, lequel remonte jusqu’aux abords de la surface de réparation. Il donne à Foix qui alerte Kopa sur l’aile droite. Le joueur du Stade de Reims dribble deux adversaires, entre dans la surface et alors que trois défenseurs viennent le contrer, sa frappe soudaine envoie le ballon dans les filets de Radzinski. La France mène 1-0 à Moscou.

Les Français doivent toutefois continuer le match sans Jean Vincent, blessé au genou et remplacé par René Bliard. De leur côté, les Soviétiques élèvent leur niveau de jeu et dominent les français à la manière du fameux rouleau compresseur annoncé. A trois minutes de la mi-temps Sergueï Salnikov est bousculé par Penverne dans la surface de réparation. L’arbitre anglais Arthur Ellis accorde un coup franc indirect à dix mètres de la cage française. Salnikov pousse le ballon vers Streltsov, qui l’envoie d’une frappe sèche dans les filets français, malgré le mur bleu dressé devant lui.

Le score est nul (1-1) à la pause. En début de seconde période, Boris Tatushin remplace Vladimir Shabrov, ce qui passe à sept le nombre de joueurs du Spartak Moscou sur la pelouse. Le joueur entrant se distingue très vite. Lancé sur l’aile droite, il échappe au marquage du capitaine Roger Marche. Son centre précis est repris de la tête par Nikita Simonyan qui bat le gardien français.

La victoire manquée de peu

Menés (2-1), les joueurs français livrent alors un grand combat pour tenter d’égaliser. Leur football imaginatif et offensif est célébré par la foule. Après l’heure de jeu, Roger Piantoni, qui a joué de façon très repliée, sort de sa réserve. Le jeune Nancéien remonte le terrain et se retrouve à la conclusion d’un mouvement offensif où il s’en va battre Razinskiy d’un tir de près. A 2-2, l’équipe de France continue de dominer légèrement une équipe soviétique difficile à bouger. Dans les dernières minutes, une tentative de Léon Glowacki suivie d’un tir de Marcel manquent de donner la victoire aux Tricolores. L’arbitre siffle finalement la fin de la rencontre sur un score nul (2-2).

La rencontre n’étant pas diffusée à la télévision, c’est que par un résumé des Actualités Françaises que les Français découvriront l’exploit de leurs footballeurs. L’équipe de France rencontrera douze fois l’équipe d’URSS au cours de son histoire, notamment au premier tour de la Coupe du monde 1986 au Mexique. Les deux équipes se croiseront également en matchs éliminatoires, pour la Coupe du monde 1974 et pour l’Euro 1988, avec à chaque fois une issue favorable aux Soviétiques. Sur douze rencontres, l’équipe de France n’en remportera finalement que deux. Elle concèdera six matchs nuls, dont celui du 9 septembre 1987 à Moscou, dernière rencontre avant la dislocation de 1991.

Moscou, stade Dinamo, le 23 octobre 1955
Union Soviétique et France 2-2
Buts : Kopa (29’) et Piantoni (63’) pour la France, Streltsov (43’) et Simonyan (46’) pour l’URSS.
U.R.S.S. : Razinskiy - Porkhunov, Maslyonkin, Ogonkov - Betsa, Netto (cap.) - Shabrov (50’ Tatushin), Streltsov, Simonyan, Salnikov, Ilyin. Entraîneur : Gavriil Kachalin.
FRANCE : Remetter - Louis, Jonquet, Marche (cap), Marcel - Penverne, Piantoni - Foix, Glowacki, Kopa, Vincent (31’ Bliard). Entraîneur : Albert Batteux.
Arbitre : Arthur Ellis (Angleterre).
54.000 spectateurs.
JoueurPosteÂgeSélectionsClub
François Remetter Gardien 27 ans 13/26 FC Sochaux
Xercès Louis Défenseur 28 ans 6/12 RC Lens
Roger Marche (cap) Défenseur 31 ans 45/63 RC Paris
Robert Jonquet Défenseur 30 ans 34/58 Stade de Reims
Jean-Jacques Marcel Défenseur 24 ans 12/44 Olympique de Marseille
Armand Penverne Milieu de terrain 28 ans 16/39 Stade de Reims
Roger Piantoni Milieu de terrain 23 ans 11/37 FC Nancy
Jacques Foix Attaquant 24 ans 4/7 AS Saint-Etienne
Léon Glowacki Attaquant 27 ans 9/11 Stade de Reims
Raymond Kopa Attaquant 24 ans 21/45 Stade de Reims
Jean Vincent > (31’) Attaquant 24 ans 11/46 Lille OSC
> (31’) René Bliard Attaquant 23 ans 3/7 Stade de Reims

pour finir...

La rédaction de cet article a nécessité la consultation des sites selectiona.free.fr, RSSSF, L’Équipe, FFF, Wikipédia, INA et la relecture des ouvrages « La fabuleuse histoire du football » de Jacques Thibert et Jean-Phlippe Rethacker (Nathan, 1990), « L’intégrale de l’équipe de France de football » de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia (First édition, 1998), « Sélectionneur des Bleus » de Pierre Cazal (Mareuil, 2021), « Le Dico des Bleus » de Matthieu Delahais, Bruno Colombari et Alain Dautel (Marabout, 2017-2018-2022), « Jean Vincent, la passion du football » de Daniel Ollivier (Jamet éditions, 2023).

Mots-clés

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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